Justification des licenciements : pourquoi Gattaz a raison sur le fond mais tort sur la forme quand il demande qu’on y mette fin<!-- --> | Atlantico.fr
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Pierre Gattaz, président du Medef
Pierre Gattaz, président du Medef
©Reuters

L'important est de savoir convaincre

Avec ses derniers propos sur la nécessité d'assouplir les possibilités de licenciement des CDI, Pierre Gattaz a récemment suscité des réactions épidermiques. Pourtant, si la présentation provocatrice de cette mesure n'est pas des plus efficaces pour convaincre les représentants des salariés, l'embauche via des contrats à durée déterminée est bien un problème : cela concernerait près de 80% des embauches actuellement.

Sophie de Menthon

Sophie de Menthon

Sophie de Menthon est présidente du Mouvement ETHIC (Entreprises de taille Humaine Indépendantes et de Croissance) et chef d’entreprise (SDME).

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Atlantico : Pierre Gattaz a récemment déclaré que pour diminuer la précarité, et faciliter les embauches, il était nécessaire d'alléger le code du travail, et notamment de simplifier les procédures de licenciement. Quelle est votre position par rapport à cette déclaration ?

Sophie De Menthon : Je suis d'accord : le code du travail est trop contraignant pour les entreprises, le ministre de la simplification l'a lui-même admis. C'est un vrai sujet, qui mérite une réflexion approfondie, et qui n'a rien à voir  avec la question selon laquelle cela permettrait de licencier facilement les salariés. il faut arrêter de mélanger tout!  En revanche il faut expliquer inlassablement qu'il est compliqué pour un chef d'entreprise de recruter s'il ne sait pas comment il pourra licencier s'il le doit en cas de chute de l'activité,et combien cela coutera à l'entreprise. Ce n'est pas pour rien qu'actuellement près de 80% des contrats signés sont des CDD. Le coût des Prud'hommes est une inconnue, très dangereuse pour l'entreprise.

Je suis favorable à l'emploi, au recrutement, à l'idée qu'il faut simplifier la vie des entreprises pour qu'elles puissent embaucher facilement donc pouvoir débaucher en cas de besoin. Les carnets de commandes sont très maigres, la situation va mal, et pour les petites et moyennes entreprises le recrutement est trop risqué, coûteux.  Ce n'est pas scandaleux de vouloir créer des CDI plus flexibles, nous voulons faire cesser ces aberrations qui contraignent à créer du travail précaire  

Quand à la façon dont Pierre Gattaz l'exprime c'est autre chose, mais surtout le scandale tient dans  la façon dont c'est traduit  dans les médias et utilisé par certains. Nous nous trouvons dans une crise terrible et il faudrait une union des forces, politiques, entrepreneuriales et syndicales pour modifier un système qui aujourd'hui provoque du chômage.

 Certaines mesures sont difficiles à comprendre si on ne veut pas s'intéresser au sujet, et les politiques comme les médias en profitent. C'est un jeu de cache-cache, on promet dans les couloirs des ministères des mesures qui sont invalidées par d'autres ministères en parallèles.  Nous l'avons bien vu avec la loi Hamon sur l'obligation d'information des salariés en cas de vente de l'entreprise...

Pierre Gattaz est du côté des chefs d'entreprises et il doit gérer un état  quasi insurrectionnel des entrepreneurs de tous horizons  en tentant de composer en négociateur qu'il est.

La vision  caricaturale des problèmes par les  syndicats et  certains idéologues sont un drame pour l'économie réelle et empêche de trouver des vraies solutions.

On peut comprendre que le président du MEDEF mette les pieds dans le plat. Les patrons "pêtent les plombs" et ils demandent que les choses soient dites...

En quoi ce CDI flexible serait-il différent ? Comment par exemple la cause de licenciement pour "nécessité pour le fonctionnement de l'entreprise" s'articulerait comparativement à aujourd'hui ?

Le  fait que 80% des embauches se fassent via des CDD est un drame. Et nous patrons, en sommes conscients. C'est pour cela, je le répète, qu'il faut trouver une solution pour rétablir la confiance et l'audace de recruter entre autre en supprimant ou en allégeant  les coûts potentiels associés à un licenciement.

 Il est tout aussi navrant de voir les commentaires de personnalités qui  invoquent le chômage historique actuel pour dénoncer une mesure qui  en  est potentiellement le remède. Pour recruter en CDI, il ne faut pas avoir une épée de Damoclès au dessus de la tête

Concrètement, par exemple  il faudrait qu'un salarié qui reste deux ans dans l'entreprise touche une prime de départ proportionnelle à son ancienneté même chose pour celui qui reste 10 ans et sans l'aléa d'un dédommagement non plafonné aux prudhommes.

Il y a un problème à ce niveau là, une incertitude sur le plan juridique, avec des jurisprudences qui se contredisent et ne permettent pas de rationaliser le cadre légal.

Quelles sont les limites d'une telle disposition ?

 Réfléchissons y objectivement mais les syndicats et les partenaires sociaux ne représentent plus les salariés. Leur vision caricaturale des problèmes dont souffre l'économie réelle empêche de trouver des vraies solutions.

Alors s' il est vrai que parmi les patrons, il y a la même proportion de personnes malhonnêtes que partout et que certains pourront toujours  profiter abusivement d'un système, ce n'est pas la majorité. Les licenciements seront peut-être moins compliqués, mais la précarité existe déjà avec les CDD...

Il faut bien se dire que lorsqu'on recrute quelqu'un, c'est  difficile, engageant et cher. Or  on a l'impression à lire certains médias et  à entendre certains représentants gouvernementaux qui ont une vision biaisée de la vie en entreprise, que l'unique objectif du patron est de se débarrasser de ceux qu'il recrute ; nous ne sommes pas des Shadocks! Bien évidemment que lorsqu'on a un salarié intégré et performant, on prie pour pouvoir le garder ! Surtout pendant des périodes de crise où les marges de manœuvres de recrutement sont faibles, et où il faut trouver la bonne personne rapidement. Pour certains postes, il faut attendre jusqu'à six mois pour savoir si le salarié convient . Le CDD répond également à un impératif de test, de la capacité du salarié à convenir au poste.

Pierre Gattaz a également déclaré que la menace prud’homale était le principal frein à l'embauche. N'est-ce pas avant tout le coût du travail, et les charges sociales ?

Dans la notion de coût du travail il faut ajouter tous les phénomènes induits,  les coûts annexes comme la formation la difficulté de licencier si c'est nécessaire, le cout de la complexité administrative etc. ce ne sont pas que les charges sociales. Les contrôles permanents, la fiscalité punitive contribuent aussi  à un coût  psychologique trop important du travail.

Et puis il y a une démotivation des salariés face au  travail. On a permis aux gens de penser qu'ils avaient avant tout des droits et pas des devoirs, qu'on les exploite, qu'il faut compter son temps de travail avec parcimonie. C'est réussi! Je  pense que Pierre Gattaz prend le contre-pied de ces fondements idéologiques pour les renverser, car si J'ai l'impression qu'il y a effectivement un vrai tournant de la part du gouvernement, et notamment du Président de la république, du Premier ministre, et d'Emmanuel Macron, au sein même de leur majorité, ils sont contestés.  Comment gérer cela quand on est un responsable patronal ?

Selon vous, la forme employée par le président du Medef semble déplacée et trop provocatrice pour porter ses fruits. Quels ont été les résultats de l'attitude pédagogue qui a été appliquée de longue date ?

C'est seulement sortie de son contexte que la formulation utilisée par Pierre Gattaz peut paraître maladroite. Il faudrait ne pas tronquer ses explications et son raisonnement pour ne retenir qu'une phrase pour faire  les gros titres! c'est plus facile de  parler d'un retour à l'esclavage , plus vendeur et cela va bien dans le sens de notre dépression nationale ...Pierre Gattaz est du côté des chefs d'entreprises qui sont dans un état  pré-insurrectionnel, et face à un gouvernement schizophrène.  Ou voyez vous une possible pédagogie sereine dans tout cela ?

Maladroit ? Peut-être, mais n'est ce pas le gouvernement qui va de maladresse en maladresse ?

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