Indemnités des députés français : pour une fois, inspirons-nous du Parlement européen !<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Indemnités des députés français : pour une fois, inspirons-nous
du Parlement européen !
©

Modèle supranational

Les députés français ont rejetés la proposition renforçant le contrôle de leurs frais professionnels. La proposition visait à imposer la partie de l'indemnité de frais de mandat qui n'aurait pas été dépensée. En la matière, le Parlement européen est une mine d'idées neuves.

Corinne Lepage

Corinne Lepage

Corinne Lepage est avocate, ancien maître de conférences et ancien professeur à Sciences Po (chaire de développement durable).

Ancienne ministre de l'Environnement, ancienne membre de Génération écologie, fondatrice et présidente du parti écologiste Cap21 depuis 1996, cofondatrice et ancienne vice-présidente du Mouvement démocrate jusqu'en mars 2010, elle est députée au Parlement européen de 2009 à 2014. En 2012, elle fonde l’association Essaim et l’année suivante, la coopérative politique du Rassemblement citoyen. En 2014, elle devient présidente du parti LRC - Cap21.

Voir la bio »

Alors que les députés français viennent de refuser la proposition tendant à voir contrôler l'utilisation de leurs frais professionnels (6 412 euros par mois) et de rendre publique la liste de leurs éventuels conflits d’intérêts, il n'est pas sans intérêt de comparer cette situation avec celle des députés européens.

Rappelons que la proposition de Charles de Courson consistait à imposer la partie de l’IRFM (indemnité de frais de mandat) qui n’aurait pas été dépensée à la fin du mois, d’où un contrôle obligatoire sur l’utilisation des frais professionnels
. Par une touchante majorité de droite et de gauche, mis à part 6 députés socialistes et 6 députés UMP, les Verts et les Radicaux s’abstenant courageusement, l’amendement a été rejeté. Il est vrai que la fiscalisation, au contraire du remboursement, engendrerait la création d’une niche supplémentaire. De même l’achat d’une permanence parlementaire n’engendre pas une fiscalisation lors de la revente en fin de mandat.

Quant à la question de la publication des déclarations d’intérêt, elle n’est pas à l’ordre du jour. Le déontologue n’a pas encore été nommé, les déclarations n’ont donc pas encore été déposées par les députés et de toutes les façons, elles resteront secrètes entre les mains de ce dernier puisque aucune modification des textes votés en avril dernier n’est prévue.

En tant que parlementaire européen, je vois une évolution du contrôle des parlementaires dans notre institution sous l’impulsion d’un noyau dur de députés (de la précédente mandature et l’actuelle), mais aussi et surtout par l’évolution des scandales successifs (achats de députés, détournement des frais d’assistance parlementaire, exploitation des collaborateurs…). Il serait bon que nos concitoyens connaissent les règles qui s'imposent à leurs représentants au Parlement européen et dont leurs représentants nationaux feraient bien de s'inspirer eux mêmes, sachant que la situation à l'échelle nationale est loin d'être idyllique.

Chaque député européen reçoit sa rémunération, qui est automatiquement amputée en cas de présence insuffisante en session plénière. S’y ajoute une indemnité journalière de 304 euros par jour de présence à Bruxelles et Strasbourg couvrant les frais d’hébergement, de repas et autres liés à la présence sur place.

Les indemnités versées aux parlementaires européens

Une indemnité pour assistance parlementaire est mise à disposition du parlementaire (en cas de non utilisation, l’indemnité revient dans le budget commun) qui se répartit en trois catégories avec des :

- assistants parlementaires accrédités recrutés par le Parlement européen, soumis aux règles des fonctionnaires européens et travaillant à Strasbourg où à Bruxelles. Les collaborateurs peuvent ainsi bénéficier d’une convention collective ;

- assistants locaux, en charge des relations directes avec nos concitoyens. Le salaire du collaborateur est alors pris en charge par le Parlement européen et le contrôle est effectué par un tiers payant qui est comptable. Malheureusement, certains détournent les règles et utilisent ces sommes pour rémunérer le personnel mis à disposition des partis politiques sans lien avec l’exercice du mandat. Il faut craindre une augmentation de ces dérives après les élections nationales pour des partis ayant vu leur subvention publique se réduire.

- dans une limite de 25 %, les membres peuvent également recourir aux services proposés par des personnes morales, à condition que ces services soient clairement définis, directement et exclusivement liés à leur mandat et ne concernent pas la fourniture de ressources humaines. Ces factures sont contrôlées par un comptable avec une vérification de l’existence du prestataire et un nombre limité d’objets de facturation.

Une indemnité couvre les frais de bureau. Elle est forfaitaire et s'élèvait à 4 202 euro par mois en début de mandat et s’élève à 4 299 euro depuis le 1er juillet 2011. Cette indemnité vise à couvrir les frais du député et de ses collaborateurs, notamment pour les frais de téléphone (principal poste budgétaire, notamment à cause du « roaming »), les fournitures de bureau, d’informatique, de représentation dans l’euro-circonscription, de traduction et d’interprétation. L’usage de cette indemnité n’est malheureusement pas contrôlée, mais rien n’empêche les députés d’en publier l’usage, ce que nous sommes quelques uns à faire.

Les règles relatives aux conflits d'intérêts

Les députés européens n’ont pas les pudeurs de nos représentants. Pas moins de 5 pages de questionnaire ont été remplies par chacun, précisant ses sources de revenus autres, leur montant, la participation à tout organisme y compris de manière bénévole avec un recul dans le temps.

Ces informations sont publiques et à la disposition de tout citoyen européen.
Certaines des déclarations ont du reste donné lieu à des commentaires et certaines fonctions ont été jugées incompatibles par les services du Parlement. Elles sont en ce moment à l’étude par les services appropriés.

Enfin, des règles très strictes ont été fixées s’agissant des éventuels cadeaux, réceptions et repas.

Certes, il est toujours loisible d’objecter que ce système n’est pas parfait, que certains peuvent tricher, que les contrôles pourraient être plus sévères. C’est certain. Mais, par rapport à la situation française, c’est un progrès incontestable. Nous pourrions a minima considérer que ce qui est opposable aux eurodéputés français pourrait l’être à l’ensemble de nos représentants. La démocratie y gagnerait. L’image des politiques aussi.

Le chemin est en marche, on ne peut que se féliciter de la publication des déclarations des sénateurs.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !