Guerre des laits : comment savoir ce qui est le meilleur pour la santé<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Consommation
Guerre des laits : comment savoir ce qui est le meilleur pour la santé
©Reuters

Soja, amande, coco, avoine ou animal...

Les supermarchés offrent maintenant aux consommateurs un nombre impressionnant de choix de laits : de nombreux laits de vache, chèvre, brebis bien sûr, mais aussi de soja, avoine, amande, noix de coco, etc. c’est dorénavant une véritable guerre commerciale. Comment choisir le meilleur pour notre santé ?

Bruno Parmentier

Bruno Parmentier

Bruno Parmentier est ingénieur de l’école de Mines et économiste. Il a dirigé pendant dix ans l’Ecole supérieure d’agronomie d’Angers (ESA). Il est également l’auteur de livres sur les enjeux alimentaires :  Faim zéroManger tous et bien et Nourrir l’humanité. Aujourd’hui, il est conférencier et tient un blog nourrir-manger.fr.

Voir la bio »

Atlantico.fr : Parmi toutes ces gammes de lait (laits de vache, de soja, d'amande, de coco, d'avoine...), quel serait le meilleur pour notre santé ?

Bruno Parmentier : L'idée qu'un aliment serait intrinsèquement bon pour la santé et un autre non est absurde ! Nous avons besoin de manger un grand nombre d'aliments différents et complémentaires et nous ne pouvons pas demander à un seul aliment de nous apporter tout ce que notre corps réclame. En revanche certains aliments sont à déconseiller à telle ou telle personne qui sont intolérantes où allergiques à l'un ou l'autre de ses composants.

Il se trouve que les Français vivent dans un pays qui est un très grand producteur laitier ; il a donc été culturellement très difficile d’y critiquer cet aliment qui, comme il constitue la seule nourriture de nos premiers mois de vie, est considéré comme particulièrement pur et salutaire. Observons que ce n'est pas du tout le cas de la Chine et du Japon, où il n'y a pas de tradition de consommation de lait après la petite enfance et où la proportion de gens qui y sont intolérants est beaucoup plus forte que chez nous. Mais personne ne peut dire que les japonais et les chinois sont tous en mauvaise santé parce qu'ils ne prennent pas de laitages ! C'est dans d'autres aliments qu'ils trouvent ce que leur corps réclame.

Observons également que parmi les mammifères, l'homme est le seul qui continue à boire du lait toute sa vie, et en plus du lait d'autres espèces, principalement bovines. Il est sûr que si on donne une coupelle de lait de vache à un chat, il s'empresse de la boire, mais on n'a jamais vu des chats attaquer les mamelles des vaches ! Et, par exemple, deux animaux qui produisent dans leur corps énormément de calcium ne boivent pas de lait : la poule et l’huitre !

Même dans nos pays très marqués par la culture laitière, à partir de 50 ans il y a assez peu de gens qui continuent à boire un bol de lait au petit-déjeuner le matin, s'étant aperçu qu’il devient difficile à digérer ; ils passent généralement à une consommation de lait « solide » et en quelque sorte pré digéré : fromages, yaourts, suisses, etc., plutôt au déjeuner ou au diner, en association avec d’autres aliments.

Ce qui est nouveau, c’est d’une part la prise de conscience et la popularisation de l’intolérance au lactose, largement sous-estimée auparavant, et le fait que le lait, comme la viande, devient moins à la mode ; on en a « trop » consommé et maintenant on écoute plus volontiers leurs détracteurs, qui critiquent les excès alimentaires, la souffrance animale ou les atteintes à la planète de l’élevage (surtout de ruminants).

Suite aux évolutions des modes de consommations liées aux intolérances au lactose et au gluten, quel lait privilégier ?

Entre les gens vraiment et physiquement intolérants, et ceux qui le sont culturellement, un véritable marché s’est donc développé de produits « sans », à commencer par le sans lactose et le sans gluten, avec des taux de croissance annuel à deux chiffres, bien rares par les temps qui courent, et des chiffres d’affaires qui se mesurent dorénavant en centaines de millions d’euros annuels. Mais aussi sans allergènes, sans OGM, sans matière grasse, fruits à coque, arachide, sésame, avocat, fraise, kiwi, caféine, sans additifs ni résidus de pesticides, etc. !!!

On peut remarquer ironiquement que, moins il y a d’ingrédients, plus le produit est cher, d’autant plus que ce sont souvent les mêmes personnes qui recherchent les aliments « sans » et les coûteux compléments alimentaires : vitamines, oligo-éléments, acides aminés, oméga 3, calcium, magnésium, fer, bifidus, etc.

Bien que le lait de vache ait une valeur nutritive élevée, il n’y a aucune raison pour que, à part les bébés, les gens en aient besoin s’ils choisissent de ne pas le boire. Tous les nutriments contenus dans le lait peuvent être obtenus ailleurs dans l’alimentation. Chacun est donc libre de ses choix alimentaires !

De plus, du point de vue de la santé et du confort de vie, il y a une différence considérable entre un bol de lait de vache et une lichette de fromage, a fortiori de brebis ; cette dernière est beaucoup, beaucoup plus facile à digérer ! Et rappelons-nous que la crème fraiche et le beurre sont… très gras !

Les gens allergiques ou intolérants font d’ailleurs bien de se méfier : il n’y a que le lactose qui peut poser problème : beaucoup de personnes sont intolérantes au soja, aux noix (donc aux amandes et aux noix de coco), ou au gluten (donc à l’avoine) ! Et les laits d’avoine et d’amande sucrés, ou de riz, ne conviennent pas aux diabétiques.

Les nouveaux laits comme le lait de soja, d’amande et de coco sont-ils si bénéfiques par rapport au lait traditionnel ? Comment expliquer leurs succès ?

Un des avantages du lait de soja est sa forte teneur en protéines, qui correspond à celle du lait de vache. Du point de vue nutritionnel, ce n'est absolument pas à négliger. (Remarquons toutefois que rares sont les Français qui sont carencés en protéines : on en mange actuellement beaucoup trop, et on en a probablement pas un besoin vital dès le petit déjeuner pour humidifier ses céréales !). C’est donc une bonne alternative, d’autant plus qu’il contient des graisses et des fibres insaturées et saines, et est généralement enrichi de vitamines et de minéraux, y compris de calcium. Rappelons toutefois, pour les puristes, que 85 % du soja produit dans le monde est actuellement OGM ! On peut néanmoins espérer que les laits de soja diététiques proviennent des 15 % restant…

Le lait d’amandes est probablement celui dont le goût est le plus proche de celui de vache, ce qui rend la transition plus facile. En fait le terme « lait » est très impropre : il s’agit de quelques amandes (à peine 2 à 8 % !) broyées et mélangées à beaucoup d’eau… et de sucre (souvent plus de sucre que d’amande !), et vendu nettement plus cher que le « vrai » lait. De plus, cet aliment qui est maintenant devenu très mode, donne lieu à une culture industrielle très concentrée en Californie, où il provoque d’énormes problèmes environnementaux [1](problèmes d’eau, de pesticides, de mortalité des abeilles, etc.). Rien n’est parfait dans ce bas monde.

Comment le consommateur peut se retrouver dans quelque chose de sain et d'efficace pour son bien-être face à tant de choix et à cette guerre des laits ?

Déjà, sauf raison impérative, ce choix est d’abord un choix plaisir. Qu’est ce qui vous fait plaisir dans votre bol de céréales le matin, sans ballonner ensuite votre ventre au bureau ? Des facteurs tels que la saveur, le goût, la texture et la sensation en bouche sont tous importants.

Pour le reste, dédramatisons et mangeons de tout, en quantité raisonnable ; passer du lait bu au fromage mangé, ou à toutes les merveilles de laitages que sait si bien produire notre industrie laitière n’est pas un mauvais choix. Et si on passe aux laits végétaux (qui usurpent ce beau nom de lait !), veillons à ne pas absorber trop de sucres, et en revanche assez de calcium et de protéines dans notre journée.

Le choix devrait tenir compte de son alimentation globale et de ses besoins en nutriments. Cela est particulièrement important pour les enfants, les adolescents, les personnes âgés et ceux qui suivent un régime alimentaire restreint.

Et pourquoi ne pas varier les plaisirs suivant ses humeurs du jour ?


[1] Voir en particulier l’article : « Succès du lait d'amande : les abeilles ne disent pas merci au bobo bio » paru dans Atlantico du 16 janvier 2020 : https://www.atlantico.fr/decryptage/3585939/succes-du-lait-d-amande--les-abeilles-ne-disent-pas-merci-aux-bobos-bio-bruno-parmentier-

Par Bruno Parmentier, auteur de « Nourrir l’humanité » et « Faim zéro » (Editions La Découverte), de « Manger tous et bien » (Editions du Seuil) et de « Agriculture, alimentation et réchauffement climatique » (Diffusion internet), et animateur du blog http://nourrir-manger.fr/ et de la chaîne You Tube http://nourrir-manger.com/video

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !