Finances publiques : le gouvernement force les collectivités locales à foncer dans le mur en klaxonnant<!-- --> | Atlantico.fr
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Bruno Le Maire a annoncé aux collectivités territoriales qu’elles devront baisser de 0,5% leurs dépenses de fonctionnement.
Bruno Le Maire a annoncé aux collectivités territoriales qu’elles devront baisser de 0,5% leurs dépenses de fonctionnement.
©Eric PIERMONT / AFP

Chronique d’un crash annoncé

Si la reprise en main des finances des collectivités territoriales en pleine dérive depuis des années est un enjeu incontournable, les objectifs et les moyens définis par le gouvernement relèvent de la mission impossible pour les élus locaux.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : Bruno Le Maire a annoncé aux collectivités territoriales qu’elles devront baisser de 0,5% leurs dépenses de fonctionnement. Une décision qui a provoqué l’ire des maires. Alors que le gouvernement a privé les collectivités de leur capacité de se financer avec des impôts, est-ce alors la meilleure réponse et le meilleur moyen de parvenir à une réduction ? 

Philippe Crevel : Cette décision est problématique car elle est comparable à un couperet. L’État a un problème de finances publiques majeur et demande aux collectivités territoriales de faire 0,5 % d’économie. D’une collectivité à une autre, la situation n’est pas la même et certaines ont des marges de manœuvre plus importantes que d'autres. Cette règle est quelque peu arbitraire et elle aboutit à la colère de certains élus locaux. 

Nous sommes face à une méthode traditionnelle française de demande aveugle de réduction des frais de fonctionnement. Elle aura peut-être un effet à court terme mais pour qu’il y ait des économies sur le long terme, ce n’est pas la bonne méthode à appliquer. Dès que l’Etat desserrera les cordons, les communes vont automatiquement augmenter les dépenses par peur de subir à nouveau une nouvelle réduction. Ce système met en place une irresponsabilité. 

L’État subventionne des dépenses sur la transition énergétique, pour des plans fibre optique et d’autres choses et peu après ce même État va dire aux collectivités qu’elles dépensent trop et que leurs frais de fonctionnement sont trop élevés. L’État s’immisce dans la gestion des collectivités en leur demandant de nombreuses choses et ferme le robinet d’un coup brutal. Il y a un côté schizophrène à cette décision. 

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Pour que cela fonctionne, il faudrait plutôt mettre en place une responsabilisation accrue des collectivités avec un système fédéral et un dispositif de péréquation afin de mettre en place une autonomie de gestion beaucoup plus forte. Les collectivités devraient disposer de dotations et être contrôlées par la Cour des Comptes. 

Alors que l’État doit lui-même limiter l’augmentation de ses finances, sans pour autant y arriver, les collectivités territoriales pourraient-elle remplir cette mission ? 

L’État a du mal à réduire ses frais de fonctionnement et demande aux collectivités territoriales de faire ce qu’il a du mal à réaliser. Ces 20 dernières années, elles ont fortement accru leurs dépenses de fonctionnement et d’investissement. Elles ont beaucoup embauché car, selon elles, l’Etat se désengageait et de son côté l'État affirme qu’elles veulent renforcer leur pouvoir. La France paie ce système où chacun rejette sur l’autre la responsabilité de sa mauvaise gestion. 

N’y a-t-il pas un risque de ré-endettement des collectivités territoriales avec de telles mesures ?

Pour les collectivités locales, l’endettement correspond à l’investissement. Le montant de leur dépense doit être équivalent à leurs recettes sinon elles se font rappeler à l’ordre par la Chambre régionale du Commerce. 

Aujourd’hui, le système est peu responsable. Les collectivités locales peuvent réaliser des investissements subventionnés à tous les étages, mais en revanche lorsqu’il faut payer les frais de fonctionnement, c’est le contribuable qui est sollicité. Il y a un manque de responsabilisation car le système de financement pousse à la dépense d’investissement et peu aux économies sur le fonctionnement.  

De quelles marges de manœuvre disposent-elles ? 

Elles peuvent réaliser des économies sur les dépenses de fonctionnement que cela soit en réduisant la facture d’énergie ou en faisant des gains de productivité. Souvent, quand on leur dit économie, elles pensent réduction d’investissements, mais elles peuvent agir sur d’autres points comme peuvent le faire des entreprises ou l’État. Les collectivités locales peuvent se restructurer. 

La suppression de la taxe d’habitation a réduit la surface fiscale des collectivités territoriales. Ce n’est pas propre à la France, en Allemagne ou en Italie, les collectivités locales dépendent financièrement aussi de l’État alors qu'elles sont bien plus régionalistes ou fédéralistes que la France. Les critères d’attribution des dotations peuvent être différents, dans notre pays tout est normé et il y a peu de marge de manœuvre aux collectivités locales. Leur laisser plus de marge de manœuvre financière serait une idée dans le cadre de la réflexion sur l’autonomie. Ainsi, elles pourraient faire des arbitrages et faire plus d’économies. 

Comment les élus perçoivent cette nouveauté ? 

La réaction des élus locaux est classique. Ils apprécient peu que l’État leur demande des économies et ils évoquent l’idée que l’État transfère indûment des charges alors qu’ils ne sont pas maîtres de leur recettes du fait qu’ils soient de plus en plus financés par des dotations. S’ils doivent faire face à des recettes plafonnées et des dépenses qui augmentent, il est difficile pour eux de réaliser des économies. En réagissant de manière véhémente, ils ont un positionnement attendu face à un État qui après le « quoi qu’il en coûte » essaie de trouver des moyens de réduire la dégradation des finances publiques.

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