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Emmanuel Macron, lors d'un discours télévisé à la nation, a annoncé qu'il dissolvait l'Assemblée nationale et convoquait de nouvelles élections générales les 30 juin et 7 juillet 2024
Emmanuel Macron, lors d'un discours télévisé à la nation, a annoncé qu'il dissolvait l'Assemblée nationale et convoquait de nouvelles élections générales les 30 juin et 7 juillet 2024
©LUDOVIC MARIN / AFP

Retour aux urnes

Emmanuel Macron a annoncé la dissolution l'Assemblée nationale dimanche soir, peu après la proclamation des premiers résultats des européennes.

Jean Petaux

Jean Petaux

Jean Petaux, docteur habilité à diriger des recherches en science politique, a enseigné et a été pendant 31 ans membre de l’équipe de direction de Sciences Po Bordeaux, jusqu’au 1er janvier 2022, établissement dont il est lui-même diplômé (1978).

Auteur d’une quinzaine d’ouvrages, son dernier livre, en librairie le 9 septembre 2022, est intitulé : « L’Appel du 18 juin 1940. Usages politiques d’un mythe ». Il est publié aux éditions Le Bord de l’Eau dans la collection « Territoires du politique » qu’il dirige.

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Luc Rouban

Luc Rouban

Luc Rouban est directeur de recherches au CNRS et travaille au Cevipof depuis 1996 et à Sciences Po depuis 1987.

Il est l'auteur de La fonction publique en débat (Documentation française, 2014), Quel avenir pour la fonction publique ? (Documentation française, 2017), La démocratie représentative est-elle en crise ? (Documentation française, 2018) et Le paradoxe du macronisme (Les Presses de Sciences po, 2018) et La matière noire de la démocratie (Les Presses de Sciences Po, 2019), "Quel avenir pour les maires ?" à la Documentation française (2020). Il a publié en 2022 Les raisons de la défiance aux Presses de Sciences Po. Il a également publié en 2022 La vraie victoire du RN aux Presses de Sciences Po. En 2024, il a publié Les racines sociales de la violence politique aux éditions de l'Aube.

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Atlantico : Après la victoire écrasante du RN aux élections européennes, Emmanuel Macron a annoncé la dissolution de l’Assemblée nationale. La soirée électorale de dimanche était-elle historique et a-t-on assisté à un séisme politique ? Quelles seront les conséquences de cette décision pour l’avenir du macronisme ?

Luc Rouban : La soirée a constitué effectivement un tournant dramatique dans l’histoire politique française récente, du moins depuis 2017. Pour la première fois, le président de la République accuse le coup d’un échec politique et montre qu’il entend sortir du malaise démocratique dans lequel s’est enfoncé le pays depuis la crise des Gilets jaunes, malaise qu’il avait vainement tenté de conjurer par des conventions citoyennes ou un alignement politique sur les projets de la droite, notamment en matière de retraite, d’immigration ou de chômage. On a pu percevoir une certaine lassitude dans son discours face à une situation devenue ingérable mais que sa stratégie a contribué à créer en faisant du RN son principal adversaire. C’est une réussite indéniable, le RN devient désormais le grand opposant ayant écrasé au passage LR et Reconquête ! La décision de dissoudre lui redonne la main et permet d’éviter que le RN ne se positionne comme le seul héritier du gaullisme en dénonçant un déni de démocratie si Emmanuel Macron n’avait rien fait. Mais il est évident qu’elle signe aussi l’échec d’une politique de compromis et d’évitement, et donc de ce qui faisait l’essence même du macronisme. Une page est tournée et la vie politique va sortir définitivement de la séquence ouverte en 2017.

Jean Petaux : Il faut se méfier des mots et de leurs mésusages. Par définition les termes « historiques », « tremblement de terre », « séisme », « coup de tonnerre » (par exemple le 21 avril 2002 et la 3ème place au soir du premier tour de la présidentielle, éliminatoire pour Lionel Jospin) sont piégeux. Je me garderai bien de les employer même s’ils semblent correspondre à la situation et prétendent traduire une réalité « extra-ordinaire » au sens « d’inédite » ou « d’exceptionnelle ».

Pour autant, et après ces précautions sémantiques qui ne sont pas que de pure forme, il est manifeste qu’Emmanuel Macron a souhaité répondre par une « action rapide » (une sorte de « Blitz décision politique ») à une situation politique particulière : celle de la défaite spectaculaire de la liste qu’il soutenait.

Cet échec d’une liste « présidentielle » aux Européennes  est-il inédit ? Non.

En 2014, il y a dix ans, le mode de scrutin était différent de celui d’aujourd’hui puisqu’il n’y avait pas une seule liste nationale mais huit circonscriptions inter-régionales en Métropole et Outre-Mer.  Le total des listes « présidentielles », celles portant l’étiquette du PS, a  été de 13,98%. Le PS, le parti du président Hollande, est arrivé en troisième position derrière le FN (dirigé déjà par Marine Le Pen) : 24,86% et après l’UMP ((dirigé par Jean-François Copé) : 20,81%. Le différentiel de voix entre le FN et le PS a donc été, en pourcentage, de 10,88%. Sur 71 députés européens à élire, le FN en a obtenu 24, le PS seulement 13. François Hollande n’a pas, pour autant, dissous l’Assemblée nationale élue deux ans auparavant, après une telle défaite. Il avait déjà changé de premier ministre trois mois plus tôt, suite à l’échec aux élections municipales de mars 2014 (remplacement de J.M. Ayrault par M. Valls), il ne pouvait guère faire autre chose que le « dos rond » après la cuisante défaite des listes qu’il soutenait aux élections européennes de juin.

La grande différence entre les deux situations, celle de juin 2014 et l’actuelle, c’est, évidemment, l’ampleur de la « gifle » adressée par les électeurs à la « liste présidentielle » : près de 20 points d’écart entre la liste Bardella et la liste Hayer.

Emmanuel Macron a tiré, logiquement et j’allais dire « institutionnellement » (dans l’esprit de la Constitution de 1958) les conséquences politiques de ce désaveu adressé par les Français qui sont allés voter (un peu plus d’un sur deux inscrits). Il a décidé, à chaud, d’actionner l’article 12, celui organisant la dissolution de l’Assemblée nationale. Des six cas où l’article 12 a été utilisé depuis le 4 octobre 1958, le « cas 2024 » est « un cas de figure » inédit. En octobre 1962, c’est la seule fois où cela s’est produit en 66 ans de Cinquième république, il s’agissait de la riposte présidentielle au renversement du gouvernement Pompidou : « tu me renverses, je te dissous ». La dissolution de la fin mai 1968 correspond à une forme de plébiscite : elle est censée rendre le peuple des électeurs arbitre du règlement d’une crise politique et sociale. Les deux dissolutions de mai 1981 et mai 1988 sont d’ordre « politico-électoral » : elles visent à ce que le président de la République nouvellement élu (le 10 mai 1981) ou réélu (en mai 1988) ait, comme pouvoir législatif, face à lui qui représente l’exécutif, une Assemblée nationale « à sa main » qui sera « raccord » avec sa légitimité présidentielle issue des urnes. La dernière en date, vieille de 27 ans, en avril 1997, était, elle aussi, d’un genre nouveau, même si elle procédait des mêmes intentions présidentielles que celles de 1981 et 1988 : faire coïncider majorité présidentielle et majorité parlementaire à l’Assemblée. Mais la nouveauté alors a résidé dans le fait que l’Assemblée « dissoute » n’était pas majoritairement constituée d’opposants extérieurs au parti du président Chirac (RPR) et à son premier ministre Juppé (RPR aussi) : il s’agissait de mettre un terme à une « bronca » permanente dans les rangs de la majorité parlementaire censée soutenir le gouvernement, laquelle « bronca » était constituée de députés appartenant aux rangs « balladuriens » et profondément hostiles au « tandem » formant l’exécutif. C’est dans ce contexte que cette dernière dissolution a été qualifiée de « dissolution de convenance ». Son résultat a été inattendu pour l’exécutif puisque la « Gauche plurielle » (PS, PCF, Verts, PRG, MDC) l’a emporté, grâce, entre autres à plus de 80 « triangulaires » au second tour où le FN s’est maintenu provoquant mécaniquement la défaite des candidats RPR-UDF, la plupart d’ailleurs députés sortants.

Emmanuel Macron a donc sacrifié, une nouvelle fois, à l’expression qu’il affectionne tout particulièrement : il a « pris son risque » en actionnant l’article 12. Il l’a fait en dramatisant volontairement la situation. C’est, à ma connaissance, la première fois qu’un président en exercice s’adresse aux Français un soir d’élection et intervient dans le débat télévisé qui suit l’annonce des résultats. Il existe un seul précédent, encore n’y eut-il point d’allocution : un simple communiqué de quelques lignes, émis par l’Elysée, au soir du référendum perdu, le 27 avril 1969, a informé les Français que le chef de l’Etat, Charles de Gaulle, cesserait ses fonctions le lendemain, 29 avril, à midi. Encore n’y eut-il point de surprise : le Général avait informé les Français qu’en cas de victoire du « Non » , il démissionnerait. C’était-là sa lecture « plébiscitaire » du référendum.

Impossible de dire quel va être le résultat de ce coup de poker. Trois scénarii se profilent : 1) la nouvelle Assemblée élue au soir du 7 juillet ne dégage par une majorité absolue, c’est la continuation de la situation actuelle avec une différence de taille qui tiendra à la nature du parti qui sera majoritaire (même relativement). 2) le RN l’emporte avec une majorité absolue incontestable. Le président Macron doit nommer à Matignon la personnalité que lui désignera le parti vainqueur. S’ouvre alors une période de cohabitation comme celles que l’on a connues en 1986-1988, 1993-1995 et 1997-2002. Elle pourra durer 3 ans jusqu’à la présidentielle de 2027. 3) Les Français renoncent à faire franchir au RN le « plafond de verre » qui le sépare du pouvoir et envoient à l’Assemblée une majorité absolue de députés macronistes (Renaissance et ses alliés). Macron aura alors réussi son coup…

Emmanuel Macron tend-il un piège au Rassemblement National et à Jordan Bardella en appelant à des élections législatives en juin et en juillet ? Qui pourraient être les grands gagnants de ces législatives ?

Luc Rouban : Oui, on peut penser que c’est un cadeau empoisonné, « timeo danaos et dona ferentes » comme on disait du côté de Troie comme le rappelle Virgile dans l’Enéide… Il faut bien comprendre que la logique des élections législatives n’est pas celle des européennes. Ces dernières permettent de développer des programmes très généraux relatifs à la souveraineté et à l’UE. Avec les législatives, on a 577 élections locales où la personnalité et l’ancrage territorial des candidats deviennent décisifs. Le RN va devoir trouver 577 bons candidats qui devront se mesurer à des notables locaux LR, UDI ou PS implantés depuis longtemps dans certaines circonscriptions. Rien ne permet d’affirmer que la dynamique électorale enregistrée le soir du 9 juin sera pleinement utilisée et utilisable lorsqu’il faudra décliner des programmes locaux et, en plus, un programme de gouvernement. Mais il est indéniable que le RN bénéfice d’une dynamique forte qui poussera ses électeurs du 9 juin à confirmer leur vote, étant entendu que seule la moitié du corps électoral s’est déplacé lors des européennes et que la participation peut augmenter sensiblement lors de législatives décisives car on est bien plus préoccupé par ce que fait son député que par ce que font des députés européens dont on ne connaît généralement pas le nom.

Jean Petaux : Il est évident qu’Emmanuel Macron a préparé son coup depuis plusieurs semaines. D’autant que les résultats étaient prévisibles et que les « sondeurs » ont fait un excellent travail en photographiant très précisément le choix des votants potentiels. Le président Macron a même utilisé les ressorts de « l’enfumage » et en laissant s’accréditer l’idée que les élections européennes ne sont pas des élections nationales et qu’en conséquence il n’y aurait pas de « retombées » politiques du résultat enregistré le 9 juin au soir. L’effet de surprise a donc joué à fond…  Il fallait d’ailleurs voir le visage des parlementaires RN sur les plateaux télévisés pour prendre la mesure de leur surprise. Au point que l’on peut se demander si, tout en appelant à la dissolution de l’Assemblée en cas de large défaite de la liste Hayer (c’est bien le cas…), Jordan Bardella et les siens n’espéraient pas, dans leur for intérieur, que cela n’ait jamais lieu… D’une certaine manière Emmanuel Macron a « pris au mot » ses opposants. Cela lui ressemble bien. C’est son côté « bravache ». C’est aussi ce qui donne à sa décision une dimension très surprenante qui a pris toute la classe politique au dépourvu. Il faut bien être conscient qu’en fixant les dates des premier et second tours au 30 juin et 7 juillet, Emmanuel Macron a choisi le délai le plus court que lui impose l’article 12 de la Constitution du 4 octobre 1958 : entre 20 et 40 jours pour organiser les élections. Puisque nous sommes le 10 juin, les candidatures devront être déposées en préfecture d’ici la fin de la semaine… Pour quelqu’un à qui il a été souvent fait le reproche de « procrastiner », cette fois-ci Emmanuel Macron a choisi de faire un « départ canon » en optant pour un sprint et non pour une course de fond…


Le RN renforce-t-il son ancrage au sein de l’électorat en arrivant en tête et en ayant poussé le chef de l'Etat à la dissolution ? Ce succès va-t-il servir de rampe de lancement pour 2027 au regard de la campagne des législatives qui s’ouvrent ? Le RN pourra-t-il réellement peser au sein du Parlement européen ?

Jean Petaux : Des résultats qui « remontent » des 26 autres Etats-membres de l’UE qui ont désigné leurs parlementaires européens ce week-end, et qui ne sont encore que partiels, il ressort que si les formations politiques souverainistes, populistes, de droite nationaliste et plutôt eurosceptiques ont obtenu parfois des scores significatifs, ils n’ont pas « renversé » les tables politiques des différents états-membres. C’est en France que la poussée d’un parti relevant des qualificatifs cités supra a été la plus forte. Sans contestation possible, à l’échelle européenne, avec une participation électorale un peu plus supérieure à un électeur sur deux inscrits qui est allé voter, le RN a réalisé la plus belle performance. C’est ce qui donne à sa victoire un écho européen important. Comparable en termes politiques à la  victoire du « Non » au référendum sur le Traité Constitutionnel Européen, en France, le 29 mai 2005.

Une fois que l’on a fait ce constat, il faut néanmoins savoir que tous les partis se revendiquant du positionnement politique précédemment mentionné, sont très désunis et disparates au sein de l’UE et de la future assemblée européenne. Il est donc fort probable que, même fort d’un potentiel groupe de 31 ou 32 députés européens, le RN ne « fera pas la loi » parmi les 720 députés que compte le Parlement européen.

Quant à savoir si le succès du 9 juin 2025 préfigure un succès présidentiel en 2027, il est bien trop tôt pour se forger une opinion voire formuler un pronostic sur ce point. J’ajouterai que même une victoire aux très prochaines législatives ne saurait être considérée comme une forte probabilité de victoire à l’Elysée en 2027. Jacques Chirac, à Matignon entre 1986 et 1988, n’est pas entré à l’Elysée en mai 1988. Edouard Balladur qui l’a imité entre 1993 et 1995, a dû s’effacer devant lui, au soir du premier tour présidentiel, pour laisser son rival et « ami de trente ans », Jacques Chirac, succéder à François Mitterrand.

Luc Rouban : Il est indéniable que l’annonce faite par le président de la République juste après l’annonce de la victoire du RN aux européennes donne à ce dernier une force considérable puisqu’il passe du statut de compétiteur un peu périphérique, d’imprécateur un peu impuissant, à celui d’acteur central de la vie politique française. Mais on peut se poser des questions quant au bénéfice que le RN pourrait tirer d’une cohabitation avec Emmanuel Macron. Il lui faudra alors prendre en mains les affaires gouvernementales, les questions budgétaires dès l’automne, et donc fiscales, répondre aux demandes d’augmentation du pouvoir d’achat dont il a fait l’un de ses thèmes centraux, nouer des relations de confiance avec la haute fonction publique, rassurer le monde économique et financier aussi car le monde ne va pas pour autant cesser de tourner ni les marchés financiers d’évaluer ses projets et leur réalisme. On peut s’attendre aussi à une réaction virulente de la gauche radicale qui va tout faire pour bloquer le pays et déclencher des grèves massives. Et dans le cas d’une crise générale, le Président deviendra le seul recours, d’autant plus qu’il conservera des pouvoirs régaliens importants et une action internationale de la plus grande importance dans le cadre de la guerre en Ukraine et de la sécurité en Europe. Pousser le RN à occuper Matignon, ce n’est pas lui ouvrir la voie de l’Élysée, bien au contraire. Son succès aux européennes en France lui donnera plus de poids au sein du Parlement européen mais il restera également coincé par la nécessité de passer des alliances avec d’autres partis nationalistes et avec le groupe PPE qui restera en positions de force


Les forces de gauche et de droite vont-elles bénéficier de cette campagne des législatives qui s'ouvrent ?

Luc Rouban : Les forces de gauche, certainement pas. Les réactions de LFI comme de Raphaël Glucksmann sont significatives à cet égard. Quels que soit ses appels à l’union et à sa responsabilité historique face au RN, la gauche arrive en ordre dispersé, la NUPES a éclaté, les fractures idéologiques sont grandes entre le PS – Place publique, pro-européen, tout comme les écologistes de EELV, et les représentants de la gauche radicale, eurosceptique et marxisante. La sociologie de leurs électorats respectifs n’est pas non plus la même. Sans compter que des personnalités comme François Hollande vont sauter sur l’occasion pour tenter de reprendre en main une hypothétique alliance de gauche en pensant à 2027. À droite, LR va devoir choisir sur le terrain entre une alliance avec les macronistes, qui vont leur tendre la main, et une alliance avec le RN. Dans un cas comme un autre, ils vont accélérer leur disparition. 

Jean Petaux : On oublie trop souvent que le mécanisme des « candidatures uniques » (celles de la NUPES en juin 2022) a été en quelque sorte imposé par un mécanisme électoral redoutable et méconnu de la plupart des électeurs. Pour pouvoir se maintenir au second tour il faut avoir obtenu, au premier, un score supérieur à 12,5% des électeurs inscrits. Ce « seuil » a donc imposé la nécessité d’une candidature unique pour figurer au second tour, d’autant que, dans l’hypothèse où un candidat n’a pas obtenu les fameux « 12,5% », s’il se classe deuxième du premier tour, quelque soit le pourcentage de son score rapporté aux « Inscrits », il est qualifié d’office. Mais il n’y aura alors que deux candidats au second tour. En juin 2022, l’abstention considérable au premier tour des législatives (52,49%) a multiplié mécaniquement les duels au second tour. Pour les élections à venir, dans 20 jours, il y a fort à parier que la « dramatisation » liée à la potentielle victoire du RN va entrainer une forte mobilisation électorale. Il y aura donc beaucoup plus de « triangulaires » voire de « quadrangulaires » au second tour. C’est d’ailleurs, là aussi, un des calculs d’Emmanuel Macron et de ses proches. De ce jeu bien plus ouvert, les partis de gauche peuvent tirer profit. Et , surtout, ils n’ont aucunement besoin de s’entendre en amont, par un  pur accord électoral déguisé en accord programmatique, comme Jean-Luc Mélenchon les a pousser à le faire en mai-juin 2022 en « inventant » la NUPES désormais tombée dans les « oubliettes » de l’histoire. La gauche a gagné en 1981, en 1988, en 1997 et en 2012, aux élections législatives, en ne présentant pas, au premier tour, de candidatures uniques, maitrisées et manipulées par un « deus ex-machina » se voulant tout puissant, comme en mai-juin 2022, se présentant même comme le futur hôte de Matignon…. Les formations politiques qui composent la gauche  gagneraient à « concourir » sous leurs propres couleurs, comme elles l’ont toujours fait, avec un accord de désistement « républicain », au second tour. Dire que cela ferait les affaires du parti de Jean-Luc Mélenchon, c’est une autre histoire…


Quelles vont être les conséquences du vote des élections européennes et de cette recomposition des députés européens français sur la politique européenne et sur les futurs groupes au cœur du Parlement européen ? Le RN de Jordan Bardella sera-t-il en position de force pour s’allier avec Giorgia Meloni ?

Luc Rouban : Le RN va devenir la force principale du groupe Identité et démocratie (ID) Mais la situation est devenue complexe car Marine Le Pen n’entend pas poursuivre sa collaboration avec l’AfD allemande étant donné les déclarations pro-nazies de certains de ses dirigeants. Les différences qui opposent les partis nationalistes du groupe ID aux partis nationalistes composant le groupe Conservateurs et réformistes européens (CRE), parmi lesquels on trouve précisément Fratelli d’Italia de Georgie Meloni, sont loin d’avoir été apurées. Le groupe CRE est bien plus atlantiste, libéral et favorable à l’UE que le groupe ID. Il a d’ailleurs été créé par les conservateurs britanniques dans un esprit nationaliste mais pro-business bien loin des considérations sociales que le RN voudrait développer. Même si Marine Le Pen espère créer un seul groupe, il est possible qu’il en reste deux et même qu’un troisième émerge de ces conflits. Cela étant, le renforcement des partis de droite radicale au Parlement européen va leur permettre néanmoins de bloquer les projets centristes développés par le groupe Renew auquel appartiennent les députés Renaissance ou remettre en cause le pacte migratoire. On peut penser que la situation à Strasbourg va vite se bloquer, ce qui va renforcer par défaut l’importance des décisions prises à Paris.

Jean Petaux : J’ai déjà répondu, pour partie, à cette question sur l’échelon européen. Le plus probable c’est que les principaux partis politiques français vont être très absorbés par la vie politique nationale française jusqu’au 7 juillet et dans les jours qui vont suivre. Et que, dans un tel contexte, leur poids et leur influence à Bruxelles et à Strasbourg va être quelque peu réduit. Pour ce qui est de la seule question des relations entre le RN français et la formation politique de Giorgia Meloni, ce n’est pas un secret qu’elles ne sont pas bonnes et que la présidente du conseil italien ne voit sans doute pas d’un bon œil la poussée d’un parti souverainiste de ce côté-ci des Alpes…

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