Des départementales qui vont faire mal : les dures leçons du Doubs pour la droite <!-- --> | Atlantico.fr
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L'UMP n'est pas à l'abri d'un échec
L'UMP n'est pas à l'abri d'un échec
©Reuters

Dans les résultats du Doubs, je vois... je vois..

Si l'élection législative partielle du Doubs ne peut être représentative, elle nous indique néanmoins que l'élimination du candidat UMP dès le premier tour pourrait bien se reproduire au mois de mars lors des élections départementales.

Philippe Braud

Philippe Braud

Philippe Braud est un politologue français, spécialiste de sociologie politique. Il est Visiting Professor à l'Université de Princeton et professeur émérite à Sciences-Po Paris.

Il est notamment l'auteur de Petit traité des émotions, sentiments et passions politiques, (Armand Colin, 2007) et du Dictionnaire de de Gaulle (Le grand livre du mois, 2006).

 

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Xavier  Chinaud

Xavier Chinaud

Xavier Chinaud est ancien Délégué Général de démocratie Libérale et ex-conseiller pour les études politiques à Matignon de Jean-Pierre Raffarin.

Aujourd’hui, il est associé du cabinet de stratégie ESL & Network.

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Atlantico : Quels sont les principaux enseignements des résultats par communes de l'élection législative partielle dans le Doubs ?

Xavier Chinaud :Il est plus pertinent d'analyser les résultats par ville que par bureau de vote. On se rend compte que sur 56 communes, le Front national arrive en tête dans la moitié d'entre-elles. Et au regard de la taille des communes, dans les 16 qui comptent plus de 1000 inscrits, le PS résiste mieux qu'en campagne. Dans les 23 communes dans lesquelles le Front arrive en tête, il y a énormément de très petites et notamment la plus petites qui ne compte que 55 inscrits.

La "résistance au Front national" est plus forte en milieux urbain ou plutôt "urbain modéré" car il s'agit ici dans l'ensemble de petites communes. On retrouve ici comme on l'a vu dans d'autres élections législatives partielles, la réalité de l'implantation du FN, sa progression en milieu rural, il n'y a pas de surprise dans la lecture des résultats.

>>>Pour plus de détails : Législative partielle dans le Doubs : les enseignements de l'analyse des résultats commune par commune

Philippe Braud : Cela n’est pas inutile mais reste réducteur. La ruralité est une notion qui recouvre des réalités assez diverses. Dans l’orbite des grandes villes les ruraux sont souvent des semi-urbains. Ce qui importe surtout est de savoir si les cantons ruraux appartiennent ou non à des zones en déclin économique et démographique, auquel cas le vote protestataire favorise le FN. Par ailleurs, le FN a aussi des bases urbaines, et là ce sont d’autres facteurs qui jouent en sa faveur, notamment dans les banlieues où la mixité des populations alimente parfois des conflits aigus. Le trait commun à l’électorat FN est néanmoins le fait qu’il prospère dans des catégories de populations qui se sentent marginalisées ou/et insécurisées, parce qu’elles sont sur une trajectoire sociale déclinante. Cela favorise les crispations identitaires anti-immigration et anti-européennes.

Qu'est-ce que cela préfigure des prochains scrutins notamment des départementales ?

Xavier Chinaud : Cela confirme la possibilité que le FN obtienne la majorité relative, c'est-à-dire plus de suffrages que la gauche et la droite dans plusieurs départements. Il va y avoir une série de cantons en France dans lesquels se reproduira le schéma du Doubs, c'est-à-dire l'élimination du candidat UMP.

Jusqu'alors, lorsque l'on appréhendait les départementales, on ne regardait que les situations d'élimination de la gauche mais l'élection du Doubs montre qu'il peut aussi y avoir une élimination de l'UMP au premier tour. Cela devrait être le cas dans quelques dizaines de cantons dans des zones où le Front national est assez fort et où la gauche relèverait un peu la tête. Autant de cas, où se posera à nouveau l'attitude à adopter au deuxième tour. Ce que l'UMP doit retenir de cette élection est qu'elle doit clarifier sa position car manifestement cela n'a pas fonctionné.  

Il y avait un peu moins de 100 de cantons dans les élections récentes dans lesquels le FN a passé la barre des 30%. On peut travailler à partir de cela pour repérer les endroits où il peut y avoir ce type de configuration. Néanmoins, les partielles ne sont qu'une photographie instantanée. Dans une telle élection, il y a une part de vote local et une part de vote national. on ne peut donc simplement calquer ces résultats pour savoir ce qui va se passer mais on peut dégager des tendances au sujet de l'implantation, à l'oeuvre depuis plus d'une an, du FN en zones rurales.  

Philippe Braud : Il faut se rappeler qu’une élection législative partielle n’est jamais très représentative. A la fois du fait des spécificités sociologiques de la circonscription et du fait que les enjeux d’une élection partielle sont par définition limités (pas de réelle prise de pouvoir à en attendre !). Il est donc imprudent d’en tirer des enseignements décisifs pour l’avenir. Ce que l’on peut seulement avancer sans trop de risques, c’est que le Front National aura du mal à retrouver dans des élections concernant la France entière le pic de voix qui a été le sien dimanche dernier dans une circonscription isolée.

Le mode de scrutin des départementales peut-il favoriser l'éliminations d'un des partis républicains au profit du Front national ?

Xavier Chinaud : Dans le mode de scrutin législatif, il faut passer la barre des 12,5% des inscrits pour aller au deuxième tour. Ce n'est pas la même chose pour les cantonales. Avec le nouveau mode de scrutin des départementales, la barre des 12,5% des inscrits existe mais s'il n'y qu'un seul candidat ou zéro qui passe cette barre, ce sont les deux arrivés en tête au premier tour qui ont le droit de se maintenir. Au regard de l'abstention, cela signifie que les configurations comme celle du Doubs où le candidat d'un des partis républicain est éliminé au premier tour peut se reproduire. On peut considérer que sur les 2000 cantons du nouveau découpage, il y a potentiellement 200 cantons dans lesquels on peut avoir une typologie qui ressemble à celle du Doubs. Ce mode de scrutin favorise l'élimination plutôt que les triangulaires. Il y aura plus de cas d'opposition entre un candidat FN face à candidat PS ou UMP qu'il n'y aura de triangulaires.

Philippe Braud : Incontestablement. Mais j’ajouterai : Et alors ? Cette menace devrait jouer dans un sens opposé à l’émiettement politique qui menace aussi bien la gauche que la droite de gouvernement. Même si le FN arrive en tête dans un nombre significatif de circonscriptions, sa présence au second tour favorisera puissamment l’adversaire républicain demeuré en lices. Aussi le FN a-t-il très peu de chances d’engranger de gros bataillons d’élus. Et cela d’autant plus que les élections locales sont des scrutins brise lames des partis situés aux extrêmes. Les notabilités bénéficient en effet d’une prime électorale non négligeable.

Lors des précédentes élections législatives partielles, le Parti socialiste avait été éliminé dès le premier tour, laissant l'UMP et le FN au second tour. Qu'est-ce que cela nous enseigne sur les possibles configurations de second tour lors des départementales ?

Xavier Chinaud : Nous serons face à beaucoup de cas d'affrontement UMP/FN  et PS/FN. Je pense néanmoins qu'il y aura plus d'élimination au PS qu'à L'UMP.

Les zones de force où il est possible d'apprécier la problématique FN, c'est en Paca, en Picardie et en Nord-Pas-de Calais, c'est là où les configurations du FN peuvent être extrêmement fortes. Et il s'agit de deux votes FN différents. Dans le midi ce vote est plus identitaire, dans le Doubs comme dans le Nord-Pas-de-Calais Picardie, les considérations sont davantage d'ordre économique.

Et la situation géographique n'aura pas d'incidence parce que quand on regarde les études sur l'adhésion des personnes qui votent FN, elle est très faible, et elles estiment le FN incapable de gouverner à 80%. Donc toutes les configurations sont possibles.  

Philippe Braud : La présence au second tour du FN favorisera le moins affaibli des deux grands partis : le PS ou l’UMP. Paradoxalement, dans le contexte actuel cela devrait permettre au PS de mieux limiter les dégâts politiques prévus jusqu’à aujourd’hui par la plupart des observateurs.

Propos recueillis par Carole Dieterich

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