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Les candidats à l'élection présidentielle de 2022 vont-ils réussir à convaincre les citoyens et à imposer leurs thèmes dans la campagne malgré le contexte sanitaire ?
Les candidats à l'élection présidentielle de 2022 vont-ils réussir à convaincre les citoyens et à imposer leurs thèmes dans la campagne malgré le contexte sanitaire ?
©CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

Présidentielle 2022

Alors que l'élection présidentielle se rapproche, l’actualité est toujours dominée par la crise sanitaire. Les candidats vont tenter d'imposer leurs thèmes et chercher à convaincre un maximum de citoyens dans les mois à venir malgré ce contexte particulier lié à la pandémie de Covid-19.

Christophe Boutin

Christophe Boutin est un politologue français et professeur de droit public à l’université de Caen-Normandie, il a notamment publié Les grand discours du XXe siècle (Flammarion 2009) et co-dirigé Le dictionnaire du conservatisme (Cerf 2017), le Le dictionnaire des populismes (Cerf 2019) et Le dictionnaire du progressisme (Seuil 2022). Christophe Boutin est membre de la Fondation du Pont-Neuf. 

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Atlantico : La pandémie de coronavirus continue de peser sur le quotidien des Français. Alors que les élections se rapprochent progressivement, l’actualité est pour le moment majoritairement sanitaire. Quelle place va avoir la pandémie dans la campagne présidentielle qui s’annonce ? Ce sujet va-t-il phagocyter les autres ?

Christophe Boutin : Un mot d'abord pour dire qu'il est toujours difficile de prévoir l'avenir, et que vous me demandez ici de dire ce qui va marquer une campagne qui n’a pas encore véritablement commencé. Elle ne le fera véritablement que lorsque tous les candidats se seront déclarés d'une part, et que tous les parrainages auront été validés d'autre part, soit le 11 mars, la campagne officielle proprement dite ne commençant elle que le 28 mars, pour des élections placées rappelons-le les 10 et 19 avril. C’est dire que dans ces presque trois mois bien des revirements ou des rebondissements peuvent survenir.

Il n'est pas interdit cependant de tenter de se poser la question de savoir ce que pourraient être les temps forts de cette campagne, en considérant en quelque sorte qu'elle est déjà lancée. Vous évoquez d'abord, et c'est effectivement l’élément qui vient spontanément à l'esprit, l'impact de la crise sanitaire liée au Covid 19. La pandémie actuelle est-elle sans effet sur la campagne au sens technique du terme ? On pourrait le croire, puisque, on le sait, la jauge prévue pour les rassemblements à l'intérieur pour faire face au variant Omicron - 2000 personnes maximum - peut ne pas être respectée dans le cadre d’un meeting politique. On notera cependant que divers partis ont choisi d'annoncer qu'ils s'y conformeraient, peut-être pour des motifs sanitaires… peut-être aussi parce qu’ils ne comptaient pas remplir excessivement les salles.

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Mais l'impact de la crise sanitaire sur la campagne électorale est donc à chercher ailleurs, et cela implique de faire des suppositions sur la progression du variant Omicron. Celle-ci devrait en effet classiquement connaître un pic avant de redescendre, et si l'on en juge par ce que l'on peut observer dans les pays qui ont été frappés avant la France par ce variant, l'Afrique du Sud notamment, les scientifiques semblent penser que le pic de contamination pourrait être atteint à la fin du mois de janvier, ce qui entraînerait une décroissance tout au long du mois de février, et, comme vous le comprenez, permettrait sans doute d'alléger les contraintes imposées aux Français à la veille de l'élection présidentielle. Il ne s’agit pas ici, comme certains le prétendront alors sans doute, de machiavélisme de la part du gouvernement, mais tout simplement d’un ajustement logique de sa politique sanitaire à la progression de la pandémie, un ajustement qui pourrait bien évidemment être remis en cause dans l'hypothèse de l'apparition d'un nouveau variant, ou, pourquoi pas, dans celle d'une létalité plus importante du virus en Europe que dans les pays où le variant a déjà frappé.

Il n’en reste pas moins que nous devrions connaître dans le courant du mois de mars une certaine libération des populations par rapport aux contraintes qui leur sont imposées en même temps que la sortie de l'hiver, autant d'éléments qui ne seront pas sans avoir des effets psychologiques sur les populations. Déduire de cela des conséquences en termes de déroulement de la campagne, et plus encore de choix politiques, relèverait bien évidemment d'un fantasme de toute puissance dont je me garderai. L’impression de libération ressentie profitera-t-elle au gouvernement en place, ou les nouveaux espaces ainsi ouverts permettront-ils d’accentuer les contestations, bien malin en effet qui saurait le dire, mais il sera en tout cas intéressant d’examiner comment ces éléments pourront jouer - ou pas - sur l’ambiance de la phase finale de la campagne.

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Des thématiques structurelles, récurrentes à chaque élection ou marottes de la classe politique française sont-elles à prévoir ? Quelles seraient-elles et qui en bénéficierait ou non ?

Des marottes sans doute pas, mais il est une thématique maintenant habituelle à chaque élection présidentielle qui ne manquera pas de réapparaître dans le courant du mois de février et qui va se faire de plus en plus présente jusqu'à la date butoir du 4 mars à 18 heures, celle qui porte sur la nécessité d’obtenir 500 parrainages d’élus pour pouvoir se présenter. On sait que le général De Gaulle n'était pas favorable à cette mise en place de parrainages et ne s'était finalement résolu qu’à en demander 100 – malgré les demandes de Georges Pompidou et Valéry Giscard d'Estaing de choisir un chiffre très largement supérieur, entre 1000 et 2000 –, puis que le législateur porta des années plus tard le chiffre à ces 500 parrainages que nous connaissons. On sait aussi que la liste des parrains est maintenant intégralement publiée par le Conseil constitutionnel, ce qui n'est pas sans influer sur les choix que peuvent faire les maires, dès lors peu enclins à soutenir des personnalités « clivantes » pour ne choquer ni leurs électeurs, ni les présidents d’intercommunalités, ni les préfets. La question qui se posera donc très certainement bientôt sera la même que celle qui s'est déjà posée lors des dernières campagnes présidentielles : certains candidats déclarés pourraient-ils ne pas obtenir ces 500 signatures d'élus, alors même que les sondages indiquent pourtant qu’ils suscitent un fort courant de soutien dans l’opinion publique ? Et que se passerait-il s’ils ne les obtenaient pas ? Lors des précédentes campagnes, même si certains candidats avaient parfois de réelles difficultés pour trouver ces parrainages – ou le faisaient croire -, ils ont toujours réussi à franchir le cap au dernier moment. Si les choses devaient être différentes en 2022, cela aura certainement un impact important sur la suite de la campagne présidentielle.

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L'autre élément, dont on parle moins mais dont on pourrait aussi avoir à reparler dans les deux mois qui viennent, est la capacité plus ou moins grande qu'ont les différents candidats à trouver des sources de financement pour leurs campagnes. Manifestement en effet, alors que certains n'ont aucun problème à trouver des donateurs, d'autres peinent parfois à faire ouvrir un simple compte bancaire. On parle régulièrement de mettre en place une « banque de la démocratie » qui permettrait de résoudre cette question, on en reparlera sans doute.  

Cette question du poids de l’argent dans la campagne, même s’il y a un maximum de dépenses autorisées par candidat qui limite la différence entre les plus fortunés et ceux qui le sont moins, n’est pas sans effets quand il s’agit de toucher l’opinion publique. On objectera qu’elle ne joue plus lors de la campagne officielle, mais cette dernière est réduite à 15 jours, et quant à l’information des citoyens par le biais de la distribution des professions de foi, on peut espérer que nous ne connaîtrons pas les problèmes rencontrés lors des précédentes élections locales.

Dans la campagne qui va bientôt réellement se lancer, qui va être en capacité, ou non, d’imposer ses thèmes ? Des évènements vont-ils particulièrement compter ? Dans quelle mesure cela va-t-il rythmer la campagne présidentielle ?

Si l’on s’en tient à ce que nous venons de vivre, le premier qui a été en mesure d'imposer des thèmes dans la campagne de 2022 est bien évidemment Éric Zemmour. Comme le rappelait il y a peu avec beaucoup de justesse Michel Onfray, Éric Zemmour a placé la question de ces présidentielles de 2022 à un niveau radicalement différent de celui des autres candidats potentiels, puisque l'essentiel de sa thématique tourne autour de la question de la survie ou non de la France en tant que nation et en tant que peuple. Dans ce cadre, les thématiques qu'il a développées, autour de l'immigration ou du poids que peut avoir l'islam dans notre pays, ont impacté les discours de tous les autres candidats, et on en a eu une preuve manifeste lors de des primaires des Républicains, aucun candidat ne se risquant à faire l'impasse sur ces points.

En dehors de ce premier axe, celui des personnes en capacité d'imposer des thèmes idéologiques, il est bien évident que le pouvoir en place, et donc Emmanuel Macron, peut quand il le veut lancer de nouvelles thématiques impactant directement la campagne, en évoquant une nouvelle politique à mener ou en faisant des gestes symboliques qui vont, là aussi, amener l'ensemble des autres participants à réagir.

On vient d’en avoir un exemple au sujet du rapport de la France à l'Union européenne. La France présidant l’Union pour quelques mois, Emmanuel Macron avait choisi de symboliser ce moment en faisant pavoiser un certain nombre de monuments aux couleurs du drapeau européen. Mais le fait que l’on ait alors choisi de  remplacer temporairement le drapeau national flottant traditionnellement sous l'Arc de Triomphe, au-dessus de la tombe du soldat inconnu, par le seul drapeau européen, n'a pas manqué de faire réagir une grande partie de la classe politique de droite. Il ne s’agissait sans doute que de la volonté présidentielle de mettre en évidence cette Union européenne à laquelle Emmanuel Macron est si fortement attaché qu'il aimerait voir sa souveraineté se développer au détriment de la souveraineté française. Mais, erreur ou provocation délibérée, cela oblige en tout cas la droite progressiste que représente Valérie Pécresse à faire le grand écart entre son choix européen et l'impossibilité dans laquelle elle est de ne pas s'élever contre ce pavoisement, car son réservoir potentiel de voix pour le second tour se situe bel et bien dans les rangs nationalistes, si ce n’est souverainistes.

Il est donc pas impossible que, dans les temps qui viennent, au fil de l’évolution de ses adversaires dans les sondages et de leur capacité à devenir véritablement candidats en obtenant les 500 parrainages, Emmanuel Macron cherche ainsi à accentuer les désaccords existants entre les diverses forces politiques, notamment entre celles situées à sa droite qui semblent a priori les plus à même de menacer sa réélection. Le rythme de ces provocations dépendra alors de la volonté de ce maître des horloges que restera le Président-candidat.

Y-a-t-il au contraire des thématiques qu’il est peu probable de voir arriver dans le débat, quand bien même elles pourraient être importantes dans les préoccupations des Français ?

Lors d’une campagne électorale, les thématiques évoquées par les uns ou les autres ont toujours comme but de leur amener des électeurs. Il y a cependant des points de passage obligés, comme cette dimension écologique dont on a bien compris qu'elle était absolument incontournable. Mais si elle sera évoquée par tous les différents candidats, ce ne sera pas de manière univoque, comme on peut en prendre un exemple évident autour de la question de l'énergie. Là encore cependant, le contexte jouera, qu’il s’agisse d’un renchérissement du coût de cette dernière qui frapperait de manière plus ou moins forte les foyers français, ou, pourquoi pas, comme certains spécialistes l’évoquent, de la mise en place de délestages en cas de surconsommation si les températures venaient à baisser de manière importante. Le débat qui existe déjà et qui oppose ceux qui souhaitent en terminer avec le nucléaire, pour le remplacer par des énergies renouvelables, en multipliant notamment l'éolien terrestre ou maritime, et ceux qui, au contraire, considèrent que cette énergie éolienne n’est pas fiable et se refusent à un abandon du nucléaire qui ne conduirait selon eux qu'à déconstruire un peu plus notre souveraineté énergétique et à nous fragiliser, ne manquerait pas alors de rebondir.

On peut par contre se demander si beaucoup de candidats vont évoquer véritablement la question que nombres d'économistes sont en train de se poser, celle de l'éventuelle reprise de l'inflation. Avec la pénurie de matières premières et le renchérissement des coûts de transport, les services de la statistique économique française eux-mêmes, pourtant peu enclins à dramatiser, évoquent depuis quelques temps la possibilité d'une augmentation sensible du coût de la vie. Mais de cela, il est fort possible que l'on ne cherchera pas à trop parler lors de la campagne présidentielle. D’abord parce que nous sommes ici tributaires d'éléments extérieurs, volatils, sur lesquels il est difficile de baser un programme. Ensuite, parce que les marges de manœuvre semblent bien réduites du fait du poids de cette dette immense que nous avons contractée, et dont une nouvelle progression pourrait nous amener à voir nos taux d'intérêt évoluer dans le mauvais sens. Enfin, car il serait peu rentable, voire contre-productif en termes électoraux de paniquer les Français en leur montrant de manière trop explicite une vague qui pourrait les submerger dans le courant de l'année : pour le pouvoir en place bien sûr, qui serait tenu pour responsable, mais aussi peut-être pour ses opposants s’ils n’offrent pas vraiment de solution quand les Français semblent ne rêver que de protection.

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