Bruxelles va nous verser 40 milliards d’euros en faveur de l’écologie et du numérique. Mais pour quoi faire ? <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen donne une conférence de presse lors d'une session plénière au Parlement européen à Bruxelles le 20 janvier 2021.
La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen donne une conférence de presse lors d'une session plénière au Parlement européen à Bruxelles le 20 janvier 2021.
©JOHN THYS / AFP

Atlantico Business

Le plan de relance pour faire face aux conséquences de la crise pandémique a été autorisé par Bruxelles, qui va donc apporter 40 milliards d’euros, destinés au digital et au numérique. Mais comment ces aides vont-elles être distribuées et à quoi vont-elles servir ?

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Voir la bio »

Le plan de relance décidé par l’Union européenne pour faire face à la pandémie est sans doute intéressant à plus d’un titre. Et si la présidente de la Commission, Ursula Von der Leyen est à Paris aujourd’hui, comme elle le sera les jours suivants dans toutes les grandes capitales de l’UE, c’est bien sûr parce qu’elle cherche à redorer le blason de l’institution.

Le plan de relance de l’après-Covid est effectivement intéressant. D’abord, parce qu’il est important en volume, puisqu’il porte sur 750 milliards d’euros qui viendront s’ajouter à tout ce que les pays membres ont déjà libéré chacun de leur côté.

Ensuite, et c’est la première fois, ce plan sera financé par des emprunts européens. Des euro-obligations. C’est à dire que pour la première fois, les Etats membres sont solidaires pour garantir un emprunt dont le produit sera redistribué ensuite aux Etats membres. C’est un progrès pas seulement financier, mais aussi politique vers plus de solidarité au sein de l’Union.

Enfin, le produit de cet emprunt sera ventilé entre les 27, à condition que les projets  contribuent à l’investissement digital, à la mutation écologique, à la réindustrialisation des économies européennes et à la correction des effets sociaux de la pandémie.

Le plan français a donc été jugé par la Commission de Bruxelles conforme aux objectifs de départ, et ce plan comprend des engagements « nécessaires » pour pouvoir toucher des indemnités et des parts d’emprunts prévus dans le plan européen de 750 milliards d’euros. Au départ, Bruxelles avait imposé aux États d’utiliser au moins 37% des fonds à la transition écologique et 20% à la mutation numérique. Au nom de la France, le ministre de l’économie, Bruno Le Maire s’est engagé à augmenter les taux à 50% pour l’écologie et à 25 % pour le numérique. Ça signifie que les besoins d’aides à la réindustrialisation et au social seront financés sur d’autres budgets.

À Lire Aussi

Le plan de relance de 100 milliards ne marchera pas sans la consommation

En espèces sonnantes et trébuchantes, la France va donc récupérer au total 40 milliards d’euros qui viendront aider l’effort français (non financés sur le budget de l’Etat, mais par ce fameux emprunt européen). 40 milliards dédiés au digital et à l’écologie, dans cette relance à 100 milliards que s’est permise la France.

Alors, il y a beaucoup de politique dans ce que va présenter aujourd’hui à la France Ursula Von der Leyen. On finance le numérique et l’écologie, deux secteurs clefs dans la gestion d’une modernité sur laquelle des majorités attendent une préparation de l’avenir ; mais surtout, Bruxelles, contrairement à ses habitudes, n’accompagne pas ces aides de conditions de réformes en matière de dépenses publiques. On pouvait s’attendre ou craindre que Bruxelles nous impose de finaliser la fameuse réforme des retraites ou alors de plans de réduction des dépenses sociales, afin de réduire la dette publique qui va dépasser les 120% du PIB cette année. Bruxelles s’abstient et évite ainsi d’alimenter l’idée que l’Europe imposerait des directives contraignantes aux États membres.

Mais l’important n’est pas là, l’important est que la France va devoir dire comment elle va utiliser ces subventions et ces aides supplémentaires. Dans le numérique mais plus encore dans l‘écologie.

Les entreprises du numérique ont peu de problèmes pour lever des fonds privés afin d’assurer leur développement, on peut donc imaginer que ces aides européennes soient consacrées à des investissements publics d’équipement (fibres et 5G). On peut aussi imaginer que ces capitaux servent à augmenter les fonds consacrés à la recherche et au développement des créations d’entreprises, via la BPI qui a déjà fait un formidable travail pour irriguer le tissu industriel. Le besoin, désormais, est de faire en sorte de garder les entreprises françaises qui marchent dans l’Hexagone et éviter qu’elles s’expatrient à l’étranger comme c’est souvent le cas. On peut aussi regarder les équipements coté consommateur final ; la pandémie et le télétravail ont creusé les inégalités entre ceux qui étaient correctement équipés et ceux qui ne l’étaient pas. La fracture numérique s’est aggravée.

À Lire Aussi

Plan de relance : ces illusoires contreparties que réclament les syndicats

Donc les besoins sont immenses et ils sont assez facile à identifier.

Les allocations de fonds seront beaucoup plus difficiles à effectuer au bénéfice de l’écologie, où il existe quantités de lobbys, d’associations et de diversités d’actions.

Faut-il consacrer l’essentiel des aides au profit du client pour l’inciter à acheter des produits et des équipement décarbonés ? C’est le cas aujourd’hui dans l‘automobile « verte » qui coute en réalité deux fois ce que paie le client. A terme, cette mécanique d’incitations ne tiendra pas. Les constructeurs automobiles le savent.

L’investissement dans l’immobilier sera peut-être plus facile à optimiser puisqu’il s’agit là d’installer des isolations thermiques. Bref, le travail d’allocation de ce type d’investissement n’est pas fait.

On aurait besoin d’un véritable plan stratégique qui ne fixe pas de directives et d’obligations certes, mais qui définisse clairement ce qui relève de l'Etat, des collectivités locales et surtout du marché, dans la poursuite des normes et des objectifs auxquels on s’est engagé. Les plans de soutien libérés en 2020 ont parfaitement répondu à l’urgence de sauver les actifs de production qui étaient attaqués. Mais les plans de relance en sortie de crise dépendent de l’avenir qu'on dessine et de l’histoire économique que l'on veut collectivement vivre. Les entreprises en ont une idée, les associations diverses et multiples aussi, on peut penser que les responsables politiques, élus, ne sont pas trop démunis mais tout cela manque sérieusement de cohérence et de cohésion.

Ce qui est curieux, aujourd’hui, c’est que le président de la République avait cru bon de réveiller le Commissariat au plan. L’idée avait paru incongrue à beaucoup de libéraux, mais après tout, le marché a besoin d’éclairage à longue portée et d’incitations ; les responsables politiques aussi ont besoin d’y voir clair.
Après six mois de nomination, on peut quand même légitimement se demander ce qu’a fait et ce que veut faire le Commissaire au plan. Il a des locaux, des voitures, des collaborateurs…. mais où sont les idées et les projets ?

À Lire Aussi

Bruxelles demande des réformes structurelles pour débloquer des milliards du plan de relance...

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !