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Brexit : le rapport secret mais officiel du gouvernement britannique est peut-être en train de faire évoluer Boris Johnson...
©GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

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Ce rapport reconnaît qu’un Brexit sans deal va entrainer beaucoup de difficultés pour la population britannique. Boris Johnson cherche désormais la solution pour organiser un Brexit soft avec deal, sans pour autant trahir ses engagements politiques.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Bernard Pivot, qui n’a rien perdu de son humour, est l’auteur d’un tweet qui a été vu près de 2 millions de fois depuis la semaine dernière, non seulement en France mais aussi en Grande Bretagne. Bernard Pivot a eu le don de faire rire avec une situation qui ne fait pourtant rire personne. Il propose à l’Académie Française d’inscrire au dictionnaire un nouveau mot, le mot brexit en tant que nom commun et donc sans majuscule, avec la définition suivante : « un débat cacophonique et insoluble, une réunion foutoir, une assemblée bordélique. Ex: l'assemblée des copropriétaires s'est achevée en brexit. » Ou encore une réunion de famille tourne au brexit...

Ce tweet s’est diffusé très rapidement au moment où le Premier ministre britannique se retrouvait dans un corner politique et que personne ne voit comment il va s’en sortir.  

L’ambiance est donc tout sauf sereine au 10 Downing Street et l’entourage de Boris Johnson se rend bien compte qu’il va falloir trouver une solution pour que le Brexit, promis juré au 31 octobre, s’applique sans provoquer d‘effets trop douloureux pour la population. Or, a priori, il n’y a pas d’autres solutions techniques que d’appliquer le deal qui avait été défini après deux années de négociations par Theresa May. Toute la question pour Boris Johnson est d’appliquer le deal, sans dire que c’est en un.

Son administration a laissé sortir publiquement, en fin de semaine dernière, les conclusions du rapport Opération Yellowhammer (voir lien). Ce document, qui était resté confidentiel jusqu'à maintenant, dévoile les conséquences immédiates d'un Brexit sans deal, dans plusieurs secteurs, dont l'approvisionnement alimentaire, la santé avec les risques de pénurie de médicaments, les transports et les frontières. C’est ce rapport commandé par le gouvernement et réalisé sous le sceau du secret par l’administration qui avait convaincu Theresa May de trouver une solution. 

Une partie du rapport décrit la forte dépendance de la Grande Bretagne à l’Union européenne en matière alimentaire (produits frais, fruits et légumes) et en produits pharmaceutiques, notamment l’insuline, mais pas seulement. 

Le rapport décrit aussi les risques encourus en matière de sécurité alimentaire et hygiénique, si la Grande Bretagne s’affranchissait des normes mises en place par Bruxelles.

Enfin, le rapport décrit les perturbations probables dans le transport routier via le tunnel sous la Manche et dresse un tableau assez chaotique. Ainsi, en cas de sortie sans accord le 31 octobre, entre 50 % et 85 % des camions britanniques pourraient ne pas être en conformité avec la douane française. 
En conséquence, le transport routier de marchandises serait mécaniquement réduit de 40 % à 60 %, avec des allongements de la durée de livraison de 2,5 jours en moyenne et des embouteillages de 40 à 50 km sur les voies d’accès au tunnel. Entre Calais et Douvres. 

Coté britannique, au cas où la durée de contrôle passerait de 2 minutes actuellement à 4 minutes, la file d’attente atteindrait 70 km.

Il faut savoir que l’Eurotunnel transporte jusqu'à 1 800 000 poids lourds par an entre le Royaume-Uni et le continent. 

Dans le cas d’un Brexit sans accord, à cause des procédures et les modalités de passage, le trafic serait complètement bloqué pendant les premières 24 heures et fortement diminué ensuite, par rapport à la situation actuelle. On estime coté britannique que la situation ne reviendrait normale qu’après avoir mis au point des process de control digital, mais il faudrait sans doute six mois minimum puisque personne n’est prêt. Et de toute façon, la situation la meilleure à laquelle on puisse s’attendre ne serait qu’à 70% de la situation actuelle, même après 6 mois.

Ce rapport a évidemment jeté un froid, mais on estime que, si le Premier ministre l’a laissé sortir (et il a selon toute vraisemblance laissé sortir un document classé confidentiel jusqu‘à maintenant), c’est pour préparer une partie de l’opinion favorable au Brexit dur d’accepter quelques entorses aux promesses et aux engagements. 

On est loin des débats politiques sur la protection de l’indépendance et de l’identité britannique, on est même loin des querelles de frontières et on est très loin des débats idéologiques et du « Fuck Business » de quand Johnson n’était pas en poste. On est désormais face à la réalité de la vie quotidienne. Et qu’on le veuille ou non, cette réalité s’impose aux politiques. Sans revenir à Machiavel, le respect de cette réalité s’impose aux gouvernants. « Si les gouvernants oublient ces contraintes, le peuple sait toujours le leur rappeler, y compris en démocratie ».

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