Attentats de Paris, la riposte : avons-nous besoin de nouvelles mesures sécuritaires… ou d’appliquer correctement celles qui existent déjà ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Attentats de Paris : avons-nous besoin de nouvelles mesures sécuritaires ?
Attentats de Paris : avons-nous besoin de nouvelles mesures sécuritaires ?
©Reuters

Arsenal législatif

Suite aux événements de Paris vendredi 13 novembre, François Hollande s'est montré à l'écoute des propositions des partis d'opposition. Ainsi, beaucoup de voix à gauche comme à droite, mais aussi le gouvernement, ont demandé des mesures de fermeté.

Alexandre Giuglaris

Alexandre Giuglaris

Alexandre Giuglaris est délégué-général de l’Institut pour la Justice.

 

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Atlantico : PNR européen, assignation à résidence sur simple fiche S, répression des visiteurs de sites djihadistes... L'Etat d'urgence et ses applications, bien que nécessaires, sont des dispositions qui de facto repousse l'Etat de droit. Les pouvoirs publics ont-ils vraiment besoin de créer de nouveaux cadres législatifs ? 

Alexandre Giuglaris : Comme l’a enfin reconnu à juste titre le président de la République, notre pays est en guerre. C’est une guerre larvée d’un nouveau type mais les attentats de vendredi soir montrent bien l’ampleur du phénomène terroriste et la détermination de ceux qui veulent nous combattre. Cette situation exceptionnelle nécessite des réponses exceptionnelles, ce qui ne veut pas dire illégales. On peut d’ailleurs regretter que certaines d’entre elles, proposées après les attentats de janvier, n’aient pas été mises en œuvre… Mais aujourd’hui, l’important est d’adopter au plus vite ces mesures pour renforcer notre sécurité.  A cet égard, la mise en place de l’état d’urgence est une bonne mesure qui facilite le travail des forces de sécurité et les perquisitions administratives. Mais entendons-nous bien, je ne crois pas qu’il y ait péril concernant l’état de droit, simplement parce que l’on applique l’état d’urgence.

Cet état d’urgence est accompagné d’autres mesures qui sont à saluer. Il est à noter qu’elles ont souvent déjà été proposées par l’opposition sans être entendues. Il s’agit de la fermeture temporaire de nos frontières,de l’assignation à résidence, de la création d’un fichier PNR européen pour mieux surveiller et identifier les personnes qui prennent l’avion. Le gouvernement avait par ailleurs annoncé il y a quelques jours des mesures contre les trafics d’armes, qu’il est urgent de mettre en application. Toutes ces mesures sont utiles et doivent être mises en œuvre rapidement. Cela fait des mois que l’on attend que le fichier PNR soit adopté par les instances européennes.

François Hollande a également annoncé hier de nouvelles mesures qui vont compléter cet arsenal, dont la création de 8500 nouveaux postes pour la sécurité, la justice et les douanes, ainsi que l’arrêt des réductions d'effectifs dans l'armée.C’est très bien mais pour les forces de sécurité, la simplification des procédures et la réorganisation interne seraient source d’économies et de redéploiement d’effectifs majeurs.

Sur la question des profils terroristes et sur la radicalisation sur notre territoire, des mesures, dont là aussi on aurait pu souhaiter qu’elles soient prises plus tôt, ont été annoncées : déchéance de nationalité pour des binationaux condamnés pour une atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ou un acte de terrorisme(cette mesure ne peut s’appliquer qu’à des binationaux car la France est engagée par des traités internationaux interdisant de créer des apatrides), l’interdiction à un binational de revenir sur notre territoire s’il représente un risque terroriste (cette mesure indispensable est urgente pour les profils de retour de Syrie par exemple), l’expulsion plus rapide des étrangers qui représentent une menace d’une particulière gravité pour la sécurité de la nation, et enfin la dissolution des associations ou groupements qui provoquent la haine ou incitent aux actes terroristes… Ces mesures sont utiles mais on s’étonne qu’elles n’aient pas déjà été adoptées tant elles paraissent nécessaires…

En quoi ce sont surtout les moyens de la mise en œuvre de l'arsenal législatif préexistant qui pose problème ?

Vous avez raison, on peut compiler de nouvelles mesures, si on ne met pas les moyens (notamment humains) adéquats pour remplir ces missions, elles seront partiellement utiles. Nous disposons déjà d’un arsenal législatif conséquent mais certains des auteurs présumés des attentats montrent que cet arsenal, faute d’application stricte, n’a pas permis de nous protéger. Ainsi, un des terroristes présumés qui a été condamné par la justice mais n’a pas respectéson contrôle judiciaire, a pu partir à l’étranger (vraisemblablement en Syrie) et revenir en Europe. C’est inacceptable. S’il y a eu des défaillances individuelles et multiples ou si c’est le système qui est défaillant, il faut très rapidement le réformer. Je pense notamment à l’échange d’informations entre pays européens par exemple. 

S'il fallait malgré tout des dispositions supplémentaires pour lutter efficacement contre le terrorisme, selon vous que faudrait-il ajouter à l'arsenal législatif existant ?

Il y a dans les mesures annoncées ces derniers jours des oublis malheureux qui doivent être intégrés au plus tôt à ce plan global, notamment le développement de centres de déradicalisation, la création d’un délit pour la consultation de sites djihadistes car on sait qu’au-delà de l’embrigadement individuel, les réseaux terroristes utilisent de plus en plus internet pour recruter de nouveaux terroristes.

Le gouvernement semble tergiverser mais les policiers doivent aujourd’hui pouvoir bénéficier d’une présomption de légitime défense, et on doit leur permettre de porter leur arme en dehors de leur service car ils peuvent en faire usage en cas d’attaques terroristes. Ce qui s’est passé au Bataclan (avec l’intervention d’un policier) doit nous faire réfléchir.

J’ajoute quelques points rapides mais qui nécessiteraient de longs développements : la réorientation de notre politique internationale, la lutte contre les sources de financement des terroristes en France et à l’étranger, je pense en particulier à un grand plan de lutte contre les trafics de stupéfiants dans notre pays.

Enfin, et c’est assez révélateur, la justice pénale a une nouvelle fois été un peu oubliée dans ces grandes annonces. Le Président a annoncé un alourdissement des peines contre les terroristes ou leurs soutiens. Mais, quand on voit que le Syndicat de la Magistrature a déjà déclaré hier regretter l’état d’urgence, qui peut assurer que ces peines seront prononcées plus sévèrement ? Concernant l’application des peines, les terroristes bénéficient du même régime de réductions de peines que les autres détenus, est-ce acceptable ? Il y a de nombreuses autres mesures nécessaires et envisageables : l’intégration de la pénitentiaire à la communauté du renseignement que Christiane Taubira a refusé il y a quelques mois, la création d’une parquet national antiterroriste, la construction en urgence de 20 000 places de prison, la mise à l’écart des terroristes et radicaux dans les prisons, l’augmentation du nombre d’imams agréés dans les prisons pour éviter les prêches radicaux d’imams autoproclamés. Nous avons le sentiment que le volet justice a une nouvelle fois été oublié… C’est regrettable… Mais si les embauches annoncées vont dans le bons sens, n’oublions pas que dès le budget 2016, on a 1100 postes de magistrats qui sont budgétés mais non pourvus... Donc il ne faut pas tout attendre des simples augmentations d’effectifs.

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