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Obnubilés par le rendement à court terme plutôt que par la valeur des entreprises, les investisseurs perdent le Nord
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Revue d'analyses financières

Dans l'œil des marchés : Jean-Jacques Netter, vice-président de l'Institut des Libertés, dresse, chaque mardi, un panorama de ce qu'écrivent les analystes financiers et politiques les plus en vue du marché.

Jean-Jacques Netter

Jean-Jacques Netter

Jean Jacques Netter est vice-président de l’Institut des Libertés, un think tank fondé avec Charles Gave en janvier 2012.

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Quand les marchés ne vivent plus que dans une logique de flux où le seul argument consiste à acheter des actions puisque "les obligations d’Etat ne rapportent plus rien", il faut être très attentif.

La recherche panique de rendement pousse aujourd’hui de nombreux investisseurs à ne plus regarder les niveaux de valorisation des sociétés, ni les risques qu’ils prennent. Les compagnies d’assurance allemandes sont dans ce cas.  Elles ont garanti à leurs souscripteurs de contrats d’assurance vie des rendements autour de 3,5% alors que les obligations domestiques de leur pays ne rapportent plus que du 0,20%. Elles sont dans une situation très difficile. Pour une fois, le régulateur français avait interdit aux compagnies françaises de proposer de telles garanties à leurs clients.

Tout le monde est d’accord pour dire que la politique monétaire de la BCE (le fameux QE) aura peu d’effet sur l’économie réelle,  car créer plus de monnaie n’a jamais créé la moindre richesse supplémentaire. Personne n’a encore démontré le lien entre l’achat d’obligations d’Etat par la BCE avec une entreprise qui  se trouve en Sicile et qui a besoin d’emprunter de l’argent à sa banque pour financer des investissements.

Tout le monde sait très bien qu’une baisse des taux n’a jamais relancé une économie. Quand ils deviennent négatifs,au contraire, ils ont pour effet de créer des bulles sur  des classes d’actif comme les actions, l’immobilier, les œuvres d’art . Cela ne profite pour l’essentiel qu’à ceux qui détiennent déjà des actifs et ne fait qu’accroitre un peu plus les inégalités entre les patrimoines.

Tout le monde a enfin compris que la BCE n’avait pas encore sauvé l’intégration européenne comme le montre la situation de la Grèce. Elle est en train de  revenir à la réalité. En attendant, les obligations grecques rapportent du 11% et le paiement des retraites et des salaires est menacé à partir du 15 avril.

Tout cela explique que les indices continuent de battre des records. Après le CAC 40 qui avait franchi le cap des 5000, c’est au tour du DAX cette semaine de passer au dessus de 12 000. Au Japon, l’indice Nikkei est au plus haut depuis quinze ans.

Pendant ce temps, le Bund allemand rapporte du 0,18%, l’OAT français du 0,44%. Les taux de l’Espagne (1,20%) et de l’Italie (1,245%) sont aussi orientés à la baisse.

Il existe néanmoins quelques signes favorables

En Allemagne la nouvelle politique de hausse des salaires a été sanctifiée pour la première fois par la Bundesbank. Le Japon se prépare aussi à effectuer des hausses salariales. Toyota a proposé de les augmenter de 3,2% ce qui serait la plus forte hausse depuis 2002.

En France les marges des sociétés industrielles se redressent grâce au fameux « alignement des planètes » (Taux, Euro, Pétrole). En revanche la production industrielle ne progresse pas

Il y a des réservoirs de liquidités qui ont été accumulés sur des actifs à rendement négatifs qui vont se déverser en vagues successives sur les marchés actions.

L’OCDE a relevé ses prévisions de croissance à 1,4% en 2015 et 2% en 2016. N’oublions jamais quand on prend connaissance de ces chiffres qu’ils reposent sur la notion de Produit Intérieur Brut (PIB) qui a été inventé par les fonctionnaires pour justifier en permanence de l’augmentation du poids de l’Etat dans l’économie.

La France chante toujours « l’internationale »…

Le nouveau secrétaire général de la CGT vient de réclamer la semaine de 32 heures. On croit rêver,  au moment où la Suisse passe dans certains cas à 45 heures pour préserver la compétitivité de ses entreprises. Il faut dire que la Suisse n’a jamais été une économie gérée par des économistes.

Grâce au syndicat des dockers il n’y a plus aucun port français compétitif, alors que nous avons la plus grande façade maritime d’Europe. Grace au syndicat du Livre les imprimeurs français ne peuvent pas être compétitifs. Encore un petit effort et la CGT aura irrémédiablement tué tout ce qui reste d’industrie dans notre pays. Après avoir eu longtemps à lutter contre les entreprises allemandes, les industriels français doivent maintenant se battre contre les espagnols…

Parmi les mesures fiscales idéologiques prise par les gouvernements de François Hollande  la taxe sur les dividendes instaurée en 2012 pourrait être bientôt considérée comme contraire aux directives européennes. Elle est avant tout pénalisante pour l’entrepreneur…

Prudence sur le marché américain

Aux Etats-Unis, le dernier Comité de politique monétaire n’a rien apporté de nouveau. Janet Yellen présidente de la Fed a certes retiré le mot « patience » de son communiqué mais on ne sait toujours pas à quel moment se produira le prochain relèvement des taux, 

juin ou septembre. Son discours a été ambigu dans la grande tradition de la Fed. "Si vous avez compris ce que j’ai voulu dire c’est probablement que je me suis mal exprimé" aimait dire Alan Greenspan ancien président de la Fed…

L’économie américaine doit être suffisamment solide pour permettre une normalisation des taux d’intérêts.

Les sociétés européennes et asiatiques qui réalisent une partie importante de leur chiffre d’affaires aux Etats Unis vont en profiter.

Dans les rebalancements qui ont régulièrement lieu dans les indices il faut noter qu’au sein du Dow Jones Goldman Sachs pèse maintenant 9% de l’indice et Peugeot réintègre le CAC 40.

Les Chemins de fer vont connaître une très forte expansion

En France on s’intéresse aux dossiers industriels au moment d’OPA spectaculaires très médiatisées comme l’a été celle de General Electric sur les activités énergie d’Alstom.

Dans des secteurs matures comme celui des chemins de fer il serait pourtant intéressant pour nos penseurs étatiques en matière de politique industrielle de regarder la réalité. Alstom, notre champion national n’est pas sorti d’affaires.

Au Japon,  l’industrie des chemins de fer est un pôle de développement très important qui entend utiliser la baisse du Yen comme argument commercial. Les sociétés se  répartissent en quatre groupes :

1/ Les sept sociétés issues de la privatisation de Japan National Railway. Les plus importantes sont JR Central qui exploite le  Shinkansen entre Tokyo et Osaka, JR West et  JR East.

2/ Les opérateurs de métro contrôlés par les gouvernements locaux comme Keikyu qui gère la liaison Tokyo-Haneda Airport.

3/ Les seize compagnies qui ont pour objectif d’apporter des clients aux grandes chaines de magasins comme Seibu Holdings, Keio etTobu Railway.

4/ La centaine de sociétés privées ou semi privées qui sont de plus petite taille comme

Tokyu Corporation, (Tokyo), Hankyyu Hanshin (Kansai), Kintetsu Corp ( Osaka), Odakyu Electric Railway (Tokyo et Nagoya), Keihin Electric Express Railway (Tokyo), Keisei Electric Railway (Tokyo), Nankai Electric Railway ( Osaka)

Pour se développer en Europe la société Hitachi vient d’ailleurs de racheter en Italie à Finmeccanica toutes ses filiales ferroviaires,  Ansaldo Breda and Ansaldo STS.

En Chine, le kilométrage de train à grande vitesse  est désormais plus important en Chine (10 000km) qu’en Europe (6200km).  Les deux premiers équipementiers CSR et CNR viennent de fusionner pour créer un concurrent redoutable pour Bombardier (Canada), Siemens (Allemagne), Alstom (France) et même Kawasaki au Japon.

CSR Corp fabrique des locomotives. locomotives, voituresn°1/JV avec GE).  Hollysys qui fabrique des systèmes de contrôle très compétitifs se développe beaucoup en Asie et au Moyen Orient.

L’agressivité commerciale de la Chine va être forte au cours des années qui viennent comme le montrent les acquisitions de grandes marques européennes (Pirelli par Chem  China cette semaine ) et  les derniers succès remportés. Aux Etats Unis,CNR vient de remporter un petit contrat de 567M$ à Boston devançant son concurrent canadien Bombardier. En Afrique, au Nigeria,China Railway Construction Corpvient de remporter son plus gros contrat à l’étranger d’un montant de 12 Md$ net portant sur 1400 km de train à grande vitesse.

Aux Etats-Unis, Warren Buffett le légendaire patron deBerkshire Hathawayen rachetantBurlington Northern Santa Fe avait bien compris tout le potentiel de développement du secteur ferroviaire quand il est bien géré. Les autres sociétés de l’univers d’investissement américain sont : CSX Corp, Norfolk Southern, Union Pacific, Norfolk Southern,  Kansas City Southern. Comme la demande devrait doubler d’ici 2035 le secteur est régulièrement agité de rumeurs d’OPA.

La prochaine étape sera celle du train subsonique qui devrait être lancé par Elon Musk le patron de Tesla. Il reliera Los Angeles à San Francisco en 30 minutes en faisant circuler des rames dans des tubes qui fonctionneront comme les anciens réseaux pneumatiques qui reliaient les bureaux de poste en France !

En France, la situation d’Alstom est précaire car son activité ferroviaire n’a pas été reprise par GE. La société vient de lancer le tramway de Dubai censé lui servir de vitrine commerciale pour tout le Moyen Orient. Dans le domaine des tramways, lesparts de marché par constructeur  s’établissent de la façon suivante: Bombardier 35%, Alstom Transport 27%, Siemens MCL 22,3%, Ansaldo Breda Firema qui vient d’être racheté par les japonais 5,1%, CAF (Espagne), 3,8%, Stadler (Suisse)  2,7%, autres 4,1%. La bataille sera rude pour être compétitif par rapport à l’Asie et ses puissants moyens de financement d’infrastructures.

Pour le métro, le pays où la France pourrait décrocher des contrats est l’Inde où Thalès est associé avec Larsen &Toubro sur le métro Hyderabad.

Plusieurs sociétés non cotées ont également des chances de remporter des contrats comme Keolis (=SNCF), Systra (= SNCF + RATP) etRailtech (= Alstom). De l’extérieur on a du mal à comprendre comment un assemblage de sociétés avec des agendas forcément différents peuvent être compétitifs et efficaces sur les marchés internationaux. A suivre…

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