L’économie française est-elle dans une situation catastrophique ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Photo d'illustration // François Hollande se tordant les mains.
Photo d'illustration // François Hollande se tordant les mains.
©Flickr

Revue d'analyse financière

Dans l'œil des marchés : Jean-Jacques Netter, vice-président de l'Institut des Libertés, dresse, chaque mardi, un panorama de ce qu'écrivent les analystes financiers et politiques les plus en vue du marché.

Jean-Jacques Netter

Jean-Jacques Netter

Jean Jacques Netter est vice-président de l’Institut des Libertés, un think tank fondé avec Charles Gave en janvier 2012.

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Pierre Gattaz, président du Medef, a poussé cette semaine un cri d’alarme en disant que les entreprises françaises étaient dans une situation catastrophique. Il est dans son rôle en disant cela, car cela correspond  bien à la réalité des chiffres et surtout à l’opinion de la quasi totalité des chefs d’entreprises. François Hollande l’a rappelé à l’ordre en lui demandant de "maîtriser son langage" !

Le problème pour le président de la République n’est donc pas de porter le bon diagnostic sur l’état réel de l’économie mais de travailler ses "éléments de langage". Tout est dit.

Dans un pays où il y a zéro croissance, zéro inflation, zéro investissement et zéro réformes, il y a un ministre qui lui, maîtrise très peu son langage, c’est Arnaud Montebourg, le ministre de l'Economie, du Redressement productif et du Numérique.

En excellent homme politique, travaillant en permanence son image et les prochaines élections présidentielles, il nous a gratifié de trois coups de menton dont il a le secret : 

1/ Arnaud Montebourg a désigné l’ennemi du peuple : ce sont les professions réglementées. Il a fustigé "les nombreuses professions qui sont en situation de monopole et captent par leur position des revenus pour des services payés trop chers, qui entament le pouvoir d’achat des ménages". Proférer sans aucune nuance ce type d’accusations est vraiment stupide, car on ne peut pas mélanger les problèmes d’un notaire avec ceux d’un gérant d’autoécole, ceux d’un mandataire de justice avec ceux d’un opticien etc…  Revoir la situation de monopole dans laquelle se trouvent de nombreuses professions et lutter contre les rentes sous toutes leurs formes est une très bonne idée, mais sa méthode n’est certainement pas la bonne.

Arnaud Montebourg serait beaucoup plus crédible s’il s’intéressait en même temps aux rentes des fonctionnaires. Rappelons que notre pays compte environ 90 emplois publics pour 1000 habitants, contre 50 en Allemagne. La différence entre le coût de nos fonctionnaires et ceux des fonctionnaires allemands est la même qu’entre la masse salariale de la SNCM à Marseille et celle de Corsica Ferries.

Le problème, dans ce domaine, c’est qu’il faudrait avoir le courage de cesser de trembler devant les syndicats chaque fois qu’il y a une épreuve de force. La France étant ce qu’elle est, un pays latin, jacobin pétri de phraséologie révolutionnaire et nourri au lait de la lutte des classes, ce serait une grande naïveté ou une grande duplicité de prétendre qu’elle va soudain se muer en social démocratie scandinave raisonnable, moderne et apaisée.

2/ Arnaud Montebourg a ensuite mis en garde le monde de la grande distribution sur le thème : "les méchants distributeurs sont accusés de tordre le coup à leurs fournisseurs". Dans un certain nombre de cas, c’est tout à fait exact. Il a simplement oublié de dire que celui qui faisait partie, il n’ y a pas longtemps, des fanatiques de la concurrence pour remonter le pouvoir d’achat, c’était lui !

Cette posture ressemble beaucoup à celles qu’affectionnait Juan Peron en Argentine. Pays merveilleux qui avait tous les atouts pour réussir mais qui a été gâché par le populisme démagogique pour se retrouver aujourd’hui dans l’incapacité de rembourser sa dette.

3/ Arnaud Montebourg a enfin pointé du doigt les sociétés étrangères qui pourraient avoir envie de racheter une société française. Il s’inquiète des menaces d’OPA sur les sociétés du CAC 40. Il a commandé une étude qui va encore coûter de l’argent alors que n’importe quel analyste financier aurait pu lui expliquer que sans fonds de pension, sans épargne salariale très développée, on ne peut avoir d’actionnaires français conséquents dans des grands groupes mondiaux.

Il veut aussi réhabiliter les noyaux durs d’Edouard Balladur tant critiqués par la gauche à l’époque. Le problème c’est que les nouvelles régulations financières ne permettent plus aux banques et compagnies d’assurance d’acheter des pourcentages importants de sociétés cotées, car cela leur impose de constituer des montants de fonds propres trop importants.

Il pense pouvoir se passer de tous ces dispositifs en demandant une consultation des instances représentatives du personnel (la CGT) en cas d’offre hostile. C’est une méthode qui a donné d’excellents résultats à la SNCM à Marseille !

Tant que le gouvernement n’aura pas mis un terme à la répression financière qui consiste à capter l’épargne qui a payé l’impôt pour financer le déficit budgétaire et non les entreprises, il n’y aura aucune reprise en France et donc aucune diminution du chômage.

Arnaud Montebourg, dans une mise en scène théâtrale avec effets de manche et tam-tam médiatique, a lancé le 10 juillet à Bercy, "la feuille de route du redressement économique de la France" basée sur les poncifs les plus rétrogrades du siècle dernier : le patriotisme économique ("il nous faut des patrons patriotes"), l'antimondialisation ("il nous faut être plus forts dans la compétition mondiale face à la mondialisation déloyale"), l'antilibéralisme ("non au modèle anglo-saxon libéral, oui au modèle entrepreneurial solidaire") et l'interventionnisme étatique qui permet à l'État de "protéger et de défendre la souveraineté de nos entreprises".

La veille, le "Comité de pilotage les plans de la Nouvelle France Industrielle" avaient été validés. L’ensemble des 34 plans destinés à préparer les produits innovants de demain, avec l'approbation des sept dernières feuilles de route, sont là pour expliquer aux chefs d’entreprise qu’ils ont beaucoup de chance d’avoir un ministre qui pense pour eux !

La "loi pour la croissance" d’Arnaud Montebourg va consister pour l’essentiel à faire passer sous le contrôle de l’Etat et de la CGT tous les secteurs qui pourraient générer de la croissance. Tout cela va contribuer à empêcher la croissance de repartir.

Toute cette rhétorique nous rappelle les grands moments de l’URSS, quand le gouvernement soviétique se réclamant du socialisme prétendait prévoir le futur. Si cela avait été le cas, l’Union Soviétique serait le pays le plus développé du monde, la Chine de Mao Tsé Tung, le Cuba de Fidel Castro et le Venezuela de Chavez aurait été des grands succès économiques. Or comme chacun sait, l’URSS n’existe plus, tout simplement parce que ses structures étaient fondées sur l’idée que les élites pouvaient prévoir, eux, le futur, le planifier et le contrôler. Tout cela comme on l’a vu a donné des résultats que l’on peut qualifier de catastrophiques.

Les obligations françaises deviennent moins attractives

Dans son action, le gouvernement oublie un peu vite que les besoins de financement à couvrir chaque année s’élèvent maintenant à 200 Md€. C’est le record d’Europe et cela nous met dans une situation de grande vulnérabilité, puisque les deux tiers de cette dette sont financés par des non résidents. Comme pour les ouragans les crises de la dette d’un pays qui ne peut plus emprunter sont précédées de périodes de calme artificiel. Les problèmes surviennent lorsque les salles de marchés du monde entier n’ont plus confiance dans la capacité de remboursement d’un pays.

Pour le moment l’Etat continue à siphonner tranquillement les réserves les comptes en banque des entités publiques et para-publiques.

Dans cet environnement, Charles Gave, président de l'Institut des libertés termine sa dernière chronique par un bien triste constat : "Notre pays qui devrait être le plus riche du monde, compte tenu de ses avantages naturels et de la qualité de sa force de travail, est en train de s'appauvrir à vue d'oeil. Les entrepreneurs français sont comme le Tiers État en 1789. Ils portent sur leur dos la noblesse (le système politique) et le clergé (le système syndical) et la France en crève. Elle est sur le chemin de l'Argentine. Rien ne peut empêcher un pays de se suicider. Nous sommes sur la bonne voie."

C’est probablement le moment de réduire l’exposition aux obligations françaises dans son portefeuille.

Le "low cost" va déstabiliser un peu plus la distribution

La décennie que nous venons de vivre a très largement favorisé les entreprises de luxe. Il est plus que probable que la prochaine bénéficie aux valeurs "low cost".

Tous les secteurs sont concernés par cette évolution : l’économie collaborative sous toutes ses formes, les compagnies aériennes, l’automobile, les télécoms, les taxis, les soins hospitaliers, les dentistes…

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