Xi Jinping veut obliger les Chinois à manger bio et surtout moins pour s’affranchir des importations étrangères<!-- --> | Atlantico.fr
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Xi Jinping Pékin Chine
Xi Jinping Pékin Chine
©Philip FONG / AFP

Atlantico Business

Tout est possible en dictature. Une partie de la classe moyenne est en risque d’obésité et le pays est trop dépendant de l’étranger. Xi Jinping veut donc obliger les Chinois à mieux manger et surtout beaucoup moins. Il pourra ainsi se vanter de lutter pour le bien de la santé des Chinois et contre le climat, tout en s’affranchissant des importations.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

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A Pékin, ne pas finir son canard laqué ou même son bol de riz au restaurant coutera bientôt jusqu’à 1400 dollars d’amende. Les buffets pantagruéliques, les concours alimentaires seront interdits et les influenceurs des médias sociaux qui se font connaitre en mangeant des quantités excessives de nourriture seront regardés de près, et soumis à une contravention allant jusqu’à 15 300 dollars. Voilà comment Xi Jinping essaie de sauver la Chine d’un gaspillage alimentaire qui viendrait compromettre l’approvisionnement du pays et donc sa souveraineté et sécurité nationale pour un pays qui a 1,4 milliard de bouches à nourri...

Par un texte de 32 articles, la loi préviendra et sanctionnera le gaspillage qui peut intervenir dans la chaîne alimentaire de la vente à la consommation, en obligeant notamment les restaurateurs à surveiller leurs clients et à ne pas les inciter à demander plus que ce qu'ils sont capables de consommer, habitude prise des clients chinois de commander toute la carte d’un restaurant comme démonstration de richesses et de générosité.

Quiconque enfreint la loi, c’est-à-dire est pris avec des restes de nourriture dans son assiette considérés comme « gaspillage évident », risque une amende, parfois élevée. Les dispositions sont sévères et autoritaires.

Il faut dire que l’économie chinoise n’est pas forcément de taille à assumer la demande de sa population.

D’abord, parce que cette consommation a largement évolué au cours des dernières années. Avec le développement du pays et l’urbanisation de la classe moyenne, les céréales ont progressivement été remplacées par la viande. Les Chinois consomment 12 fois plus de viande, à grande majorité du porc, qu’il y a 40 ans. Et l’épidémie de peste porcine qui frappe les élevages chinois depuis l’an dernier a prouvé la fragilité du système. Le cheptel chinois ayant quasiment été décimé, le pays avait dû compter sur un approvisionnement à l’étranger et faire appel aux réserves nationales de porc congelé. Aujourd’hui, une des réponses des agriculteurs chinois est d’élever des animaux de plus en plus gros, jusqu’à 500 kg pour les porcs, sans savoir si la pratique est pour autant saine.

Ensuite, la physionomie du pays ne laisse que peu de place à l’agriculture. La Chine compte 7% des terres arables (cultivables) de la planète, alors qu'elle doit nourrir un cinquième de la population mondiale. A cause de terres morcelées en de trop petites exploitations, de plus en plus polluées, la surface agricole exploitable diminue d’année en année. Sans compter le risque météorologique. Cette année, les inondations ont ravagé les cultures de riz ou de blé de la plupart des provinces chinoises.

Sans le commerce international, sans les importations, la Chine ne parviendrait pas à nourrir sa population. L'année dernière, elle a dû importer 100 millions de tonnes de produits agricoles, et notamment du soja américain, ce qui en fait le premier importateur mondial de produits alimentaires. Le pays est dans une situation, aujourd’hui, de déficit alimentaire. Il n’y a qu’à voir le nombre de terres agricoles que la Chine achète en dehors de ses frontières. Des champs de céréales ou de soja, des cultures de fruits ou des élevages bovins, en Amérique du Sud, Afrique mais aussi encore plus en Europe et même en France.

Se battre contre le gaspillage alimentaire semble alors assez rationnel. Avec la seule nourriture jetée chaque année, la Chine serait capable de nourrir près de 50 millions d’habitants pendant une année, soit la population de son voisin nord-coréen.

Ça peut marcher parce que la Chine est un pays autoritaire, qu’elle ne laisse que très peu de place aux libertés individuelles, donc il n’y a pas de révolte. Ou quand il y en a, on ne le sait pas. C’est comme ça que la politique de l’enfant unique a pu perdurer plusieurs décennies et réussir à diminuer la natalité. Sauf que cette politique de l’enfant unique a accru les inégalités. Les riches ont tous acheté le droit d’avoir un deuxième enfant. Quant aux pauvres, ils acceptaient l’enfant unique à condition que ce soit un garçon. D’où le nombre anormalement élevé de fœtus fille avortés, d’où le taux de mortalité infantile bizarrement plus élevé chez les filles. Il en sera de même avec la nourriture. Il y a longtemps que les riches ont préféré la qualité à la quantité. Comme aux États Unis, l'obésité touche plutôt les catégories défavorisées. Donc plus on va rationner l’alimentaire, moins les peuples mangent bien et bon.

L’autorité en Chine facilite beaucoup des réformes. C’est évidemment plus par l’autorité que la pédagogie que le régime a imposé un confinement sévère à ses provinces touchées par le coronavirus dès le début de l’année, sans même les autoriser à aller se ravitailler.

Évidemment, le problème du régime chinois est qu’il n’est pas transparent et que peu d’informations vraisemblables en ressortent. La vie a repris son cours normalement aujourd’hui, mais on ne sait pas si le virus a réellement disparu, comme on ne connait pas toutes les raisons qui amène la Chine à imposer de telles restrictions de nourriture à ses habitants.

Le régime craint-il une crise alimentaire, une famine, dans son pays ou est-il en train de légitimer sa situation et de créer une stratégie pour ne pas davantage ouvrir son économie aux pays étrangers, alors que de multiples accords commerciaux, dont celui avec l’Union européenne, sont encore en négociation.

Quant à prétendre que cette mesure permettra de lutter contre le réchauffement climatique en réduisant les émissions de gaz carbonique, c’est la cerise sur le gâteau des écologistes. Pour un pays qui est le plus pollueur de la planète, on hallucine.

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