Wahhabite connection : comment l’Arabie saoudite a déstabilisé le monde en exportant son islam radical depuis 40 ans <!-- --> | Atlantico.fr
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Abdallah ben Abdelaziz al-Saoud, roi de l’Arabie saoudite.
Abdallah ben Abdelaziz al-Saoud, roi de l’Arabie saoudite.
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Schizophrénie

L'Arabie saoudite a beau être l'allié traditionnel des puissances occidentales au Moyen-Orient, et notamment dans la lutte actuelle contre l'Etat islamique, le royaume est le principal soutien des mouvements fondamentalistes qui s'étendent dans le monde entier.

David Rigoulet-Roze

David Rigoulet-Roze

David Rigoulet-Roze est chercheur associé à l'IRIS et chercheur rattaché à l'Institut français d'analyse stratégique (IFAS) et rédacteur en chef de la revue Orients Stratégiques (L'Harmattan).

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Atlantico : L'Arabie saoudite est un allié de longue date des puissances occidentales, et joue en principe un rôle de "pivot" au Proche-Orient et au Moyen-Orient. Pourtant, le pays est aussi le berceau du wahhabisme, l'islam influençant la plupart des mouvements djihadistes. Quelle est la nature du lien que le Royaume des Saoud entretient avec ces différents mouvements ?

David Rigoulet-Roze : L’Arabie saoudite apparaît en effet comme un allié de longue date des Occidentaux en général et des Etats-Unis en particulier. L’expression de cette alliance tient d’ailleurs dans ce qui est passé à la postérité comme le de « Pacte du Quincy »[1]. Le deal sous-tendant cette alliance pouvait se résumer de la manière suivante : le monopole américain sur le pétrole saoudien en contrepartie de la sécurité militaire assurée par les Etats-Unis. Il faut comprendre que se profile alors la Guerre froide et qu’il n’est pas question de permettre à l’Union soviétique de prendre pied dans la région qui contient les plus grandes réserves pétrolières avérées de la planète. A cet égard, les déclarations des responsables américains sont instructives dans la constante qu’elles révèlent par-delà les Administrations américaines. Comme le déclara en juin 1948, le secrétaire américain à la Défense de l’époque, John Forrestall : « L’Arabie doit désormais être considérée comme incluse dans la zone de défense de l’hémisphère occidental ». Avec le début de la Guerre froide, le nouveau président démocrate Harry Truman (1945-1952) se voulut plus explicite encore dans une lettre adressée à Ibn Saoud en date du 31 octobre 1950 : « Aucune menace contre votre royaume ne pourra survenir sans constituer un sujet de préoccupation immédiate pour les Etats-Unis ». Le changement d’Administration américaine avec le président républicain Dwight David Eishenhower (1952-1961) ne fit que confirmer ce grand deal. La « doctrine Ike » reposait plus que jamais sur l’idée cardinale selon laquelle on ne met pas en difficulté les alliés pétroliers du « Monde libre », ce qui revenait à leur assurer une sorte de garantie d’immunité, sinon d’impunité. C’est selon. Ces assurances américaines seront par la suite renouvelées par le président démocrate John Fitzgerald Kennedy (1961-1963) dans une lettre adressée à son successeur le roi Faysal, en date du 25 octobre 1963 : « Les Etats-Unis apportent leur soutien inconditionnel au maintien de l’intégrité territoriale de l’Arabie saoudite ». La base de cette alliance stratégique était encore résumée en ces termes à la fin des années 70 par Marshall Wylie, un diplomate américain : « Nous avons besoin de leur pétrole et eux de notre protection ». Cette alliance stratégique fut formalisée en ces termes par le président démocrate Jimmy Carter (1977-1981) dans son discours sur l’Etat de l’Union du 23 janvier 1980 : «Toute tentative, de la part de n'importe quelle puissance étrangère, de prendre le contrôle de la région du golfe Persique sera considérée comme une attaque contre les intérêts vitaux des Etats-Unis d'Amérique. Et cette attaque sera repoussée par tous les moyens nécessaires, y compris la force militaire ». On ne pouvait être plus clair. Le fait est qu’à l’époque, les Américains ne se préoccupaient pas véritablement du fait que le royaume saoudien n’était pas précisément un modèle de régime démocratique. Et ce, d’autant moins que les Etats-Unis allaient largement utiliser à leur profit les deux qualités essentielles faisant de ce royaume un partenaire stratégique indispensable, deux qualités qui se combinaient alors opportunément : la première résidait dans le fait que ce régime ultra-conservateur sur le plan politique et religieux était apparu en mesure de faire obstacle à la vague montante, dans les années 50-60, du « nationalisme arabe » à caractère républicain. Lequel s’exprima sous une forme résolument anti-colonialiste d’abord - notamment avec le panarabisme « socialisant » de Gamal Abdel Nasser en Egypte -, puis anti-impérialiste ensuite, ce qui ouvrait une « fenêtre d’opportunité » inespérée au développement de l’influence soviétique dans la région[2] ; la seconde résidait dans le fait que le royaume d’Arabie saoudite - ce « royaume des sables » transformé par les grâces de la géologie en caricature de « Pays de l’Or noir », faisant de lui la « banque du pétrole », puisqu’il était, et est toujours quoiqu’on en dise parfois, doté des plus grandes « réserves prouvées » aisément accessibles de la planète[3] ce qui lui confère le statu de swing-producer (« producteur-pivot ») de l’OPEP -, disposait des moyens financiers idoines pour ce faire, les fameux « pétro-dollars ». Ces derniers allaient lui permettre de financer sa politique « réactionnaire » au premier sens du terme, en favorisant hors du royaume - lequel se trouve être historiquement le « berceau » du wahhabisme[4] - le développement d’une idéologie islamiste rétrograde dont le salafisme[5] constitue en quelque sorte le produit d’exportation.

De fait, il s’agit pour Riyad d’étendre l’influence saoudienne au-delà même du monde arabe selon le principe du daawa wal irchad (« prosélytisme et propagation de la foi », d’obédience exclusivement wahhabite, cela va sans dire). Cette forme d’islamo-salafisme peut prendre une expression particulièrement virulente lorsque les circonstances historico-politique lui offrent l’opportunité de se projeter à l'extérieur du Dar al islam (« Monde de l'islam ») dans le Dar al Harb (« Monde de la guerre ») à travers une logique spécifiquement djihadiste. A cet égard, le djihad anti-soviétique en Afghanistan au début des années 80 est emblématique d’une dynamique qui, en pleine Guerre froide, converge alors avec les intérêts américains. Le président américain Ronald Reagan qualifiera d’ailleurs les moudjahidines (« combattants de la foi ») de « combattants de la liberté » ceux qui allaient mener le djihad en Afghanistan largement financé par les « pétro-dollars » saoudiens. Au début des années 80, les recettes saoudiennes passèrent de quelque 65 milliards de dollars à près de 135 milliards en 1981[6]. Riyad offrait quasi-gratuitement des billets d’avion à ceux qui - comme un certain Oussama Ben Laden - manifestaient la velléité d’aller combattre l’Armée rouge en Afghanistan, cette dernière s’épuisant durant près d’une décennie avant d’entamer un piteux retrait en 1988. On retrouve encore l’Arabie saoudite lorsqu’elle convient avec les Etats-Unis de faire délibérément plonger, en août 1986, les cours du brut en ouvrant les vannes pour affaiblir l’Union soviétique, certes gros producteur d’hydrocarbures, mais simultanément gros consommateur, ce qui signifie que ses ressources étaient fortement dépendantes de ses ventes de produits énergétiques. Or, en l’espace de six mois, le prix du brut passa de 28 dollars le baril à seulement 9 dollars pour stagner ensuite autour de 15 dollars[7]. Les prix de vente baissant brutalement, Moscou avait comme alternative soit de diminuer les achats effectués à l’étranger (notamment en termes d’équipement industriel) afin de rétablir une balance fortement déficitaire, soit de prélever sur la consommation interne de pétrole pour accroître les ventes en volume afin de préserver ses parts de marché. Dans les deux cas, l’économie soviétique ne pouvait être que pénalisée. Ce qu’elle fut effectivement. Cela contribua largement à accélérer l’effondrement du système soviétique en tant que tel, tout simplement parce que Moscou n’avait plus les moyens de ses ambitions[8]. Ce contexte géopolitique favorable permettait dans le même temps à l’Arabie saoudite de poursuivre la diffusion d’une forme de sunnisme radical - l’islamo-salafisme - au niveau de la Oummah (« Communauté musulmane ») au sein de laquelle il constituait plutôt l’exception que la règle. Le problème posé par les attendus spécifiques de la politique saoudienne n’apparaîtra que par la suite, en différé si l’on peut dire. C’est ce que les Anglo-saxons appellent le blowback (« effet retour »). D’une certaine manière, le solde d’une certaine « naïveté », sinon d’une certaine « indulgence » américaine interviendra avec les attentats du 11 septembre 2001, perpétrés par l’organisation d’Al-Qaïda fondée par Oussama Ben Laden : cette organisation islamo-terroriste apparaît en quelque sorte comme le sous-produit « monstrueux » de cette forme de sunnisme extrémiste promu par l’Arabie saoudite dès la fondation du royaume en 1932 grâce à la corne d’abondance des « pétro-dollars ».

A quelle hauteur l'Arabie saoudite a-t-elle contribué à financer le développement du wahhabisme ? Quels moyens ont été employés et quel était alors le but recherché ? Sa créature lui a-t-elle échappé ou faut-il y voir une certaine forme de duplicité ?

La promotion de l’obédience wahhabite par le régime saoudien est consubstantielle à l’identité du royaume. L’Arabie saoudite a, de fait, toujours préféré plutôt mettre l’accent sur l’unité de la Oummah musulmane subsumée par al-Hakamiyya, une « souveraineté » fondée directement par le Coran, et promouvoir une forme inédite de « panislamisme » induite par la garde saoudienne des « lieux saints » que sont La Mecque (Makkah Al-Mukkaramah, littéralement la « ville sainte » en arabe), et Médine (Al-Madinah Al-Munawarah, littéralement en arabe la « ville illuminée »), également connue sous l’appellation de Al-Madinah al-Nabi (« la ville du Prophète »), même si ce monopole n’est pas toujours du goût de tous les croyants qu’ils soient sunnites ou chiites d’ailleurs. Dès 1956, le prince et futur roi Fayçal déclarait que « l’islam [dans sa variable wahhabite exclusive évidemment, NDA] devait être au centre de la politique étrangère du royaume ». Cette stratégie recoupait également des intérêts plus triviaux. N’entendant pas vraiment partager avec les autres pays arabes le pactole pétrolier fourni par les plus grands gisements du Moyen-Orient, la dynastie saoudienne a ainsi récusé l’idéologie de l’unité arabe défendue par Gamal Abdel Nasser, et proclamé en revanche de manière ostensible le projet islamique d’unité de tous les musulmans, une entreprise démesurée qui, comme le souligne Yves Lacoste, a l’avantage procrastinant de ne pouvoir se réaliser dans l’immédiat.     Le fait est qu’à l’origine, c’est bien directement pour contrer les tendances vues de Riyad comme dangereusement « révolutionnaires » de la Ligue Arabe pétrie de cet « arabisme unitaire » qui effrayait tant les Saoudiens, que le prince Fayçal avait organisé, en mai 1962, un « sommet islamique » à La Mecque. Lequel se présentait comme une réponse au « nationalisme arabe » et, pour ce faire, cherchait à étendre l’influence saoudienne au-delà précisément du « monde arabe », selon le principe susmentionné du daawa wal irchad (« prosélytisme et propagation de la foi »).

Dans le prolongement direct de cette conférence, Fayçal allait patronner fin 1962 - soit au plus fort de la rivalité qui l’opposait alors au « nationaliste » égyptien, le président Gamal Badel Nasser (1956-1970), lequel appelait ouvertement au renversement de la monarchie saoudienne en déclarant que « Les Arabes devraient commencer par libérer Riyad avant de libérer Jérusalem » - la fondation d’une « Ligue du monde islamique » ou « Ligue islamique mondiale » (Al Rabita al-Islamiya al-‘Alamiya). Elle est plus connue aujourd’hui sous l’acronyme LIM, dont la Charte se trouva adoptée le 15 décembre 1962 et le siège établi à La Mecque. Sur fond de danger « nassériste », considéré dans sa double modalité socialiste et laïque, la LIM avait vocation à lutter contre toute forme de velléité à caractère « révolutionnaire ». Elle trouva son complément dans l’« Organisation de la Conférence islamique », instance politique composée des chefs d’Etats et de leurs représentants, créée à Rabat en septembre 1969 et dont le siège se trouve également à Djeddah, en Arabie Saoudite. Par-delà les apparences, la plus importante des deux n’est pas forcément celle que l’on croit. La LIM a statut d’ONG, mais elle est bien plus que cela. Financée dès l’origine par l’ARAMCO (Arabian-American Oil Company) - la compagnie pétrolière initialement américano-saoudienne - ou des institutions financières islamiques comme la Faysal Finances ou la banque al-Baraka[9], elle s’est d’emblée officiellement voulue une organisation religieuse chargée de propager le message de l’islam via une assistance matérielle et culturelle aux autres pays musulmans. Mais, en raison de la très forte implication saoudienne, l’islam qu’elle promeut est naturellement un islam très largement d’obédience wahhabite, ce qui en a fait un instrument discret mais très efficace, sinon redoutable, de la diplomatie « religieuse » saoudienne. Tout en apportant une aide matérielle importante - grâce à la manne des « pétro-dollars »[10] - la LIM affiche sa vocation, sinon son ambition, « spirituelle » face aux minorités musulmanes établies hors du monde islamique, laquelle se traduit notamment par la formation des imams, le financement des mosquées, ou l’édition de milliers d’exemplaires du Coran. Mais l’activité de la LIM a également une dimension plus spécifiquement « théologico-politique », voire « politique » tout court : ainsi de la demande faite dans les années 70 à la France d’accorder l’indépendance à Djibouti, indépendance devenue effective en 1977 ; ou de la dénonciation virulente de l’invasion soviétique en Afghanistan suivi de l’appui circonstancié aux moudjahidines afghans ; ou encore du soutien aux Musulmans bosniaques contre les Serbes et les Croates en ex-Yougloslavie entre 1993 et 1995 ; voire du soutien à la résistance des moudjahidines tchétchènes stigmatisés par Moscou comme « wahhabites » - est-ce un hasard - depuis le lancement en 1994 de la première guerre de Tchétchénie par le pouvoir russe post-soviétique jusqu’à ses prolongements caucasiens actuels. Cet activisme prosélyte a, depuis longtemps, fait l’objet d’accusations récurrentes, de la part de nombreux pays, de soutien financier à des groupes islamistes liés à des organisations terroristes[11]. La LIM s’en est évidemment toujours vigoureusement défendu allant jusqu’à condamner catégoriquement le terrorisme en juin 1993, mais sans véritablement convaincre[12]. En effet, l’argument traditionnel des Saoudiens, consistant à expliquer qu’ils n’ont aucun contrôle sur les « financements privés » des fidèles, apparaît difficilement recevable du fait de la symbiose existante entre le pouvoir saoudien et les instances de la Ligue dont tous les principaux dirigeants sont saoudiens. Les statuts de la LIM stipulent d’ailleurs que son secrétaire général doit être de « nationalité saoudienne ».

Longtemps, les dirigeants saoudiens ont fait la sourde oreille aux requêtes émanant des pays occidentaux mais également arabes de cesser de financer nombre de mouvements islamistes bénéficiant de la manne de la LIM. Après les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, mais peut-être surtout après la vague d’attentats terroristes qui ont touché le royaume saoudien dans les années 2003-2004, Riyad a un temps adopté une attitude moins complaisante, à défaut d’accepter de revoir totalement sa « politique islamique » qu’elle estime être consubstantielle de son identité étatique. Et c’est probablement là une grande partie du problème. On en prend la mesure avec l’activisme de l’« Assemblée mondiale de la jeunesse musulmane » également connue sous l'acronyme WAMY (World Assembly of Muslim Youth), créée à Djeddah en 1972 avec l'objectif explicite d'éduquer la jeunesse selon les préceptes de l'« islam  authentique », c'est-à-dire du rigorisme wahhabite, cela va sans dire pour le régime saoudien. Outre le fait qu’elle doit être objectivement considérée comme un organe de propagande wahhabite, la WAMY est soupçonnée, tout comme d'autres ONG saoudiennes dépendant de l'association des organisations caritatives musulmanes, de favoriser le transit de fonds destinés à la lutte armée ou au terrorisme sous couvert d’aide humanitaire. Sa littérature prosélyte a été accusée de comprendre des documents incitant à l’impérialisme islamique, à la haine au voire au djihad armé[13].

Quels mouvements ont pu se développer dans ce sillage ? L'Arabie saoudite n'est-elle finalement pas la principale coupable, ou du moins la principale complice, du terrorisme islamique ?

Il y a une sorte de schizophrénie de la part de l’Arabie saoudite quant à la question de l’islamisme radical, qui tient pour partie au dualisme intrinsèque du salafisme qu’il promeut idéologiquement, comme a pu le souligner Gilles Kepel[14]. Il existe en effet une forme de « salafisme cheikhiste » et une forme de « salafisme djihadiste » qui constituent en quelque sorte les deux faces d’un même janus salafiste. Le « salafisme cheikhiste » impliquant le respect de l’autorité traditionnelle du cheikh ne pose a priori pas de problème en interne. Le fait est que les salafistes qui sont par principe « légitimistes » sur le plan politique, ont toujours manifesté la plus grande réticence à développer un « parler politique », quand ils ne sont pas résolument opposés à s'inscrire dans une logique « électorale » en ce qu'elle est susceptible de favoriser la fitna (« division », « conflit », « sédition »), une caractéristique qui les distingue précisément de l’islamisme plus spécifiquement politique de la confrérie des Frères musulmans (Jamiat al-Ikhwan al-muslimin, littéralement Association des Frères musulmans). Les salafistes sont néanmoins volontiers disposés à s’engager pour mener le djihad dans le Dar el Harb (« Monde la guerre »), en contrepoint de leur refus « légitimiste » de contester les pouvoirs en place au sein du Dar el islam (« Monde de l’islam »), ce qui ne peut que convenir à des régimes ultra-conservateurs comme les pétro-monarchies du CCG en général, et l’Arabie saoudite en particulier. Le problème pour ces régimes surgit lorsque ce « salafisme djihadiste » d’exportation mute sous la forme interne d’un djihado-terrorisme, comme ce fut le cas avec le retour des « Arabes afghans » dans leur pays d’origine, dont un certain Oussama Ben Laden. Après le retrait de l’Armée rouge en 1989, Oussama Ben Laden était rentré en Arabie saoudite où il avait vécu en direct le traumatisme de l’arrivée des troupes américaines sur le horm[15] et avait commencé à critiquer sévèrement la « maison royale » qu’il accusa ouvertement de « décadence occidentale », du fait de son alliance taghout (« impie ») avec les Etats-Unis. A l’occasion d’un long entretien accordé en 2001 au grand reporter Robert Fisk, Oussama Ben Laden s’était fait plus précis encore à propos de la dynastie Al Saoud : « Le régime a démarré sous la bannière de l’application de la charia [la loi islamique], et, sous cette bannière, tout le peuple d’Arabie saoudite est venu aider la famille saoudienne à prendre le pouvoir. Mais Abdelaziz [Ibn Saoud] n’a pas appliqué la charia ; le pays a été créé pour sa famille. Puis, après la découverte du pétrole, le régime saoudien a trouvé un nouvel appui - l’argent - pour enrichir le peuple, lui offrir les services et la vie qu’il voulait et le contenter ».

Pour Ben Laden, l’année 1990 fut, sans mauvais jeu de mots, à marquer d’une « pierre noire » : « Quand les troupes américaines ont pénétré dans le pays des deux lieux saints, les Oulémas [« docteurs de la foi » musulmane] et les étudiants de la charia ont protesté vigoureusement dans tout le pays contre l’intervention des soldats américains. Le régime saoudien, en commettant la grave erreur d’inviter les troupes américaines, a révélé sa duperie. Il a apporté son soutien à des nations qui combattent les musulmans. Ils [les Saoudiens] ont aidé les communistes yéménites contre les Yéménites musulmans du sud - la famille Bin Laden est originaire du Yémen - et ils aident le régime d’Arafat à combattre le Hamas. Après avoir insulté et emprisonné les Oulémas, le régime saoudien a perdu sa légitimité ». Ben Laden estimait qu’une grande trahison s’était produite : « Le peuple saoudien se souvient maintenant de ce que lui ont dit les Oulémas, et il s’aperçoit que l’Amérique est la principale cause de ses problèmes. L’homme de la rue sait que son pays est le plus gros producteur de pétrole au monde, et pourtant il subit des impôts et ne bénéficie que de mauvais services. Le peuple comprend maintenant les discours des Oulémas dans les mosquées - selon lesquels notre pays est devenu une colonie américaine. Il agit avec détermination pour chasser les Américains d’Arabie saoudite […] Les Saoudiens savent maintenant que leur véritable ennemi est l’Amérique »[16]. Le vers était dans le fruit.

C’est ce qui aurait poussé Riyad à passer un deal avec Oussama Ben Laden, à la faveur d’une rencontre organisée en 1991 entre le chef d’Al-Qaïda et le prince Turki Al-Fayçal[17] lorsque ce dernier était encore l’omnipotent chef du GID (services secrets saoudiens) : en contrepartie d’une somme de quelque 200 millions de dollars destinée à financer le djihad, il aurait été demandé et obtenu de Ben Laden, alors autorisé à quitter l’Arabie saoudite, de ne pas importer ce même djihad au sein du royaume saoudien, laissant en revanche une entière liberté d’action au fils prodigue pour aller semer la tempête aux quatre coins du monde[18]. Ce deal a toujours fait l’objet des plus vifs démentis de la part du principal intéressé saoudien mais il poursuit encore la réputation sulfureuse du Prince Turki al-Fayçal. Si pacte il y eut il devint bel et bien caduque avec la vague d’attentats des années 2003-2004 imputés à Al-Qaïda.

La menace sur le royaume n’a pas disparu depuis et elle connaît un regain de vigueur inédit avec l’apparition de l’« Etat islamique » officiellement établi le 29 juin 2014[19], lequel a largement pris le relais d’une Al-Qaïda pour partie supplantée par sa redoutable concurrente djihadiste. On retrouve la même schizophrénie que précédemment si l’on considère que, dans un premier temps, l’EILL (« Etat islamique en Irak et au Levant ») devenu depuis l’« Etat islamique », a probablement bénéficié d’une certaine complaisance de la part des pétro-monarchies en général, voire de l’Arabie saoudite en particulier via la politique planifiée par le prince Bandar devenu chef d'Al Mukhabarat Al A'amah ou General Intelligence Directorate (GID) selon l’acronyme anglo-saxon, c’est-à-dire les services de renseignements du royaume, le 19 juillet 2012 jusqu'à son retrait sur décision royale le 15 avril 2014. L’EIIL, en effet, représentait un potentiel de déstabilisation avéré contre le régime alaouite - une secte dérivée du chiisme - du président Bachar al-Assad en Syrie et du gouvernement chiite pro-iranien de l’ancien Premier ministre Nouri al-Maliki en Irak. C’est certainement ce qui fait que cette organisation djihado-terroriste ait pu faire l’objet de financements de la part de certains « généreux donateurs privés » du Golfe ainsi que l’on qualifie souvent les initiateurs de ces fonds, afin éviter d’avoir à mettre éventuellement en cause les Etats en tant que tels. Mais cette complaisance fautive initiale risque d'avoir un coût, car aujourd’hui l’« Etat islamique » est devenu une sorte de créature de Frankenstein qui proclame ouvertement son ambition d’expansion territoriale sur une large échelle du Proche et du Moyen-Orient arabo-musulman et de renverser les régimes stigmatisés comme « corrompus » de ces pétro-monarchies. La pression se fait d’ores et déjà sentir sur les frontières régionales. La menace n’épargne plus le royaume d’Arabie saoudite, pourtant siège des « deux lieux saints » que sont La Mecque et Médine, puisque l’« Etat islamique » par la voix d’un responsable de l’organisation, un certain Abou Tourab Al Mugaddasi, est allé rien moins que jusqu’à prôner la destruction de la Kaaba (« la Pierre noire »)[20] de la Mecque et de « tuer ceux qui adorent la pierre ». Et ce au motif que la vénération de cette « Pierre noire » qui faisait l’objet d’un culte pré-islamique renverrait au péché du Shirk (« associationnisme »), c’est-à-dire à une séquelle du polythéisme : « Si Allah le veut, nous allons tuer ceux qui adorent des pierres à la Mecque et détruire la Kaaba. Les gens vont à la Mecque pour toucher les pierres, pas pour Allah »[21].

Cette logique stricto sensu iconoclaste a de fait déjà été mise en pratique dans les territoires soumis à leur emprise de l’« Etat islamique ». Ainsi ce dernier avait-t-il ordonné la destruction, le 24 juillet 2014, la tombe du prophète Jonas, un vaste complexe dans l’Est de Mossoul qui s’élève sur le lieu d’une ancienne église et d’un ancien château, considéré comme l’endroit où fut enterré Younous (Jonas), un prophète juif révéré également par les chrétiens. L’endroit était administré par un ordre soufi auquel les salafistes s’opposent souvent violemment. Il avait déjà fait l’objet d’un attentat en 2010, mais n’avait été que légèrement endommagé. Le site de Jonas, situé sur une hauteur, fut longtemps appelé Tall al-Tawba, la « colline du repentir ». Le même jour, un autre lieu de culte (la mosquée de l’imam Aoun Bin Al-Hassan) avait également été détruit alors que le mausolée du prophète Daniel se trouvait bombardé. Les mausolées sont considérés comme une déviance de l’islam, en particulier ceux des Chiites, à propos desquels l’article 10 de la même charte interdit désormais toute manifestation publique - les cérémonies de l’Achoura, notamment -, au prétexte qu’elles sont contraires à l’islam[22].

A cet égard, il n’est pas anodin de rappeler que parmi les croyances contre lesquelles le wahhabisme lutte farouchement, il y a notamment ce qui relève du tawassoul, une forme d’invocation qui consiste à solliciter l’intercession d’un prophète ou des saints (awlias) pour se rapprocher davantage de Dieu. C’est ce qui conduit les Wahhabites à vouloir détruire tout lieu de culte qui pourrait éventuellement amener les croyants à adopter des pratiques relavant du péché du shirk susmentionné, et donc du polythéisme. La première destruction importante de sites s’était déroulée en 1806 lorsque les Wahhabites avaient occupé Médine une première fois. Ils avaient alors saccagé  le Baqi’, ce cimetière qui contenait les restes des figures principales de l’Islam des origines. Plus tard, après avoir de nouveau pris le contrôle des villes saintes, les Wahhabites avaient détruit, en avril 1925, les tombes des compagnons du prophète et dispersé leurs restes pour éviter toute forme de vénération jugée contraire à l’islam authentique. Ils n’étaient pas allés jusqu’à le faire pour celle du prophète lui-même.

Un plan visant à déplacer la tombe du Prophète située dans la mosquée de Médine, le deuxième lieu saint de l’islam, et à transporter son corps dans un cimetière voisin serait pourtant envisagé aujourd’hui[23]. C’est du moins ce que préconiserait un rapport de 61 pages qui circule entre les mains des responsables en charge du lieu saint. La mosquée du Prophète, Masjid Al-Nabawi, à Médine, qui renferme la tombe de Mohammed, attire chaque année des millions de visiteurs musulmans. Le corps du Prophète, selon le document, pourrait être déplacé dans le cimetière voisin d’al-Baqi, et placé dans une tombe anonyme, pour éviter tout recueillement jugé inconvenant. Plusieurs membres de la famille de Muhammad reposent déjà dans ce cimetière. En 1924 déjà, toutes les inscriptions des tombes avaient été retirées, pour que les pèlerins ne sachent pas où ils sont enterrés, et qu’ils ne prient pas sur leurs tombes. Le père du Prophète y avait été déplacé dans les années 70. Le document recommanderait aussi de retirer le « Dôme vert », surplombant la tombe et les chambres qui l'entourent. Ces dernières, utilisées par les femmes et les filles du Prophète, devraient aussi être détruites, pour les mêmes raisons. Ces pièces attenantes sont pourtant particulièrement vénérées par les chiites en raison de leur lien particulier avec Fatima, la plus jeune des filles de Mohammed et épouse du calife Ali. Les mausolées étant, pour cette raison, considérés comme une déviance de l’islam, en particulier ceux des Chiites, c’est sans doute ce qui sous-tend l’édiction de l’article 10 de la « charte » de l’«  Etat islamique » diffusée fin juin 2014, laquelle interdit désormais toute manifestation publique - les cérémonies de l’Achoura, notamment -, au prétexte qu’elles seraient contraires à l’islam[24].

Ce type de règlement ne dépare donc pas tellement avec la doctrine du fondateur de l’actuelle obédience saoudienne, à savoir Ibn Abdal Wahhab, lequel était marqué par une forme dangereuse d’intransigeance « purificatoire ». Selon lui, tout ce qui n’est pas explicitement autorisé (halal) sur le plan religieux devait être, dans le doute, résolument interdit (haram). Dès lors, la musique allait être strictement bannie comme elle l’est par l’« Etat islamique » dans les territoires qu’il contrôle. Le Kitab Al Tawhîd[25] (le « Livre de l’Unification ») du théologien Ibn Abdal Wahhab constitue en l’espèce la base de la doctrine qui fait toujours aujourd’hui office de religion d’Etat en Arabie saoudite. Le Kitab, écrit vers 1840, va jusqu’à déconseiller aux mosquées de s’orner de minarets au motif que ces derniers risquent d’apparaître comme des éléments décoratifs inutiles risquant de distraire les croyants[26]. Cela pouvait également renvoyer au fait que les minarets étaient inconnus au temps du Prophète et que leur érection aurait alors renvoyé à une forme de bida (« innovation »).

Ibn Abdal Wahhab était intimement persuadé d’avoir été investi d’une mission, celle de purifier l’islam de ses dérives « hérétiques », sinon « idolâtres ». Voilà pourquoi le Wahhabisme serait en mesure de prôner pour la première fois dans l’histoire de l’islam le djihad contre d’autres musulmans, en les dénonçant comme « hérétiques », voire « adorateurs d’idoles » (Mushrikun en arabe, stricto sensu « associant », nom donné aux païens dans le Coran[27]). Il s’estimait en droit de prendre des fatwas[28] (« décrets religieux ») takfiristes, c’est-à-dire jetant l’anathème et prônant l’excommunication (en référence au mot arabe takfîr, littéralement « anathème », « excommunication » qu’on retrouve aujourd’hui dans la terminologie djihadiste d’une organisation comme l’« Etat islamique », c’est-à-dire pouvant aller jusqu’à condamner d’autres musulmans à mort - au premier rang desquels les Chiites - , en stigmatisant comme Kouffar [pluriel de kafir signifiant « infidèle »] tous ceux qui refuseraient de s’aligner sur cette doctrine qui a, d’une certaine façon, servi de fondement à l’actuelle idéologie takfiriste très en vogue chez la plupart des djihadistes contemporains.

Pourquoi le pays reste-t-il alors invariablement un allié des Etats-Unis ? Les avantages sont-ils vraiment supérieurs aux inconvénients qui apparaissent pourtant considérables pour ces derniers ? La diminution de la dépendance américaine par rapport au pétrole saoudien, et le rapprochement avec l'Iran peuvent-ils changer la donne ?

L’Arabie saoudite demeure officiellement un allié stratégique des Etats-Unis, même si les attentats du 11 septembre perpétrés par une vingtaine d’« islamikazes », dont 15 d’origine saoudienne, ont sans doute constitué un tournant dans cette relation finalement ambivalente. Le syndrome d’une saudi-connection plane toujours comme une « ombre portée » sur cette relation. Les 28 pages non-déclassifiées du « Rapport final de la commission nationale sur les attaques terroristes contre les États-Unis » publié le 22 juillet 2004[29] le prouvent également. Mais le « pacte du Quincy », qui avait scellé une alliance de 50 ans qui arrivait à échéance en 2005, aurait été reconduit de nouveau pour cinquante ans, même si on ignore si les clauses sont identiques. Le fait est que, depuis le 11 septembre, c’est l’extrémisme sunnite qui est devenu l’ennemi fondamental pour les Etats-Unis, qu’il prenne le nom d’Al-Qaïda ou d’« Etat islamique ». Or, il n’est pas anodin de relever la supposée gaffe commise par l’actuel VIP (vice-président) américain Joe Biden au forum de John Kennedy Jr de l'université de Harvard, dans l'Etat du Massachusetts, à l’occasion de sa conférence sur « La politique des Etats-Unis au Moyen-Orient ». Lors de son allocution du 3 octobre 2014, Joe Biden a stigmatisé des « alliés arabes et musulmans pour leur implication directe avec les terroristes en Syrie, y compris les militants d’Al-Qaïda ». Il a souligné : « Notre plus gros problème était dans nos alliés dans la région. Les Turcs sont de grands amis, ainsi que les Saoudiens et les résidents des Emirats Arabes Unis et autres. Mais leur seul intérêt était de renverser le président syrien Bachar al-Assad et pour cela ils ont mené une guerre par procuration entre les Sunnites et les Chiites et ils ont fourni des centaines de millions de dollars et des dizaines de milliers de tonnes d'armes à tous ceux qui acceptent de lutter contre al-Assad ». Et de poursuivre : « Mais les gens qui ont reçu ces sommes et ses armes étaient des militants du Front al-Nosra et d’Al-Qaïda sans compter d'autres éléments extrémistes venant d'autres régions du monde. Pensez-vous que j'exagère ? Regardez le résultat » [avec l’émergence de l’« Etat islamique » qu’il faut désormais combattre, NDA]. « Sauf que maintenant, nos alliés ont pris conscience de leur erreur et ont accepté de se joindre à la coalition antiterroriste dirigée par Washington » a tout de même ajouté le vice-président américain. En concluant : « Contre toute attente, chacun d'entre eux a compris ce qui se passait ». Le verbatim avait provoqué un tollé dans les capitales des pays concernés et il avait dû s’excuser. Deux jours après l’avoir fait auprès des Émirats arabes unis et de la Turquie le lendemain de sa prestation, le vice-président s’était senti obligé d’ appeler, le 7 octobre suivant, le ministre saoudien des Affaires étrangères, Saud al-Fayçal, pour s'excuser de sa gaffe diplomatique suggérant que l'Arabie saoudite ainsi que d’autres « alliés » avaient financé et armé des djihadistes en Syrie.

Ce n’était pas la première fois qu’une personnalité de premier plan stigmatisait les relations problématiques du royaume saoudien avec l’extrémisme musulman. Le site Wikileaks avait ainsi divulgué un message de Hillary Clinton, classé document secret, en date du 28 décembre 2009, et selon lequel : « Les donateurs d’Arabie Saoudite constituent la source la plus significative du financement du terrorisme sunnite à travers le monde dont les Talibans en Afghanistan et Lashkar-e-Taiba (LeT) au Pakistan. Elle qualifiait même l’Arabie Saoudite de « cash machine du terrorisme »[30]. C’est dire.

Ce type de déclaration pourrait traduire une évolution sans doute progressive mais profonde de la politique américaine vis-à-vis de Riyad, précisément pour cette raison. Cela tient peut-être en partie au fait que les Etats-Unis ont moins besoin du pétrole saoudien que ce n’était le cas auparavant.

L’AIE (Agence internationale de l’énergie) a officiellement déclaré, en octobre 2014, les Etats-Unis comme étant désormais le plus grand producteur de pétrole brut et de gaz naturel, détrônant ainsi l'Arabie saoudite, leader historique. Ce passage de témoin au sommet de la hiérarchie des producteurs d'hydrocarbures liquides serait en réalité effectif depuis avril dernier, mois au cours duquel les Etats-Unis ont produit 11,58 millions de barils par jour (mbj) contre 11,31 mbj pour l'Arabie saoudite, selon les dernières données révisées de l'AIE. En mai, juin, juillet, août et septembre, les Etats-Unis ont produit respectivement 11,57 mbj, 11,85 mbj, 11,71 mbj, 11,78 mbj et 11,97 mbj. L'Arabie saoudite a, quant à elle, produit ces mêmes mois, 11,44 mbj, 11,499 mbj, 11,75 mbj, 11,44 mbj et 11,47 mbj. Ce boom de l’énergie américain est dû à l’exploitation du gaz de schiste, qui a provoqué une véritable révolution économique dans des États comme le Texas et le Dakota du Nord.

C’est dans cette configuration inédite qu’il convient de s’interroger sur l’actuelle politique pétrolière menée par l’Arabie saoudite. Riyad a en effet décidé d’assumer l’idée d’un baisse des cours du brut en ouvrant délibérément les vannes en septembre ce qui revient a augmenter sa production, en même temps qu’il a réduit les prix pratiqués vis-à-vis de ses clients en Asie. Les Saoudiens ont ostensiblement déclaré qu’ils pouvaient envisager un cours du pétrole à 90 dollars le baril, et même à 80 dollars le baril pour les deux prochaines années, voire un prix du baril oscillant entre 50 dollars et 60 dollars pour ses clients asiatiques et nord-américains. L’objectif non-déclaré serait de pénaliser économiquement les deux gros producteurs que sont la Russie d’une part, et l’Iran d’autre part, pour cause de soutien indéfectible aux régimes chiites ou assimilés de de Bachar al-Assad en Syrie et du gouvernement de Bagdad avec en arrière-plan la crise sur le nucléaire iranien[31]. Mais derrière ce jeu baisser, existe peut-être aussi le mobile caché pour Riyad d’hypothéquer la potentielle indépendance énergétique des Etats-Unis susceptible d’intervenir avant 2030 en devenant même exportateur net de brut, selon la même AIE. Une éventualité qui inquiète au plus haut point Riyad dont le moyen de pression pétrolier serait alors considérablement dévalué stratégiquement parlant. Le prince milliardaire Walid bin Talal, dans une déclaration en date du 28 juillet 2014, considère de fait que l’exploitation de ces hydrocarbures non-conventionnels « constituait une menace pour l’économie saoudienne » et justifierait une plus grande diversification interne. La rentabilité des gaz et pétrole de schistes exploité aux Etats-Unis implique, en effet, un cours oscillant autour de 70 dollars. Le jeu en vaudrait la chandelle pour Riyad même si le même prince Walid bin Talal estime que cette politique risque d’être catastrophique pour le royaume[32].

Comme le souligne le chercheur Bruno Tertrais de la FRS (Fondation de la Recherche Stratégique) : « Un cycle stratégique d’une décennie s’est conclu fin 2011, avec la mort d’Oussama ben Laden et le retrait des dernières forces américaines d’Irak. Quelques mois plus tard, les Etats-Unis ont annoncé qu’ils allaient ‘rééquilibrer’ leur stratégie vers l’Asie. Derrière ces événements géopolitiques très médiatisés, une autre évolution majeure, moins visible, est en cours : la réduction rapide de la dépendance énergétique des Etats-Unis vis-à-vis de l’étranger. Pris ensemble, ces trois événements annoncent une ère stratégique nouvelle ». Les Etats-Unis continueront sans doute « d’être engagés fortement dans la sécurité de la région [du Golfe]. Mais ils le seront sans doute plus librement que cela n’a été le cas durant les quatre dernières décennies »[33]C’est ce qui est à l’œuvre aujourd’hui avec le « ré-engagement » américain dans une nouvelle guerre en Irak - la troisième en l’espace de trois décennies - cette fois contre l’« Etat islamique ». Mais cette nouvelle intervention  militaire se fait selon des modalités très différentes des deux premières, c’est-à-dire sans envoyer un corps expéditionnaire de plusieurs centaines de G.I.’s sur le théâtre d’opérations, même si la question de la nécessité ou non d’engager un certain nombre de soldats au sol demeure posée, nonobstant le No Boots on the Ground qui constitue le viatique du président Barack Obama. 


[1] L’alliance fut solennellement scellée lors de la fameuse rencontre effectuée, le 14 février 1945, sur le lac Amer entre Port-Saïd et l’embouchure du canal de Suez, au large de Djeddah, à bord du croiseur USS Quincy, entre le président Roosevelt et le roi Abdulaziz Ibn Saoud, plus connu sous le nom d’Ibn Saoud. Toujours est-il que cette alliance - stratégique s’il en est - a peu ou prou perduré jusqu’à aujourd’hui en dépit de sa mise à mal du fait des attentats du 11 septembre 2001, dont quinze des dix-neuf pirates de l’air kamikazes étaient de nationalité saoudienne. Elle est néanmoins moins étroite aujourd’hui malgré sa reconduction supposée en avril 2005, et ce d’autant moins que le développement des hydrocarbures non-conventionnels (pétrole et gaz de schiste) sont en passe d’assurer l’indépendance énergétique des Etats-Unis à l’horizon 2020, voire avant, ce qui dévalue stratégiquement l’alliance avec l’Arabie saoudite. C’est une marge de liberté inédite, sur le plan stratégique, dont les Américains pourront alors bénéficier.

[2] Moscou allait d’ailleurs nouer des liens avec nombre de pays arabes engagés dans ce processus : avec l’Egypte nassérienne (en 1964), avec les deux puissances « baathistes » que sont la Syrie (en 1966) et l’Irak (en 1972) ainsi qu’avec la République démocratique populaire du Yémen du Sud (en 1970).

[3] Elles sont estimées à quelque 270 milliards de barils, soit près d’un cinquième du total des réserves mondiales. Ces réserves étaient « officiellement » les plus importantes dans le monde jusqu'à ce que le Venezuela ait annoncé en janvier 2011 qu'il « réajustait » le niveau de ses réserves prouvées à 300 milliards de barils en intégrant les sables bitumeux. Mais il convient d’être prudent en la matière.

[4] L’histoire de l’Arabie saoudite est avant tout celle d’une alliance théologico-politique conclue au XVIIIème siècle entre deux familles, celle des Al-Saoud et celle du grand « réformateur » puritain Muhammad Ibn ‘Abd al-Wahhab (1703-1792), originaire de l’Arabie centrale et dont les descendants sont connus aujourd’hui comme Al Ach Shaykh, que l’on pourrait traduire par « Les descendants du Maître ». Le marché initial était clair et reste valable jusqu’à aujourd’hui : les Al Sa’ûd s’engageaient à éradiquer toute forme de pensée autre que le Wahhabisme qui prône une version « littéraliste » de l’islam sunnite sur leurs territoires, en échange de quoi le clergé wahhabite garantissait l’obéissance des fidèles au pouvoir saoudien. Les wahhabites refusent le plus souvent de se désigner comme tels. Ils affectionnent les termes de al-muwahhidûn (« Les Unitaristes » ou encore « Ceux qui croient en l’unicité de Dieu »), ahl al-Tawhîd (« Les gens de l’unicité divine »), ou as-salafiyûn (« Les Salafis »), en référence à ceux qui sont passés à la postérité comme les Salaf as-salih c’est-à-dire les « Prédécesseurs » ou « Ancêtres » que furent les « compagnons du Prophète » et des deux générations qui leur ont succédé, et dont les Salafistes actuels constitueraient l’ultime avatar. Ils se présentent parfois également sous l’appellation de ahl al-Sunna (« Le peuple de la Sunna »), respectueux des faits et paroles du Prophète consignés dans les recueils des hadiths du Prophète (littéralement « Parole véridique rapportant un événement ou décrivant une situation ») qui accompagnent l’existence des croyants en les invitant à suivre son exemple. Aussi se considèrent-ils plus simplement comme les seuls «  véritables » musulmans, ce qui ne peut pas manquer de poser problème concernant les autres musulmans ne relevant pas de cette obédience singulière.

[5] Le « salafisme », idéologiquement parlant, est à la base une mouvance particulière de l'islamisme qui procède stricto sensu d’une régression en ce qu’il prône un retour au premiers Temps de l'islam, supposé non corrompu par la bida (l'« Innovation », substrat de la « Modernité » conspuée). Il prend appui sur la plus rigoriste des quatre écoles juridiques musulmanes, celle de l’école juridique hanbalite de l’imam Bagdadi Ahmad ibn Hanbal (780-855) : L’obédience « Hanbalite » développée d’abord à Bagdad où ce dernier a vu le jour, a d’emblée suscité la controverse au sein du Califat abbasside. Le hanbalisme (hanâbila), opposé à toute « innovation juridique » (bid'a), n’admet comme « sources » du « droit » (fiqh) que le Coran et la Sunna. L’école hanbalite constitue la plus dogmatique et de la plus puriste des madhhabs de l’islam sunnite. C'est sur une interprétation très littérale et très rigide des textes sacrés que le Hanbalisme fonde sa jurisprudence (taqlîd). L’imam ibn Hanbal, dénonce les notions de « raisonnement analogique » (qiyâs) et logiquement d’« opinion personnelle », mais aussi de « consensus », voire d’ « intérêt public ». Pire encore, il conspue toute lecture « critique » du Coran, une démarche que le Calife abbasside al-Ma’mûm (814-833) encourageait pourtant ouvertement. Cette outrecuidance lui valut le fouet en place public et une peine d’emprisonnement, mais dans le même temps une certaine admiration, sinon une admiration certaine, d’une grande partie de la Oummah. Populaire en Irak et en Syrie jusqu’au XIVème siècle, la doctrine hanbalite se diffusa ensuite dans la Oummah par le biais d’un certain Ibn Taymiyya (1263-1328) qui en fit une arme de combat contre l’ « hérésie », la « corruption » supposée des Ulémas, les « ennemis » de l’Islam en général. Il fut le premier théologien musulman à frapper d’« apostasie » (takfîr) les conquérants mongols, ce qui le conduisit à se retrouver emprisonné pour trouble à l’ordre public. Ultérieurement, l’Empire ottoman, multinational et englobant de nombreux Juifs et Chrétiens, fit tout son possible pour marginaliser ce courant jugé déjà à l’époque extrémiste. Mais l’approche juridique hanbalite devait reprendre une vigueur nouvelle et insoupçonnée, au XVIIIème siècle, avec la montée en puissance du Wahhâbisme d’Arabie centrale. De fait, le mâdhhâb hanbalite est encore la doctrine juridique officielle de l’Arabie Saoudite actuelle.

[6] Cf. Antoine Basbous, L’Arabie saoudite en question : du wahhabisme à Ben Laden, Paris, Perrin, 2002

[7] Cf. Irène Commeau-Rufin, « L’énergie en URSS », in Politique étrangère, Vol.51, n°3, 1986, pp. 727-735.

[8] Lorsque le prix du baril baissait de 1 dollar, la perte nette pour Moscou s’élevait à quelque 500 millions de dollars par an. Entre novembre 1985 et mars 1986, les recettes d’exportation de l’Union soviétique avaient ainsi diminué de 5 milliards de dollars.

[9] Elle est aujourd’hui principalement abondée par La Faysal Islamic Bank, créée en 1977. Elle est elle-même une filiale de la DMI (Dar Al Maal Al Islami, c’est-à-dire la « maison de l’argent islamique »), créée le 29 juillet 1981 et basée à Cointrin en Suisse. Cette dernière fut longtemps considérée comme la structure centrale du financement par les Saoudiens de l’islamisme international. En 1982, une autre structure fut créée, la Dallah Al Baraka, avec les mêmes desseins.

[10] D’après diverses études, dont celles émanant du Département du Trésor américain, entre 1975 et 2002, l’Arabie saoudite aurait dépensé, dans le monde, au moins 70 milliards de dollars en aides diverses (et probablement plus si l’on tient compte des donations privées). Il est impossible de déterminer avec exactitude quelle part de cette manne a été divertie vers le financement de la mouvance du Djihad.

[11] Cf. Antoine Sfeir, Dictionnaire mondial de l’islamisme, Paris, Plon, 2002.

[12] Cf. Chjristopher M. Blanchard ; Alfred B Prados, Saudi Arabia : Terrorist Financing Issues, CRS Report for Congress, 14 septembre 2007 (http://fas.org/sgp/crs/terror/RL32499.pdf).

[13] Cf. à titre d'exemple : « Enseigne à nos enfants à aimer prendre leur revanche sur les Juifs et les oppresseurs, et enseigne-leur que nos jeunes libèreront la Palestine et  al-Qods [« Jérusalem », NDA] quand ils reviendront à l’Islam et feront le djihad au nom d’Allah ». Un autre document contient le passage « …d’armer la jeunesse musulmane d’une pleine confiance dans la suprématie du système islamique sur tous les autres systèmes ». Cf. Tawijhat Islamiya (Vues islamiques), 1991.

[14] Cf. Gilles Kepel, Fitna : guerre au cœur de l’islam, Paris, Gallimard, 2004.

[15] Les deux villes saintes de La Mecque et de Médine qui constituent aujourd’hui en Arabie saoudite deux « gouvernorats religieux » constituent une sorte de dyade religieuse indissociable sur le plan spirituel et en font un espace à part dans le Royaume saoudien même si, du fait de leur seule présence, c’est le Royaume tout entier qui est considéré comme « sacré » (le horm), y compris des régions tardivement rattachées à l’ensemble politique saoudien contemporain, au plus grand bénéfice politique du régime saoudien.

[16] Cf. « Oussama Ben Laden par Robert Fisk », in Le Monde, 19 septembre 2001, p. 13.

[17] La nouvelle était passée quasiment inaperçue avant le 11 septembre, mais elle était d’importance. Le Prince Turki Al-Fayçal avait été limogé le 31 août 2001, - deux semaines à peine avant le 11 septembre -, de son poste de chef de l’Istakhbarat, les services secrets saoudiens également connus sous l’acronyme anglo-saxon GID (General Intelligence Directorate). Turki Al-Fayçal Al Saoud, fils de feu le roi Fayçal et donc neveu de feu le roi Fahd, avait pourtant été depuis plus de vingt-cinq ans, l’un des personnages les plus importants du pouvoir saoudien.

[18] Cf. Gerald Posner, Why America Slept, New York, Random House, 2003.

[19] C’est nouvelle dénomination de ce qui se faisait appeler jusque-là et depuis le 9 avril 2013 l'« Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) ou encore ad-dawla al-islāmiyya fi-l-ʿirāq wa-š-šām (DAESH) en arabe, lequel avait lui-même remplacé l’« Etat islamique en Irak » (EII) initialement établi le 13 octobre 2006 sur les ruines d’Al-Qaïda en Irak (AQI) après la mort d’Abou Moussa Al-Zarqawi en juin 2006.

[20] La « Pierre Noire » : vénérée par les musulmans, c’est une météorite enchassée dans un cadre en argent à l'un des angles de la Ka’aba angle dit « de la pierre », dans la mosquée de La Mecque. La « Pierre Noire » est placée à proximité de l’unique porte d’accès de la Ka’aba à environ un mètre au-dessus du niveau du sol afin que les pèlerins puissent la toucher et l’embrasser, mais en se penchant en signe de soumission. On lui donne diverses origines légendaires. Parmi les « souvenirs » qu’Adam aurait ramené du Paradis, figurait un rocher précieux, blanc et brillant qu’il aurait fait enchâsser dans un des murs de la Ka’aba. C’est à force d’avoir été effleuré par les mains et les lèvres des croyants que ce rocher blanc à l’origine serait devenu la « Pierre Noire » en « déchargeant » les croyants de leurs péchés. Ce serait Abraham qui aurait fait transporter la « Pierre Noire » depuis une caverne des environs pour l'enchâsser dans un angle de la Kaaba afin de marquer le point de départ de la circumambulation déjà amorcée par Adam. Elle aurait été donnée à Ismaël, le fils d'Ibrahim, par l'ange Djibril-Gabriel. Allah aurait lancé la « Pierre Noire » depuis le Ciel sur La Mecque en gage de sa fidélité. La « Pierre Noire » fut dérobée au Xème siècle par les Qarmates, membres de la secte ismaélienne prêchant l’égalitarisme social. C’est en attaquant La Mecque, en 930, qu’ils parvinrent à emporter la « Pierre Noire » qui fut récupérée vingt ans plus tard contre une forte somme d’argent. Le cas de la « Pierre Noire » relève à bien des égards d’une manifestation de fétichisme car cette pierre ne symbolise en tant que telle strictement rien. A l’époque préislamique, elle était adorée pour elle-même. Dans les oasis du Nedj, on avait adoré l’idole des Banû Rabia avant que le Prophète ne se mette à prôner le monothéisme. D’abord adorée dans le temple de Rodha, cette idole des bédouins du Nedj avait ensuite été transportée dans la Kaaba de La Mecque. Aussi n’est-il pas étonnant qu’elle ait été foulée aux pieds par les Wahhabites. Enfin, il faut relever la « Pierre Noire » de la Ka’aba n’a pas toujours été – loin s’en faut même - la qibla des musulmans. Dans les premiers temps de l’islam, ils se tournaient, non pas vers la pierre-fétiche, mais vers Jérusalem, ville que le Prophète nommait parfois Bayt al-Maqdis (« Demeure du sanctuaire »). Jérusalem demeure d’ailleurs en tant que al Bayt al Muqaddas (« Demeure sainte ») ou al-Quds (« la Sainte ») la troisième « grande ville sainte » de l’islam après La Mecque et Médine. Ce n'est que lorsque Muhammad décida de consommer sa rupture avec le judaïsme – les juifs refusaient de se soumettre et s’étaient même alliés avec les Arabes encore païens - qu'il décida, en représailles, au mois de février 624 (peu après la bataille de Badr), d'ignorer désormais Jérusalem et exhorta ses disciples à prier en direction de La Mecque.

[21] C’est l’agence de Presse Azerie (APA) qui relaie l’information en citant des médias turcs selon lesquels l’« Etat islamique » aurait l’intention de prendre d’abord le contrôle de la ville d’Ar en Arabie Saoudite avant d’entamer des opérations hostiles au régime saoudien à partir de la frontière saoudo-irakienne. Cf. Ftouh Souhail, « Vers un fin proche de l’islam : l’EIIL a juré de détruire la Kaaba à la Mecque », on Dreuz.info, 12 juillet 2014 (http://www.dreuz.info/2014/07/vers-une-fin-proche-de-lislam-leiil-a-jure-de-detruire-la-kaaba-a-la-mecque).

[22] Cf. Jean-Pierre Perrin, « Les seize commandements de l'Etat islamique en Irak et au Levant », on Libération, 23 juin 2014 (http://www.liberation.fr/monde/2014/06/23/les-16-commandements-de-l-etat-islamique-en-irak-et-au-levant_1048158).

[23] Cf. Andrew Johnson, « Saudis risk new Muslim division with proposal to move Mohamed’s tomb », on The Independent, (http://www.independent.co.uk/news/world/middle-east/saudis-risk-new-muslim-division-with-proposal-to-move-mohameds-tomb-9705120.html).

[24] Cf. Jean-Pierre Perrin, « Les seize commandements de l'Etat islamique en Irak et au Levant », on Libération, 23 juin 2014 (http://www.liberation.fr/monde/2014/06/23/les-16-commandements-de-l-etat-islamique-en-irak-et-au-levant_1048158).

[25] Il est significatif que l’on retrouve cette terminologie aujourd’hui dans la dénomination de certains groupes terroristes islamistes comme le Tawhîd wal Jihâd (« Unicité et Guerre sainte ») de Mussab al-Zarquawi, groupe qui prêta allégeance à Al-Qaïda en octobre 2004, d’abord sous le nom Jama'at al-Tawhid wal-Jihad (« Groupe du monothéisme et du djihad») puis Tanzim Qaïdat al-Jihad fi Bilad al-Rafidayn (« Organisation de base du djihad dans le pays des deux fleuves » que sont le Tigre et l’Euphrate, correspondant à la Mésopotamie). En janvier 2006, le groupe avait annoncé la création du Conseil consultatif des Moudjahidines en Irak, puis en octobre 2006, de l’« Etat islamique » dont l’actuel « Etat islamique » se trouve être l’héritier direct.

[26] Cf. Stéphane Marchand, Arabie saoudite. La menace, Paris, Fayard, 2003.

[27] Le terme formé à partir de shirk (« association »), désigne l’attitude de ceux qui donnent des « associés » à Allah, voire plus grave encore, qui adorent des divinités ? ce qui explique qu’il finisse par désigner le « polythéisme » en général.

[28] Il s’agit ici d’une traduction libre. La fatwa est stricto sensu un avis juridique religieux délivré par une personne « autorisée », qu’elle soit faqih, Ouléma ou muftî. Mais il n’est pas doté d’un caractère contraignant dans la mesure où il constitue toujours le résultat d’une interprétation personnelle (ijtihad).

[29] Cf. « Le trou noir au cœur de la véritable histoire du 11 Septembre : mais que racontent les 28 pages consacrées à l'Arabie Saoudite et encore top secrètes de l'enquête du Congrès américain ? », on Atlantico.fr, 15 septembre 2014 (http://www.atlantico.fr/decryptage/trou-noir-au-coeur-veritable-histoire-11-septembre-mais-que-racontent-28-pages-consacrees-arabie-saoudite-et-encore-top-secretes-1748135.html).

[30] Cf. « US embassy cables: Hillary Clinton says Saudi Arabia 'a critical source of terrorist funding'», on The Guardian, 5 décembre 2010 (http://www.theguardian.com/world/us-embassy-cables-documents/242073?guni=Article:in%20body%20link).

[31] Cf. Nihan Cabbaroglu, « Saudi Arabia to pressure Russia, Iran with price of oil », on Anadolu Agency, 10 octobre 2014 (http://www.aa.com.tr/en/economy/402343--saudi-arabia-to-pressure-russia-iran-with-price-of-oil).

[32] Cf. Andrew Critchlow, « Saudi Prince Alwaleed says falling oil prices 'catastrophic'», on The Telegraph, 14 octobre 2014

 (http://www.telegraph.co.uk/finance/commodities/11162744/Saudi-Prince-Alwaleed-says-falling-oil-prices-catastrophic.html).

[33] Cf. Bruno Tertrais, « La révolution pétrolière américaine : quelles conséquences  stratégiques », Note n°9, Fondation de la Recherche Stratégique, avril 2013 (http://www.frstrategie.org/barreFRS/publications/notes/2013/201309.pdf).

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