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Vu de chez les libéraux, après "Révolution", la nouvelle œuvre de Macron s’intitule "Déception"
©PHILIPPE WOJAZER / POOL / AFP

Fin de la lune de miel

Les libéraux attendaient un nouveau 1958, mais les discours d'Emmanuel Macron et d'Edouard Philippe, cette semaine, leur ont laissé un arrière-goût de 2012.

Aurélien Véron

Aurélien Véron

Aurélien Véron est président du Parti Libéral Démocrate et auteur du livre Le grand contournement. Il plaide pour passer de l'Etat providence, qu'il juge ruineux et infantilisant, à une société de confiance bâtie sur l'autonomie des citoyens et la liberté. Un projet qui pourrait se concrétiser par un Etat moins dispendieux et recentré sur ses missions régaliennes ; une "flat tax", et l'ouverture des assurances sociales à la concurrence ; le recours systématique aux référendums ; une autonomie totale des écoles ; l'instauration d'un marché encadré du cannabis.

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Monsieur le président de la République,

Le discours de votre Premier ministre était très attendu. Après votre intervention jupitérienne, la révolution était en vue ce lundi 3 juillet. Nous aurions pu avoir un nouveau 1958, nous avons revécu 2012. Banalités et recettes éculées ont ponctué le discours laborieux mais néanmoins surapplaudi - rien de spontané, vous savez former vos élus à ça - dans les travées de l’hémicycle. Le dépit n’était pas dissimulable chez certains de vos soutiens de la première heure.

Loin de masquer une offensive réformatrice, vos discours creux – volontairement ai-je cru comprendre - annonçaient-ils en fait la couleur ?Je ne peux le croire. Abattre le PS et LR puis gagner une majorité écrasante à l’Assemblée nationale au terme d’une campagne présentée par les médias comme ultra-libérale, tout ça pour voir la montagne accoucher d’une souris? Fallait-il vraiment que tout change pour que rien ne change ?

Les grandes baisses d’impôts promises sont reportées. Prétendument à cause du bilan du locataire de l’Elysée précédent. L’excuse est tellement usée qu’on se demande comment votre Premier ministre a osé nous la sortir dès le premier jour. Et bien entendu, de nouvelles taxes sont déjà dans les tuyaux. Explosion du prix du tabac (+43%), hausse annoncée du prix du diesel afin d’aligner – vers le haut – son prix avec celui de l’essence, hausse des taxes poids lourds sur routes nationales – pour financer des TGV ruineux ? Edouard Philippe nous a sorti l’arsenal fiscal traditionnel d’un début de mandature molle.

Côté dépenses,nous attendions tous une ambition après vos propos enflammés sur la menace de la dette. Nous aurons tout juste droit à une modeste austérité sans rigueur, des petites coupes sans dessein, une hachette mal affutée maniée par un bucheron borgne en somme. Avec un gros nuage qui pointe à l’horizon, le vaste plan d’investissement qui nous assure des dérapages des déficits bien au-delà de la barre des 3% du PIB.Vous n’avez pas rayé Keynes de vos étagères. Avec un chèque de 10 milliards d’euros, le BHL de l’Economie nous promet que la France deviendra le leader européen des nouvelles technologies. Hermès – BLM pour les intimes - peut le clamer sans risque, ce n’est pas son argent. Mais Xavier Niel doit doucement rigoler d’entendre l’homme du « renouveau » s’exprimer comme à l’ère du minitel - le rose en moins.

Vous déclariez haut et fort que les citoyens allaient être libres et par conséquent responsables de leurs choix de vie. La hausse hygiéniste du tabac et les 8 nouveaux vaccins obligatoires envoient le message exactement inverse. Tandis que les pays sont de plus en plus nombreux à légaliser la vente et la consommation de cannabis, le nouveau plan public de lutte contre le mauvais gras, le sucre et l’alcool ne saurait tarder. L’infantilisation marche à plein. L’Etat nounou est là pour améliorer notre quotidien, surveiller notre consommation et nos dépenses, interférer dans nos vies avant que nous ne fassions des choix contraires à la morale d’Etat. Comme avant.

J’espérais de votre part un vrai redécoupage du périmètre de l’Etat, un plan ambitieux de redéfinition de ses mandats. Plusieurs ministères sont d’énormes bureaucraties ingouvernables qui étouffent non seulement leurs fonctionnaires mais aussi les secteurs qu’ils sont censés encadrer. Le ministère de l’agriculture illustre bien cette absurdité avec 36.000 fonctionnaires et assimilés, soit 1 pour 30 agriculteurs. Pour quoi faire, à la demande de qui, sinon pour multiplier le nombre de formulaires, de contrôles et de harcèlement administratif du monde agricole. On comprend mieux qu’il soit en crise. D’autres administrations s’avèrent aussi nuisibles, inutiles et coûteuses. La seule « simplification administrative » sérieuse et source d’économies structurelles, c’est la suppression pure et simple de ministères et de secrétariats d’Etat obsolètes.Une telleredéfinition du rôle de l’Etat nécessite l’abandon du statut de la fonction publique pour ouvrir la mobilité dans – et hors - les administrationspour y introduire des méthodes modernes de management, plus participatives et valorisantes pour les salariés de l’Etat. Je n’ai rien entendu de tel dans la bouche de votre Premier ministre.

Edouard Philippe a en revanche insisté sur son attachement à notre modèle de protection sociale. Cette protection sociale qui pèse un tiers du PIB mais se trouve de plus en plus menacée d’implosion par ses déséquilibres humains et financiers. Piège à pauvreté, système de retraites au bord de la faillite, assurance maladie dépassée, ruineuse et plongeant les professionnels de la santé dans une crise sans précédent. Les libéraux proposent depuis longtemps une vraie refondation de notre modèle social adossant son universalité à la liberté de choix des prestataires dans un cadre concurrentiel, seul mécanisme capable d’engendrer une saine émulation entre assureurs. Manifestement, le logiciel Philippe est resté calé sur la seconde moitié du XXème siècle, lorsque les gros monopoles d’Etat semblaient devoir durer mille ans.

Monsieur le Président, vous nous avez proposé des réformes institutionnelles bien plus ambitieuses que celles annoncées dans le champ économique et social. Votre vision de l’Ecole et celle du ministre Blanquer vont dans un sens très encourageant. Pourquoi rester si modeste dans la réforme de notre système économique et social ? Le recul massif du chômage et l’amélioration significative de notre qualité de vie dépendent grandement de vos engagements sur ce plan. Les renier aujourd’hui ne serait pas seulement une trahison de l’enthousiasme de vos électeurs qui, dans une abstention record, ont fait l’effort de se déplacer. La lenteur et le manque de vigueur des réformes pourraient se traduire par un choix démocratique beaucoup plus antipathique et brutal lors des prochains grands scrutins nationaux. Alors ne perdez pas plus de temps, mettez-vous – et nous - VRAIMENT en marche !

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