Viande : stop aux mensonges faits aux consommateurs<!-- --> | Atlantico.fr
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La mission commune d’information du Sénat sur la filière viande en France et en Europe doit rendre son rapport le 17 juillet.
La mission commune d’information du Sénat sur la filière viande en France et en Europe doit rendre son rapport le 17 juillet.
©Reuters

"Consomme, consomme, sans réfléchir"

La mission commune d’information du Sénat sur la filière viande en France et en Europe doit rendre son rapport le 17 juillet. Sylvie Goy-Chavent, sénatrice et rapporteur, de la mission, livre d’ores-et-déjà ses impressions.

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[Entretien] Présentation de la mission commune...par Senat

Comment est née cette mission du Sénat ?

Sylvie Goy-Chavent : Je l’ai demandée à mon groupe politique au Sénat, l’UDI, depuis un certain temps déjà. Il faut savoir qu’un groupe politique ne peut demander une mission d’information qu’une fois par an. Il a donc fallu une étincelle pour qu’elle soit acceptée, et ce fut le scandale de la viande de cheval ayant circulé par plusieurs pays européens avant de se retrouver dans des lasagnes au bœuf. L’objectif étant d’informer sur les pratiques en cours, et donc de les vérifier. Je pouvais soit être présidente de cette mission, soit rapporteur, j’ai préféré la seconde option, plus proche de la quête d’informations qui me tenait à cœur en l’occurrence.

Comment s’est-elle déroulée ?

En principe, une telle mission prend entre 6 et 8 mois. Là, nous l’avons voulue plus compacte, et elle n’excédera pas 5 mois. Le 17 juillet, quand nous rendrons notre rapport, nous aurons effectué 70 auditions, visité des exploitations d’élevage ou des unités de transformation de porcs ou de volailles en Bretagne, ou des abattoirs de différentes tailles en Rhône-Alpes, nous avons été à Bruxelles rencontrer les services des fraudes, à Rotterdam ou Amsterdam voir des transformateurs et industriels ovins ou bovins… Selon les filières, les difficultés ne sont pas les mêmes, il faut connaître le fonctionnement de chacune. Je pense que nous avons rencontré tous les acteurs essentiels du dossier, à l’exception des traders de viandes, alors que j’avais pourtant demandé à les auditionner.

Votre mission s’adresse aux consommateurs. Que vont-ils apprendre ?

Le scandale de la viande de cheval a révélé au grand public l’existence de minerais de viande (masse de viande reconstituée à partir de muscles et de chutes de viande) pouvant passer par plusieurs pays européens avant d’arriver dans leurs assiettes. L’industrie et la transformation nous disent qu’il est trop compliqué aujourd’hui d’afficher le pays d’origine en transparence. Moi j’estime que l’on pourrait arriver à un affichage minimal qui dirait par exemple « contient 3 % de viande française ». Les consommateurs sauraient ainsi à quoi s’en tenir, et s’ils veulent ou non participer au maintien des éleveurs en France. Plus de 80 % de la viande de volailles de la restauration collective ou même de la restauration tout court est importée. Je pense que le consommateur a le droit de savoir quand il commande un « suprême de volailles » qu’il a 80 % de chances de manger du poulet brésilien ou thaïlandais. D’autant que l’on donne le même nom de « poulet » à une bête qui aura été élevée en plein air ou avec de l’espace qu’à une autre qui aura grandi au milieu de milliers d’autres dans un espace réduit.

Vous parlez des producteurs français, qu’avez-vous appris sur eux ?

Il faut, selon les cursus, 3, 8 ou même 10 ans avant de s’installer en France en production porcine ou de volailles. Cela peut réclamer jusqu’à50 000 € de frais d’études. Derrière, un éleveur français peut s’estimer content quand il gagne le Smic : il y a un problème. Déjà, il faut que les administrations en prennent conscience, il faudrait limiter à 6 mois les procédures d’installation, éviter les interprétations différentes des textes d’un département à l’autre. Et uniformiser les transpositions que livre chaque pays des directives européennes. Pour certaines normes, on trouve une transposition de 12 pages en Italie quand elle en compte 180 en France. Tout cela n’aide pas nos éleveurs. Et cette lecture différente des textes crée des distorsions de concurrence, qui peuvent entraîner d’importants écarts de revenu entre la France et l’Allemagne par exemple.

Vous avez visité des abattoirs, et auditionné les cultes. Quelles sont vos conclusions ?

Le mode d’abattage n’est pas mentionné aujourd’hui sur les étiquettes. Or je pense que le consommateur a le droit de savoir comment la bête qu’il mange a été abattue. L’abattage rituel sans étourdissement préalable est très important en France. Je n’ai aucune vocation à m’opposer à quelques cultes que ce soit, je constate simplement. Ce type d’abattages est particulièrement douloureux pour les animaux, et il s’accompagne d’un manque d’hygiène. Lorsque la bête meurt lentement après qu’on lui eut tranché la gorge, elle stresse et des fluides pathogènes peuvent glisser sur la viande. Il faut savoir aussi que dès qu’une bête n’a pas été exactement abattue comme le souhaite le culte, elle est dite « déclassée », c’est-à-dire versée parmi les viandes courantes, sans être étiquetée comme ayant subi ce type d’abattage. Le consommateur ne sait donc pas s’il a affaire ou non à une viande « stressée » par son abattage ou non. J’estime que ce n’est pas normal. Je précise que je suis, personnellement, une mangeuse de viandes. Je cherche à informer, sans arrière-pensée.

Qu’avez-vous découvert d’autre sur les abattages rituels ?

Si l’on prend l’exemple du consistoire juif, il reçoit des millions d’euros pour l’abattage des animaux. C’est lui-même qui le dit, regardez sur internet les informations relatives au consistoire juif de Marseille par exemple. Ces sommes, entre autres, permettent à une communauté de soutenir la politique d’Israël. Moi je pense que le consommateur a le droit de manger un gigot sans pour autant, à son insu, financer la politique d’un autre pays que le sien. Ou alors qu’il le sache, que ce soit affiché.

Vous savez que ces propos vont être critiqués, ne serait-ce que parce l’abattage rituel a déjà été dénoncé par le FN… Ne craignez-vous pas une mauvaise interprétation de vos propos ?

Je suis aux antipodes du FN, j’ai toujours combattu les extrêmes. Le but à atteindre n’est pas le même du tout. Je n’ai rien contre les religions, je parle ici de pratiques rituelles qui vont à l’encontre du bien-être animal car elles génèrent des souffrances, et qui peuvent générer des problèmes sanitaires pour le consommateur. Je parle également de liberté de conscience pour tous les consommateurs, et pas seulement celle des juifs et des musulmans. On ne peut pas continuer à mentir au consommateur, à lui dire « consomme, consomme, sans réfléchir ». Et si nous ne posons pas aujourd’hui les problèmes à travers une mission d’information du Sénat composée, comme il se doit, de plusieurs sensibilités politiques de droite et de gauche, alors nous allons au devant de nouveaux scandales. Nous devons les anticiper. Et cesser la politique de l’autruche. Jouons la carte de la transparence. Laissons le consommateur acheter en toute transparence. C’est ainsi que nous ne stigmatiserons aucune communauté, sans parti pris, et réussirons à vivre ensemble plutôt que les uns à côté des autres.

En savoir plus :http://www.senat.fr/commission/missions/filiere_viande/index.html (lien vers les travaux déjà transmis de la mission commune d’information du Sénat sur la filière viande).

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Sylvie Goy-Chavent est rapporteur de la mission commune d’information du Sénat sur la filière viande en France et en Europe. Cette mission (dont le sous-titre est « comment restaurer la confiance du consommateur ») doit rendre son rapport le 17 juillet, mais d’ores-et-déjà la sénatrice (UDI) de l’Ain livre ses impressions.

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