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Tempête boursière sur un groupe endetté : Altice en route pour un destin à la Vivendi période Messier ?
©Reuters

Dans la tourmente

La récente chute du cours d'Altice (-57% en 5 mois) montre les interrogations certaines que suscite le groupe aujourd'hui.

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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Combien d'articles et de prises de paroles ont concerné le futur succès d'Altice, le groupe propulsé par le sémillant Patrick Drahi : plus que des dizaines !

Tout lui sourit !

Les banques d'affaires guettaient ses créneaux d'opérations de croissance externe, les banquiers commerciaux cherchaient à faire partie des pools d'endettement bancaire, le régulateur national redoutait son " next move " tandis que sa vie personnelle et professionnelle était érigée en modèle dans certains cours prestigieux d'écoles de management.

Tout cela a été la vie quotidienne du président Drahi du temps où il cochait toutes les cases. 

Retour en cuisine pour le Chef !

Aujourd'hui, il est obligé de reprendre sa toque de chef étoilé et de remettre sa brigade au pas. L'histoire lui en laissera-t-elle le temps ? Nul ne le sait pas même celui que l'on surnommait encore récemment le tycoon des Télécoms.

Car enfin, il s'agit d'une véritable bourrasque qui affecte ce groupe. Citons pour mémoire quelques chiffres-clefs.

De 24 euros début juin, le cours est tombé à 10,30 euros le 10 novembre soit une semaine exactement après la publication hyper-décevante du résultat trimestriel.

Un cours boursier divisé par deux !

Moins 57% de baisse boursière en 5 mois dans une entité qui porte un peu plus de 50 milliards de dette, il y a de quoi s'alarmer et enclencher une spirale de lourd défaitisme.

Je suis convaincu que Patrice Drahi, personnage instinctif et émerillonné va livrer un vrai et beau combat pour conserver la maîtrise de son groupe qui est vulnérable en bourse. 

Le chasseur est devenu gibier, preuve que le respect de certaines règles de stratégie n'a pas été matérialisé au profit d'une logique de coups voire d'à-coup.

Combes le chat noir ou la théorie du cygne noir ?

A ce stade, il est opportun de s'attarder sur les choix humains du fondateur d'Altice. Peu ont compris son attachement à Michel Combes, dernier des fossoyeurs d'Alcatel, qui doit plus à leur vieille connivence qu'aux talents supposés de celui qui vient précisément d'échouer sans contestation possible à la tête de SFR et aux rênes opérationnelles du groupe.

Sentir ce n'est pas réfléchir et le président Drahi a raté sa cible. Il était persuadé que SFR allait effectuer un " retournement " alors que le résultat est stupéfiant : perte de plus de 2 millions d'abonnés précisément dans une entité qui porte 15 des 50 milliards de la dette.

Fidèle à ses petites tactiques sans avenir, Michel Combes a cru voir le bout du tunnel en procédant à la hausse des forfaits, à la facturation de contenus additionnels. Bref, au moment où le marché devenait hostile à la marque, les dirigeants ont fait fausse route sans aviser pleinement l'Amiral du vaisseau Altice.

Une histoire de baraterie !

Pour prendre une comparaison de droit maritime, cet état-major ( opportunément remercié et modifié très récemment ) a commis le délit de baraterie à l'égard des créanciers car ils ont poursuivi, par des moyens ruineux, une exploitation ici ou là déficitaire. En droit des sociétés, la Cour de cassation a toujours censuré ce type de pratiques

Autrement dit, si la tempête devait s'intensifier au point de conduire à un changement de bloc majoritaire, il ne faut pas exclure des recherches de responsabilités à l'intention des mandataires sociaux.

A titre personnel, je veux croire à une crise de croissance, à une sorte de palier de digestion post-acquisitions et crise de boulimie ( Numéricâble, SFR, Portugal Telecom, Libération, L'Express, Suddenlink, Cablevision, NextRadioTV ) mais l'histoire économique est remplie de coups de Trafalgar.

Un secteur en ébullition…

L'histoire d'Altice pourrait être aussi mouvementée que celle de Citroën sauvée une fois par Michelin puis par Peugeot. Autrement dit, en me calant sur des propos récents de Xavier Niel ( Iliad / Free ) ou de Stéphane Richard ( Orange ), il ne faut pas exclure une consolidation du secteur d'autant plus plausible qu'à 10 euros l'action, Altice n'est pas cher surtout si certaines banques acceptaient de restructurer la dette au moyen de conventions d'anatocisme voire d'augmentations de capital souscrites par compensations partielles de créances certaines, liquides et exigibles.

Pour paraphraser un élu de Tulle remarquable en constitution de dette, " Moi, créancier d'Altice, je ne resterai pas inerte ! ".

Enfin, un peu de stratégie…

Le stratège Armando Pereira va devoir convaincre le fondateur d'une nouvelle stratégie télécoms au niveau mondial. S'il y parvient, la dégringolade boursière sera endiguée et la pression sur le " daily business " se fera moins pesante. Mais comme dit précédemment, il y a certainement dans le monde une équipe de banquiers d'affaires qui scrutent la proie Altice comme devraient nous l'indiquer les journalistes spécialisés de BFM Business…

Quand on perd près de 17 milliards de capitalisation boursière, on se trouve dans la situation de Serge Tchuruk qui avait vu le titre Alcatel chuter de 39% lors de la sinistre journée du 17 septembre 1998

" Désailé, le canard n'a jamais repris son envol " pour reprendre les termes de Christian Cambier.

Il faut en effet concevoir la médecine d'urgence à laquelle Altice va être soumis : cela ne se fera pas sans vague au plan des fournisseurs ou des personnels.

Le spectre des cessions d'actifs de Vivendi ?

De manière évidente, on songe à établir une comparaison avec Vivendi où le président Messier avait eu une stratégie anticipatrice remarquable ( mix tuyaux et contenus ) mais un déroulé au quotidien plus contestable.

Chez Altice, on voit une boulimie et une grande différence. Vivendi, pour mille raisons ( que Xavier Niel a parfaitement assimilées ) ne pouvait pas flancher car c'était un pan du capitalisme barbichette à la française et une institution puisque héritière de la Générale des Eaux et de ses réseaux, à tous les sens du terme.

L'Amiral Drahi a su être séducteur pour lever de la dette : il doit maintenant rassurer sur sa capacité à " délivrer " du chiffre d'affaires ce qui n'est pas matière d'instinct mais de matrices stratégiques face à des marchés turbulents.

Quel joker pour l'Amiral Drahi ?

Si J2M a eu dix ou quinze ans d'avance, quel joker va pouvoir jouer le président Drahi dans un univers où le sage Francis Bouygues regarde les évènements et demeure, n'en déplaise aux observateurs trop pressés, un point-clef de l'avenir sectoriel.

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