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Télétravail - par delà le bien et le mal

Vers un boom des salariés qui n’accepteraient plus que des postes en télétravail ?

<h3 dir="ltr">Atlantico : Les recherches d&rsquo;emploi pour un poste &agrave; distance ont augment&eacute; de 460% au cours des deux ann&eacute;es, selon les <a href="https://www.glassdoor.com/research/remote-job-search-aug-2021/" target="_blank" rel="noopener">donn&eacute;es du site de recherche d&rsquo;emploi Glassdoor</a>. Avec l&rsquo;&eacute;conomie des pays d&eacute;velopp&eacute;s qui repart et les conditions sanitaires qui permettent un retour au pr&eacute;sentiel, le t&eacute;l&eacute;travail va-t-il de nouveau diminuer ou bien est-il parti pour s&rsquo;ancrer durablement ? Sait-on ce qu&rsquo;il en est pour la France ?</h3>
<p><strong>Xavier Camby :</strong> Il est actuellement assez malais&eacute; d'avoir une image exacte ou un peu fid&egrave;le de la r&eacute;alit&eacute; du monde du travail en Europe. Tant par le fait de la permanence de l'impermanence que par la disparit&eacute; des comportements "priv&eacute;s" face aux d&eacute;cisions "publiques".</p>
<p>Si l'on en croit cependant certaines &eacute;tudes r&eacute;centes et &agrave; titre d'exemple, seuls 15% des places de travail ouvertes dans les organisations suisses seraient &agrave; nouveau r&eacute;guli&egrave;rement occup&eacute;es. Et environ 20 et 25% en France ou en Allemagne. Contre environ 75% avant la crise sanitaire !&nbsp;</p>
<p>Il semble bien que nous avons assez longuement go&ucirc;t&eacute; aux nombreuses et nouvelles joies du t&eacute;l&eacute;travail : la collaboration asynchrone efficace, les s&eacute;ances virtuelles raccourcies, l'absence de perte de temps et d'&eacute;nergie dans les transports aux heures de pointe, le management &agrave; la confiance - oblig&eacute;e - et la disparition des intrusions intempestives, le confort psychique et physique du "private space" (par opposition avec l'extr&ecirc;me inconfort des "open-space" ou "bureaux paysag&eacute;s")... Savez-vous que depuis 2 d&eacute;cennies, l'OMS a &eacute;tabli qu'un salari&eacute; a besoin de 8m2 pour se sentir bien ? Et ainsi pr&eacute;server sa sant&eacute; psychique ? Les modes manag&eacute;riales ineptes - mais favorisant&nbsp;les contr&ocirc;les permanents - semblaient encore l'emporter jusqu'&agrave; l'apparition du m&eacute;chant virus et de ses cons&eacute;quences organisationnelles...</p>
<p>Dernier avantage du private office : la r&eacute;conciliation des travaux domestiques avec le travail salari&eacute;. Je peux d&eacute;sormais lancer ma machine &agrave; laver juste avant une conf-call et &eacute;tendre mon linge apr&egrave;s celle-ci, sans que cela nuise aucunement &agrave; ma productivit&eacute;. Cette nouvelle organisation permet une vie plus sereine, plus int&eacute;gr&eacute;e, plus homog&egrave;ne, sans cloisons arbitraires ni fallacieuses, loin de ce sentiment d'urgence qu'imposaient nagu&egrave;re encore des pratiques contraignantes et dangereuses, d'un &acirc;ge tr&egrave;s heureusement r&eacute;volu.</p>
<h3>Le march&eacute; du travail post-covid sera-t-il davantage dict&eacute; par les aspirations des employ&eacute;s ? Peut-on s&rsquo;attendre &agrave; plus d&rsquo;offres d&rsquo;emploi en t&eacute;l&eacute;travail ?</h3>
<p>La crise sanitaire, augment&eacute;e des crises climatiques, &eacute;cologiques et de la biodiversit&eacute;, transforment peu &agrave; peu, mais d&eacute;finitivement, notre conception de l'organisation du travail salari&eacute;. Un premier constat : le "taylorisme", mensong&egrave;rement r&eacute;put&eacute; rationnel et scientifique, alors que depuis longtemps vermoulu de l'int&eacute;rieur et vitrifi&eacute; ou scl&eacute;ros&eacute; en sa surface, a implos&eacute;. Ce taylorisme, vertueux en ces pr&eacute;mices, &eacute;tait rapidement devenu le pr&eacute;texte et le paravent d'une violente volont&eacute; de domination, en forme de tyrannie : les sachants, bien dipl&ocirc;m&eacute;s, organisant au millim&egrave;tre les t&acirc;ches des ignorants, mal-form&eacute;s et incapables de s'auto-organiser, enferm&eacute;s - pour leur bien - dans des horaires et des lieux impos&eacute;s... Croyez-vous que j'exag&egrave;re ? C'est tous les jours que je rencontre - encore - des managers ou des dirigeants du pass&eacute;, qui l&eacute;gitiment leur salaire et leurs injonctions, au motif mensongers du cr&eacute;tinisme, de l'incapacit&eacute;, de l'indolence ou de l'indigence de leurs collaborateurs. J'aime &agrave; leur dire, puis &agrave; leur d&eacute;montrer, qu'on a les collaborateurs qu'on m&eacute;rite et qu'ils nous ressemblent...</p>
<p>Un second constat : les aspirations l&eacute;gitimes des salari&eacute;s de tous les secteurs sont d&eacute;j&agrave; tr&egrave;s claires et s'imposent radicalement, profitant des contraintes sanitaires. Ils r&eacute;clament globalement :</p>
<ol>
<li>un environnement &eacute;motionnel et relationnel positif ;</li>
<li>un environnement d&eacute;cisionnel stable, sans fausses urgences, sans procrastinations, langue de bois, chantage ni culpabilisation ;</li>
<li>le droit &agrave; l'auto-organisation individuelle et collective, dans l'op&eacute;ration du travail ;</li>
<li>l'accord pour ne pas &ecirc;tre d'accord et le droit de pouvoir l'exprimer, afin de contribuer efficacement ;</li>
<li>et la possibilit&eacute; de r&eacute;guli&egrave;rement et librement se retrouver, entre coll&egrave;gues, pour entretenir les relations interpersonnelles positives autant que contributives.</li>
</ol>
<p>Pour r&eacute;pondre &agrave; votre seconde question, il me semble en effet que la libert&eacute; donn&eacute;e &agrave; l'auto-organisation et la possibilit&eacute; du t&eacute;l&eacute;travail feront d&eacute;sormais parties int&eacute;grantes de la r&eacute;tention comme de l'attraction des meilleurs talents. On le voit d'ailleurs d&eacute;j&agrave; appara&icirc;tre dans certaines offres d'emploi.</p>
<p>Les managers ou leaders "capo-chef," hyper-contr&ocirc;lants, injonctifs et d&eacute;fiants, sont irr&eacute;versiblement morts et enterr&eacute;s - m&ecirc;me s'ils l'ignorent encore.</p>
<h3>Les aspirations des employeurs et des employ&eacute;s en termes de t&eacute;l&eacute;travail diff&egrave;rent-elles ? Cela peut-il mener &agrave; des difficult&eacute;s pour les entreprises ?</h3>
<p>Oui. Comme dans toute transformation, dans tout changement, deux "mod&egrave;les" ou paradigmes s'opposent, voire s'affrontent.</p>
<p>Le taylorisme, baudruche d&eacute;gonfl&eacute;e que seules quelques "institutions" d&eacute;fendent ou promeuvent encore, et le r&eacute;alisme, judicieusement illustr&eacute; par Steve Jobs : "Cela n'a aucun sens de recruter des gens intelligents et de leur dire quoi faire ; nous recrutons des gens intelligents pour qu'ils nous disent quoi faire". Et l'intelligence vraie n'est jamais certifi&eacute;e par un dipl&ocirc;me ! Bien au contraire : dans notre syst&egrave;me actuel, ne franchissent les &eacute;tapes dipl&ocirc;mantes seulement celles ou ceux qui r&eacute;p&egrave;tent le moins mal possible ce que le professeur lui-m&ecirc;me d&eacute;j&agrave; r&eacute;p&egrave;te depuis des ann&eacute;es. C'est ainsi que se propage et se d&eacute;veloppe la pens&eacute;e unique, lin&eacute;aire, toujours un peu plus pauvre - malgr&eacute; ces effets de manches, de slides pl&eacute;thoriques en (d&eacute;)formations inutiles - de plus en plue d&eacute;connect&eacute;e de la r&eacute;alit&eacute;, toujours davantage scl&eacute;ros&eacute;e et scl&eacute;rosante.</p>
<p>Notre extraordinaire &eacute;poque rejoue donc encore une fois, avec une intensit&eacute; redoubl&eacute;e par les crises que nous traversons, l'&eacute;ternelle querelle entre les anciens et les nouveaux. Et ce sont toujours les nouveaux qui finalement gagnent !</p>
<p>Sauf &agrave; vouloir finir dans des r&eacute;serves avant de dispara&icirc;tre, il est donc urgent et essentiel, pour toutes nos organisations et &agrave; la faveur des comportements impos&eacute;s par une pand&eacute;mie devenue end&eacute;mique, de r&eacute;ellement repenser, pour les simplifier, l'int&eacute;gralit&eacute; de tous leurs fonctionnements professionnels. En parfaite concertation d&eacute;-hi&eacute;rarchis&eacute;e...</p>

Conséquences de la pandémie

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L’analyse d’un économiste

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Jean-Paul Betbeze

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