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La revente des billets de spectacles interdite ? Et celle des canapés d'occasion ?
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Zone franche

Il n’est pas plus légitime ou logique d’interdire la revente avec profit d'un billet de spectacle que celle d’un clic-clac d’occasion sur eBay.

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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Le Sénat doit adopter, aujourd’hui même, un texte déjà voté à l’Assemblée et prévoyant l’interdiction de la revente de billets de manifestations sportives ou culturelles par des tiers sans lien avec les organisateurs.

L’idée générale : lutter contre ces ignobles spéculateurs qui, achetant le plus grand nombre possible de places dès leur mise à disposition publique, assèchent le marché et les recommercialisent à un prix plus élevé que leur valeur faciale.

Ça semble évidemment bel et bon, l’interdiction de ces pratiques, et la majorité des artistes ou des gestionnaires de stades militaient depuis longtemps pour une initiative de ce genre. Pour autant, moi qui ne suis ni l’un ni l’autre, ça me turlupine tout de même un poil.

Oh, je ne complète pas non plus mes revenus en fourguant des billets de concerts sur le Web, même si ça a l’air d’être une activité assez lucrative (parfois jusqu’à 10 fois la culbute, dit-on) et qu’il ne faut jamais dire fontaine bla bla bla... Je me demande tout de même d’où vient ce sentiment qu’un match OM-PSG ou un concert de Rihanna ne sont pas des « produits » comme les autres mais plutôt une sorte de nourriture de l’âme dont il faut absolument réguler la vente.

Après tout, la loi ne dit rien de ces gens qui se refilent des places dans la file d’attente pour l’achat d’une Ferrari Testarossa assemblée à la main et il y a pourtant du monde pour penser qu’il s’agit plus d’une œuvre d’art que d’une bête bagnole.

Bon, OK, un récital de Julos Beaucarne ou de Lenny Escudero, ça n’est pas exactement comparable à un show de Madonna ou de Johnny, mais je serais très surpris d’apprendre que les tickets des deux premiers (s’ils chantent encore, j’ai la flemme de vérifier) peuvent se revendre avec un profit ― même tout petit.

Et si le « vrai prix » était celui que les fans sont disposés à payer ?

En ultranéolibéral bon teint, à vrai dire, j’aurais surtout tendance à penser que s’il se trouve suffisamment de gens pour accepter de payer une somme exorbitante pour voir Tsonga servir des Kinder Bueno à Federer sur le Central de Roland-Garros, c’est que le « vrai prix » de ce spectacle est bien à ce niveau : exorbitant.

Et que si les vils spéculateurs étaient réellement hors-marché, ils se retrouveraient vite sur la paille avec leurs stocks d’invendus...

De toute manière, et sauf à mettre des flics partout, sur le Web et à l’entrée du Zénith, vider l’océan des revendeurs à la petite cuillère sonne surtout comme un énième projet régulateur à la gomme, un peu comme cette fameuse loi DALO qui promet de loger tout le monde dans des appartements qui n’existent pas. Le seul moyen de priver les spéculateurs de leur business, en réalité, serait de mettre les billets en vente au prix auquel les fans sont effectivement prêts à payer : Johnny et Tsonga se feraient des roubignolles en or massif (c’est le fisc suisse qui serait content, tiens) et le pigeon serait peut-être plumé de manière plus morale.

Le pigeon, de toute manière, il adore être plumé. La preuve, le principal site de revente de places de spectacle s’appelle Viagogo. On ne peut pas dire qu’ils n’annoncent pas la couleur, hein ?

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