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Sociale-démocratie dans l’impasse, le retour : François Hollande frappé d’un méchant cas d’amnésie fiscale
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Mauvais baisers de Séoul

Lors d'un discours à Séoul, l'ancien Président de la République s'en est pris à son successeur sur la question de la taxation des plus riches.

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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Atlantico : François Hollande pendant son discours à Séoul a mis en garde Emmanuel Macron quant à la fiscalité allégée pour les riches et renforcée pour les classes moyennes et les pauvres. Est-ce que "le prédécesseur" ne se tire pas là une balle dans le pied en montrant l'impasse idéologique de la gauche social-démocrate qui prône un allègement de la fiscalité pour les entreprises tout en se montrant punitive vis-à-vis des riches ? C’est-à-dire en voulant aider ceux qui créent de la richesse tout en taxant ceux qui en ont créé ?

Jean-Yves Archer : Tout le monde notera d'abord l'ambiance entre l'actuel et l'ancien président de la République. Le mot-clef est assurément croche-pied ce qui va nous valoir des duels répétés par médias interposés.

Effectivement depuis Séoul, François Hollande s'est lancé dans un jugement sans concession sur la politique fiscale d'Emmanuel Macron. Sans doute l'aurait-il fait de manière moins frontale si le Chef de l'Etat ne devait actuellement subir un revers en matière de cote de popularité.

Entre carnassiers, on apprécie le goût du sang quitte à en perdre le sens. Car enfin, François Hollande gomme joyeusement le bilan très contrasté, voire l'échec du CICE qui a beaucoup coûté aux finances publiques pour un fort maigre bilan en termes d'emplois.

Ce CICE a été élaboré et défini candidement sans contreparties et engagements formels des entreprises. En cela, il s'est éloigné de l'inspiration du rapport Gallois de novembre 2012.

Ainsi, il est légitime de se demander si l'ancien président a vocation à prendre la parole en matière de fiscalité.

Sa majorité parlementaire et Bercy auront su être efficaces et diligents en matière de rapatriement des fonds hors-frontière via les cellules de régularisation qui auront rapporté plusieurs milliards. En revanche, les quelques efforts de Michel Sapin au niveau européen n'auront pas abouti en matière de taxes sur les super-profits des GAFA et autres grandes firmes multinationales.

Là encore, l'élu de Corrèze a proposé à la France un bilan aussi mince qu'une feuille de papier à cigarettes à rapporter des quelques 60 milliards d'évasion fiscale.

En revanche, chacun sait que près d'une centaine de milliards ont quitté le territoire : leurs détenteurs étant lassés de payer l'ISF mais surtout la puissante taxation de l'épargne née en 2013 de l'imagination de Jean-Marc Ayrault et de Pierre Moscovici.

Cette taxation avait un fondement socialiste pur sucre et non social-démocrate et reposait sur l'idée que les revenus de l'épargne doivent être autant imposés que les revenus du travail.

Comme si l'épargne était un revenu primaire alors qu'elle représente précisément des sommes qui ont déjà subi l'impôt, à commencer par l'IR.

Que le PLF pour 2018 risque d'aggraver la fiscalité des classes moyennes est une lourde éventualité. Qu'il risque d'alléger l'impôt des riches est désormais une certitude qui n'aura donc de pertinence que si la pseudo-théorie du ruissellement fonctionne.

Or, pour l'heure, ce n'est que le 22 janvier que la députée Amélie de Montchalin ( vice-présidente de la Commission des finances ) va engager une consultation de place pour examiner les modalités d'un fléchage de l'épargne vers l'investissement dans les PME.

On aurait pu imaginer plus simple et plus efficace : à savoir que les anciens assujettis à l'ISF doivent impérativement investir une quotité de leur ancien volume d'impôt dans des projets listés et validés par BPI France.

Plutôt que de critiquer le principe de l'allègement de la fiscalité en bon socialiste vintage, François Hollande aurait du indiquer qu'il ne fallait probablement pas faire un chèque en blanc ( si l'on peut dire…) aux plus fortunés sans contreparties vis-à-vis de l'économie réelle et tenter d'explorer la voie social-démocrate.

Par comparaison avec d'autres de ses alliés, on a souvent baptisé Hollande de social-démocrate. Il en est vaguement l'homme sandwich des grands boulevards mais son for intérieur est plus proche de Christian Eckert que de Jacques Delors.

Est-ce que la gauche social-démocrate n'est pas justement en train de mourir en partie de cette incapacité à gérer cette schizophrénie selon vous?

Je pense que la gauche social-démocrate à bonne colorimétrie socialiste va se reconstruire notamment autour d'un homme comme Boris Vallaud dont le mentor fût notamment Henri Emmanuelli.

Cette reconstruction se fera sur le socle d'une redistribution par l'impôt mais aussi par l'allocation directe des ressources décrite par Robert Musgrave ( Théorie des finances publiques, 1959 ).

La Nouvelle Gauche doit se refonder et elle le sait. Certainement via des élus travailleurs et convaincus de leur substrat idéologique contrairement à François Hollande qui oscille en permanence au point de donner le mal de mer. Le livre " Un Président ne devrait pas dire cela " de David et Lhomme est affligeant et démontre qu'il n'est pas porteur d'une fraction de doctrine : il est monsieur petites phrases, monsieur réseautage et monsieur louvoiement.

Comment la gauche pourrait-elle justement surmonter cet obstacle idéologique, est-ce que François Hollande qu'on devine essayer de se replacer au centre de son parti n'a pas tout intérêt à débloquer cette situation ? 

Le goût du pouvoir chez Hollande, c'est aussi important que la viande dans le steak tartare. Vous pouvez mettre tous les condiments que vous voulez, l'ambition frénétique demeure. Comme vous dites, il va essayer de se " replacer ". Doux euphémisme.

Ne pas être capable de se taire six mois après une raclée ( car ne pas être en mesure de se représenter, ce n'était pas autre chose qu'un échec cuisant ) n'est pas un synonyme de maturité ou de lucidité.

Décidément cet ancien élu de Corrèze use les nerfs de ses camarades en méconnaissant systématiquement le principe de Peter, donc ses limites.

Ni Mendès-France, ni Mitterrand, ni Blum : tout simplement un hasard malencontreux de notre Histoire nationale qui, en plus, se croit qualifié pour parler d'économie. Et si on regardait la gestion hollandiste du département de la Corrèze ? Et si on parlait des 800 milliards de dette hors-bilan qui s'ajoutent aux 634 milliards de dette au sens de Maastricht de son quinquennat ?

Face à un tel palmarès, le prince déchu sans combattre qu'est François Hollande devrait se contenter d'un télégramme à l'adresse d'Audrey Azoulay récemment désignée directrice générale de l'UNESCO.

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