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Signature d’un accord entre la Chine et le Saint-Siège : entente cordiale ou entente biaisée ?
©VINCENZO PINTO / AFP

Le Dragon et le Poisson

Pékin et Rome ont signé un accord préliminaire pour mettre fin à plus de 50 ans de ruptures diplomatiques. Mais les persécutions que vivent les catholiques de Chine ne devraient pas pour autant cesser.

Jean-Baptiste  Noé

Jean-Baptiste Noé

Jean-Baptiste Noé est docteur en histoire, rédacteur en chef de la revue de géopolitique Conflits. 

Il est auteur notamment de : La Révolte fiscale. L'impôt : histoire, théorie et avatars (Calmann-Lévy, 2019) et Géopolitique du Vatican. La puissance de l'influence (Puf, 2015)

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L’annonce d’un accord entre la Chine et le Saint-Siège ce 22 septembre est l’aboutissement d’un long processus de discussion débuté sous le pontificat de Jean-Paul II. Depuis la Lettre aux catholiques de Chine (2007) de Benoît XVI, le Saint-Siège souhaitait accélérer la résolution du schisme de fait entre l’Église officielle et l’Église de Rome qui dure depuis 1951. L’enjeu en est la liberté religieuse et l’indépendance de l’Église à l’égard du pouvoir communiste. Cet accord permet la reconnaissance par Rome de sept évêques ordonnés sans son accord et qui sont ainsi réintégrés dans l’Église. Pour le Saint-Siège, l’accord permet aussi la nomination de futurs évêques, avec un moindre contrôle de Pékin. Comme l’a précisé le porte-parole du Saint-Siège, Greg Burke, cet accord n’est qu’un début, non une fin. Du reste, il s’agit d’un accord provisoire. Il reste donc encore à se mettre d’accord sur un traité définitif. La diplomatie pontificale n’est donc pas arrivée à son terme, et les diplomates vont devoir continuer à s’activer. Mais pour le pape François, cet accord est un succès diplomatique, fruit d’un intense travail commencé il y a plusieurs années. 

Divergences aux seins des catholiques chinois

L’accord ne règle toutefois pas tous les problèmes. Beaucoup de catholiques chinois fidèles à Rome refusent ce traité, qui est vu comme une trahison à l’égard de ceux qui sont restés fidèles à Rome. C’est le cas de l’ancien archevêque de Hong Kong, le cardinal Joseph Zen, qui n’a pas manqué de dire publiquement tout le mal qu’il pensait d’un éventuel accord avec Pékin. Sur le terrain, son avis est partagé par beaucoup. Mais pour le Vatican, le dialogue et les pas concrets comptent plus que tout. Mieux vaut un accord provisoire qui débute un processus que pas d’accord du tout. Car le chemin est encore long pour atteindre la liberté religieuse.

Pékin accroit la répression contre les catholiques

En effet, que cherche Pékin ? Ses évêques sont légitimés, ce qui est une victoire pour le pouvoir communiste. Mais il reconnait aussi une coopération dans la nomination des autres évêques, ce qui est une atteinte à sa toute-puissance. Depuis 2017, le régime communiste de Chine a accru la répression à l’égard des Chinois catholiques, notamment dans les provinces rurales de l’Ouest. Destruction d’églises et de croix, interdiction faite aux jeunes de se rendre à la messe, interdiction de la prière dans l’espace privé, profanation de la tombe d’un évêque fidèle à Rome, arrestation de catholiques ; la liberté religieuse est en diminution croissante en Chine. Cet accord ne semble nullement pouvoir enrayer le phénomène. C’est que Xi Jinping a été très clair lors de son grand discours d’octobre 2017 : il faut siniser le christianisme et lutter contre les éléments étrangers. La croix est vue comme l’infiltration d’une religion étrangère, qu’il faut donc éradiquer. Xi a lancé une nouvelle révolution culturelle, qui doit aboutir à l’affirmation de la pensée chinoise contre toutes les formes de pensées étrangères. 

Le Vatican n’a pas officiellement réagi aux destructions de tombes et aux arrestations de catholiques. La signature de l’accord de ce jour risque de le montrer faible face à un régime qui veut éliminer tout élément non chinois. Est-ce un accord d’équilibre entre deux puissances ou un jeu de dupe entre un faible et un fort ?

La liberté religieuse est incompatible avec le communisme

La Chine reste un pays communiste, influencée par la pensée de Mao, sur les pas duquel Xi Jinping pose les siens. Le communisme n’est pas compatible avec la liberté religieuse. Comme l’a démontré le cas de l’URSS et comme l’avait théorisé Friedrich Hayek, la liberté religieuse conduit inévitablement à la liberté politique. Or la liberté politique, en Chine, signifie la fin du parti unique et donc du communisme. Cet accord est-il un coin enfoncé dans le mur chinois pour le faire tomber, comme Jean-Paul II avec Solidarnosc dans les années 1980, ou un aveuglement face à la réalité liberticide d’un régime oppresseur, comme le fut l’Ostpolitik des années 1970 ? Nul ne peut encore le savoir. Si le communiqué du Saint-Siège tient à préciser que cet accord est provisoire et qu’il enclenche un processus, c’est que personne, ni à Pékin ni à Rome, ne sait vers quoi il va mener, les deux ayant des agendas et des objectifs différents. L’accord « historique » doit donc être passé au crible du temps.

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