Sciences Po : les entreprises qui recrutent assistent médusées à cette chronique d’une mort annoncée... <!-- --> | Atlantico.fr
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Sciences Po.
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©Dimitar DILKOFF / AFP

Atlantico Business

Sciences Po, avec une direction qui est tétanisée, un corps enseignant qui se cache, une minorité d’étudiants qui bloque tout... les entreprises qui « downgradent » l’ école et brisent le rêve d’une majorité d’élèves.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Pour beaucoup d'étudiants qui ont rêvé de Sciences Po comme le moyen le plus parfait pour monter dans l'ascenseur social, l'avenir s’est assombri, car le crédit de l’école est tombé. C’est au printemps que les grandes entreprises finalisent leurs plans de recrutement des futurs cadres, mais là, c’est décidé, ils n'hésitent plus à déclasser les diplômés de Sciences Po.

Les DRH sont presque tous sur la même longueur d’onde... « Les événements récents sont trop graves et donnent une image de la formation à l’école insupportable, ou du moins non contrôlée. Même si le patron de l'entreprise est un ancien de la rue Saint-Guillaume, il va prendre peur et préférer recruter un HEC, un ESSEC ou un EDHEC. Il prendra moins de risques... »

L'image de l'école était encore bonne et la promesse des diplômes était encore très forte malgré les cafouillages des directions successives, malgré les dysfonctionnements que l'affaire Duhamel avait mis en lumière...

La dernière enquête sur les jeunes diplômés de la promotion 2021 montrait que le diplôme permettait une insertion sur le marché du travail toujours très forte, avec une dimension internationale des carrières en progression.

L'enquête a été réalisée l'année dernière, c’est-à-dire deux ans après avoir obtenu leur diplôme . Il ressortait alors que :

- 87% ont trouvé leur premier emploi moins de 6 mois après l’obtention de leur diplôme (contre 80% pour les étudiants diplômés en 2020 et 82% en 2019).

- 35% débutent leur carrière dans un pays hors de France (contre 38% parmi les diplômés de 2020 et 37% en 2019). Parmi ceux qui travaillent en France, 54% occupent une fonction qui comprend une dimension internationale.

- 51% des diplômés en activité ont des missions qui intègrent les enjeux de responsabilité sociale et environnementale.

- La rémunération brute annuelle moyenne (hors primes) s’élève à 42 K€ (contre 40 K€ pour 2020 et 38 K€ pour 2018) tous pays confondus.

Cette promotion 2021 est peut-être la dernière à avoir pu trouver un job de première classe, car pour beaucoup d’observateurs, le diplôme risque d’être très abîmé avec une attractivité bien hypothéquée auprès des recruteurs comme des étudiants ou des candidats.

Jusqu’alors, Sciences Po donnait l’impression d’avoir réussi sa mue. Après avoir été la Rolls des établissements supérieurs de formation des cadres de la fonction publique, via l'ENA. Après la suppression de l’ENA , elle avait semblé réussir à séduire les entreprises privées, françaises et internationales, au même titre que les grandes écoles de commerce ou les MBA universitaires de France ou des USA.

Les résultats des enquêtes réalisées après ses promotions précédentes le prouvaient. Cela étant, les événements récents, les prises de positions violentes, les blocages et surtout le mépris de la politique et de l'idéologie radicales, ont démontré que le logiciel de formation n’était pas calé correctement.

On s’aperçoit que c’est véritablement l'attractivité de l'école qui est menacée, car le sectarisme et la médiocrité des débats ont pris le pas sur l'expertise scientifique, la rigueur et la qualité ou l'équilibre des analyses.

Grands absents, la culture générale et la connaissance des matières littéraires et mathématiques. Pour les quelques professeurs qui acceptent de parler sous anonymat (ce qui est le comble du malaise), le recrutement des élèves a perdu son sérieux. La fin du concours d’entrée a supprimé la sélection sous prétexte d’ouvrir la porte de l'école à des catégories sociales défavorisées, on a aussi laissé entrer quantité d'élèves qui n'avaient pas été préparés à suivre de telles études. Donc, on a aussi changé les études en privilégiant le débat d’idées avant l'apprentissage des faits et des chiffres.

Résultat, on a abandonné tout moyen de savoir si les têtes étaient à la fois bien faites et bien pleines... Pour les membres du conseil d'administration qui font le compte des sponsors qui risquent de les lâcher, il est urgent de renforcer l'attractivité de l'école en France mais aussi à l'international. Pour quelle raison une grande banque internationale irait -elle financer une école de formation dont les produits ne donneraient pas le résultat escompter. Mieux vaut financer une école de commerce sous contrôle ou une université américaine. Pour éviter une fuite des cerveaux et des sponsors, il faudrait revenir aux principes de base :

1) L'expertise dans la plupart des domaines, puisque l'école de Sciences Politiques a pour vocation d'offrir un enseignement généraliste qui conduit aux échelons supérieurs du management.

2) Une sélection à l'entrée qui limiterait évidemment le nombre des élèves, car le but n'est pas d'augmenter les effectifs, comme l'ont cru les directions précédentes, mais d'améliorer leur compétence.

3) Améliorer le recrutement des professeurs sur le marché international, ce qui n'a pas été fait avec assez d'attention.

4) Établir une charte opposable aux élèves comme au corps enseignant afin de protéger l'école de tous les comportements inappropriés, et qui donnerait l'assurance que l'établissement serait protégé de toute tentation idéologique.

Cette chaîne de valeurs vaut quel que soit le mode de financement, qu'il soit privé ou public. En l'occurrence, Sciences Po appartient à ces êtres administratifs  hybrides qui sont publics et privés.

Raison de plus pour éliminer toute ingérence politique ou idéologique et se consacrer à une seule chose : l'acquisition du savoir. Si l'école refuse de se redresser, au niveau de sa direction, de son conseil d'administration, de la fonction publique qui reste sa tutelle, l'école est condamnée.

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