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La vérité avec un grand "V" 
n'existe pas même pour la science
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Qui dit vrai ?

Dans nombre d'affaires et d'événements très médiatisés (de Fukushima à DSK en passant par les concombres tueurs), la science est appelée à la rescousse pour expliquer, voire, donner la solution. Pourtant, la science est loin d'être infaillible, et ne mérite pas sa réputation d'objectivité. Car elle est d'abord humaine...

Michel Claessens

Michel Claessens

Michel Claessens est directeur de la communication du projet ITER à Cadarache.

Docteur en sciences, il a été journaliste scientifique. Son dernier ouvrage s'intitule Allo la science ? (Editions Hermann, 2011).

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Les retentissantes affaires judiciaires de ces dernières semaines posent et reposent cette question aussi vieille que l’humanité : comment savoir qui dit « vrai » ?Ainsi, DSK a-t-il violé la femme de chambre du Sofitel new-yorkais ? Bref, comment mettre au jour la vérité sur ces affaires, je veux dire la " vraie vérité " ?

Certaines choses sont bonnes à rappeler : la vérité avec un grand « V » n’existe pas, même en science. Pour scientifique qu’elle soit, la police ne pourra jamais que confirmer ou infirmer des éléments matériels. A la rigueur expliquer dans ces affaires le « comment », mais guère le « pourquoi ». L’ADN de DSK se retrouve-t-il sur la chemise de la femme de chambre du Sofitel ? Peut-être. Mais celle-ci pourrait avoir porté sur l’épaule un drap de lit maculé pour le déposer à la laverie. Tout comme la science nous explique que l’Univers est passé par un « Big Bang », celle-ci est incapable de nous révéler le dessein sous-jacent – si tant est que celui-ci existe.

Pour le « grand public », la science reste identifiée à l’objectivité et à la vérité. Mais la science dit-elle le vrai ? En réalité, celle-ci ne peut que se rapprocher de la vérité. Les théories scientifiques sont en sursis, dans l'attente de l'expérience ou de la découverte qui les invalidera. Si la théorie de Newton est valable sur Terre, c’est la relativité d’Einstein qui, à l’échelle astronomique, rend le mieux compte des phénomènes. Mais on sait aussi que celle-ci sera un jour remplacée. « La vérité en science, a écrit le prix Nobel autrichien Konrad Lorenz, peut être définie comme l'hypothèse de travail qui débouchera sur la meilleure hypothèse suivante ». Pas sûr, néanmoins, que cela s’applique aux idées de Claude Allègre sur le réchauffement climatique, rassemblées dans ce livre au titre volontairement ambigu : Ma vérité sur la planète (Plon, 2007). En science aussi, nombreuses ont été les « avancées » qui se sont rapidement dégonflées…

Rivalités scientifiques

Le public est toujours troublé lorsqu’il constate que la science ne parle pas d’une seule voix. Les crises sont à cet égard éclairantes car elles mettent en lumière, sous les projecteurs des médias, les limites de la connaissance, qui s'incarnent sous la forme de dissonances voire de discordes entre les chercheurs qui viendront s'exprimer sur le sujet. Pire, les scientifiques ou plus exactement les experts apparaissent parfois en public comme des rivaux, s’affrontant sur leurs approches et interprétations respectives.

Cependant, perdure dans notre société le mythe d’une science pure et objective, avec le soutien – au moins passif – des scientifiques qui bénéficient ainsi d’une belle bulle d’impunité. Cela arrange également les politiques qui, on l’a vu avec la vache folle et d'autres crises récentes, sont prompts à s’appuyer sur les (in)certitudes de la science et à reporter sur les scientifiques la prise de décision. Or, le chercheur est rarement bien placé pour appréhender un problème de société, complexe par nature. Car les succès de la science tiennent aussi, paradoxalement, à ses limitations. D’une certaine manière, la science est l'art de simplifier une question jusqu'à ce qu'elle trouve une réponse. La physique sait traiter le cas du pendule idéal (entendez dans le vide absolu) mais n’a pas de solution formalisée au problème dit « des trois corps » (trois éléments matériels en interaction gravitationnelle).

Presse et science : même combat pour la vérité

En s’arrogeant le monopole de l’objectivité, les hommes de science contribuent involontairement à décrédibiliser les gens de presse. A côté des premiers, sérieux et objectifs, les seconds ne peuvent apparaître que futiles et partiaux. Pourtant, ayant été l’un et l’autre, je constate que chercheurs et journalistes partagent bien des choses. Le travail du scientifique consiste aussi à enquêter auprès des grands « acteurs » du monde et des « stars » de l'univers pour nous révéler leur vie, leurs interactions et leur intimité. Et le journaliste doit aussi mener ses enquêtes avec objectivité, multiplier les preuves et recouper ses sources pour faire éclater « toute la vérité ». Ne partagent-ils pas également le fait de rechercher l'exclusivité et de travailler dans l'urgence de la priorité intellectuelle ? Ajoutons encore qu’ils sont tous deux grands producteurs et consommateurs de récits - ce véhicule fondamental cher à Paul Ricœur qui permet le transfert de l'expérience dans le langage et la connaissance.

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