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Rififi entre les Républicains et Henri Guaino : qui récupérera le morceau de la vraie croix du gaullisme ?
©DOMINIQUE FAGET / AFP

Droite

Défaite d'Alain Juppé à la primaire, candidatures externes de Michèle Alliot-Marie et de Henri Guaino... La droite gaulliste vit des heures compliquées au sein du parti Les Républicains.

Atlantico : Ce dimanche, Jean-François Lamour, responsable des investitures LR pour les prochaines législatives, a été très clair envers Henri Guaino, affirmant que sa critique du programme de François Fillon l'exposait au risque de ne pas être investi par le parti pour ces élections. Alors que la droite "chiraquienne" est quelque peu rentrée dans le rang depuis les années Nicolas Sarkozy, qui est plus ou moins gaulliste aujourd'hui à droite ? Cette question a-t-elle encore un sens ? 

Maxime Tandonnet : Il faut bien sûr se poser la question de la nature du gaullisme. On ne dispose pas d'un corps de doctrine stable défini par le général de Gaulle et ses points de vue ont varié dans le temps. Quelques formules renvoient au gaullisme: indépendance nationale, Europe des Nations, politique de grandeur, participation, effort et rigueur sur le plan financier. Pour le gaullisme, dans la Constitution de la Ve République, le chef de l'Etat est un souverain au-dessus de la mêlée qui fixe un cap mais laisse le Premier ministre gouverner. On voit bien que la droite a clairement tiré un trait sur le fond de cet héritage. Elle a choisi délibérément depuis le début des années 1990, la politique des transferts de souveraineté à Bruxelles. Elle a oublié le thème de la participation.

Elle a laissé se creuser la dette et les déficits publics, se qui représentait, pour le Général, un désordre inadmissible. Elle a consenti à l'affaiblissement de l'industrie française. Enfin, avec le quinquennat et les primaires, elle a accepté une transformation radicale de la fonction du chef de l'Etat, en faisant de lui un super chef de gouvernement et leader d'une majorité. C'est ainsi que la fonction présidentielle est devenue partisane, ce qui est le sommet du scandale au regard de la conception du général de Gaulle. Aucun des leaders des Républicains ne s'est opposé à cette évolution. Le dernier de ce camp politique, Philippe Séguin, est mort en 2010. Dès lors, il reste la posture gaullienne, la prétention, par delà le fond des sujets, à se dire l'héritier du général. Alors là, c'est assez facile: tout le monde se donne des airs gaulliens et se réclame de lui: M. Juppé, M. Fillon, M. Le Maire, etc. Même au parti socialiste, même du côté extrémiste, certains se revendiquent de la légende gaullienne. On banalise le général en oubliant qu'avant tout, il fut le héros de l'appel à la résistance du 18 juin 1940, de la décolonisation de l'Afrique et de l'indépendance de l'Algérie. Il est l'une des grandes figures de l'histoire de France. Il appartient à la grande histoire. Se prendre pour le Général de Gaulle, aujourd'hui, est un signe express de bêtise ou de démence.

Alors que Michèle Alliot-Marie et Henri Guaino ont tous deux décidé de s'engager dans la présidentielle sans passer par la case primaire et qu'Alain Juppé a été nettement désavoué par les électeurs au second tour de cette même primaire, peut-on y voir le signe que le gaullisme ne peut plus s'accomoder aujourd'hui du système partisan et de la mainmise des partis politiques sur la vie politique ?

Mme Alliot-Marie se réclame du gaullisme mais on aimerait comprendre à quel titre elle serait plus gaulliste que M. Juppé, M. Fillon, M. Le Maire ou tout autre. Elle a été l'un des principaux ministres des gouvernements des présidents Jaques Chirac et Nicolas Sarkozy, avec un bilan sûrement fort honorable. Mais quelles prises de position, quels actes, quelles attitudes, permettent de marquer sa différence gaulliste? Franchement, il serait intéressant de le savoir. Quant à Henri Guaino, de fait, il existe surtout en tant que créature de Nicolas Sarkozy. Le gaullisme est fondé sur un état d'esprit particulier. Ce n'est pas le "je" qui compte, mais uniquement la Nation. Le Général ne doit rien à personne et ne s'accroche jamais. Dès qu'on ne veut plus de lui, il part. Le 20 janvier 1946, en désaccord avec les partis, il démissionne. En mai 1958, il attend qu'un consensus pour son rappel se fasse dans la classe politique. Pendant sa présidence, il ne cesse de répéter que son mandat tient à la confiance populaire. Le jour où les Français ne voudront plus de lui, il s'en ira. Le 27 juin 1969, il démissionne après sa défaire au référendum sur la régionalisation et le Sénat. Les responsables politiques actuels font tout le contraire. Ils s'accrochent en permanence, pour durer le plus longtemps possible. Ils cumulent parfois les mandats pendant des décennies, et mêmes battus d'un côté par le suffrage universel, s'arrangent pour réapparaître ailleurs.

Beaucoup ne savant pas s'arrêter, passer à autre chose, admettre qu'ils ne sont pas indispensables. Cette attitude est à l'exact opposé de l'exemple du général de Gaulle. Quant aux partis politiques, de l'extrême droite à l'extrême gauche, ils servent surtout de tremplin à la réalisation d'ambitions électorales, à travers les investitures. Mais cela ne signifie évidemment pas que le fait de se démarquer de ces partis soit une garantie de gaullisme. Dans le cas de M. Macron, par exemple, sa candidature hors PS n'en fait pas un candidat gaullien. Tout son succès pour l'instant tient à la médiatisation, à une apparence, à une image. Or, le gaullisme est tout le contraire: une volonté, une ambition, un projet d'action.

Nicolas Dupont-Aignan et son mouvement Debout la France ne cachent pas leur volonté de s'emparer de ce créneau se réclamant du gaullisme. Pour autant, le voir réaliser un score à la présidentielle de plus de 6 ou 7% reste assez improbable. Cela signifie-t-il selon vous que les électeurs de droite ont tourné la page de cet "héritage" ? Peut-il réellement s'incarner dans un candidat, dans un parti ?

Nicolas Dupont-Aignan, sur le fond des idées, démontre une constance et une fidélité aux idées gaullistes qui l'honorent. Concernant, son avenir électoral, dans le climat actuel, il faut se méfier des pronostics et des sondages. Sa difficulté vient de son positionnement politique, d'un puissant parti lepéniste, et de l'absence de soutien du reste de la droite républicaine.

Non, je ne pense pas que les électeurs de droite aient renoncé à l'héritage gaullien. Au contraire, il me semble qu'une vraie nostalgie entoure la personnalité du Général. Elle représente à la fois l'héroïsme de la Résistance et les années 1960, de plein emploi, de croissance, d'espérance collective. Il donne l'image d'une politique intègre. Le souvenir du Général, qui exigeait de payer les factures d'électricité de son appartement privé à l'Elysée, est resté gravé dans les esprits. Il est intéressant de voir comment, même chez les plus jeunes, l'image du Général reste très présente et positive. Il ne faut pas se faire d'illusion, son époque est révolue: le de Gaulle héros national ne reviendra plus tel quel.

Mais la figure qu'il incarne dans l'imaginaire collectif reste très présente: un homme passionné par le seul intérêt de son pays, attaché à son indépendance et à sa grandeur et générosité, tout en tenant compte de l'environnement international, qui ne s'accroche pas, prêt à tout plaquer si on ne veut plus de lui, d'une parfaite honnêteté. Même s'il y a là une sorte de paradoxe relative à l'exercice des primaires, par nature contraires à la présidence telle que la concevait le Général, on peut penser que les électeurs ont porté leur suffrage vers François Fillon en percevant en celui-ci, le temps des débats télévisés, une lointaine réminiscence du Général de Gaulle, par exemple quand il a parlé des chrétiens d'orient, de la politique d'indépendance et des réalités sur le plan international. Désormais, le plus difficile pour lui est de ne pas décevoir cette impression...

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