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Le gouvernement d'Elisabeth Borne multiplie les annonces et les dépenses dans le cadre de la feuille de route des 100 jours de la Première ministre.
Le gouvernement d'Elisabeth Borne multiplie les annonces et les dépenses dans le cadre de la feuille de route des 100 jours de la Première ministre.
©GONZALO FUENTES / POOL / AFP

Trajectoire budgétaire

Confronté à la nécessité de retisser un lien avec les Français, le gouvernement flambe « joyeusement » aujourd’hui les économies qu’elle permettra de faire (un peu) demain.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : Depuis plusieurs jours, le gouvernement multiplie les annonces. Quel est le coût de ces mesures ?

Philippe Crevel : Donc en fait, depuis le vote de la loi sur les retraites, le gouvernement multiplie les engagements, que ce soit dans le domaine de l'éducation ou du logement. Pour le moment, seuls certains de ces engagements ont été chiffrés. Mais ces mesures représentent déjà plusieurs milliards d'euros : Plan vélo, 2 milliards, la réforme des lycées professionnels 1 milliard, l’accessibilité des lieux publics aux personnes en situation de handicap 1,5 milliard. Et la plus onéreuse concerne la rémunération des enseignants (entre deux et trois milliards d’euros). C’est une annonce qui est conforme à l'engagement pris lors de la campagne présidentielle, mais cela représente néanmoins un coût considérable. Dans le même temps, le ministre de l’Économie appelle à une réduction des dépenses publiques, ce qui montre qu'il y a des tensions au sein du gouvernement. Il semble y avoir de la friture sur les ondes gouvernementales.

Petit à petit, on arrive à des sommes non négligeables. Dans quelle mesure cela interroge-t-il notre trajectoire budgétaire ?

Les montants peuvent interroger notamment que la France devra inscrire sa trajectoire budgétaire dans celle du nouveau pacte de stabilité. Pour le moment, on en est loin. Le Haut conseil des finances publiques l’a souligné, tout comme le cabinet Fitch.

Dans quelle mesure est-ce que c'est à analyser comme une espèce de tentative de réconforter la population, après une séquence très houleuse sur les retraites ?

Après les mouvements sociaux importants, tout président a la volonté de retisser les liens sociaux. Une formule que Jean Pierre Raffarin avait utilisée après 2003 et qui s'applique avec encore plus d'acuité en 2023. Il est nécessaire au président d’essayer de « faire passer la pilule », en donnant quelques ersatz. C’est une stratégie classique, mais qui ne va pas aider à l'assainissement des finances publiques.

Avec des annonces qui représentent déjà entre 10 et 15 milliards d’euros. Cela ne va-t-il pas réduire à néant la marge budgétaire de la réforme des retraites ?

La réforme des retraites doit normalement, générer un point de croissance d’ici la fin de la période, améliorer le taux d’emploi de 3 points, etc. Et on évalue que, d’ici la fin de la période, la réforme pourrait avoir dégagé entre 10 et 12 milliards d’euros. Certaines estimations vont jusqu’à 20 milliards d’euros.

Il faudra faire le bilan à la fin du coût des mesures réellement mises en place, mais il est certain que cela réduit l’intérêt de la réforme des retraites sur le plan budgétaire. Mais les bénéfices qu’est censé rapporter la réforme sont en train de fondre comme neige au soleil à mesure des annonces. D’autant que les dépenses annoncées sont immédiates alors que les rendements de la réforme des retraites ne se feront que dans 4 ou 5 ans. Ce ne serait pas la première fois qu’une réforme des retraites n’est que peu rentable, comme celle des régimes spéciaux en 2007.

Pourrait-on craindre encore plus de dépenses, au vu du contexte social toujours tendu ?

Il n’y a pas de volonté des syndicats de mettre le pays à l’arrêt pour l’instant. Ils ont fait ce qu’il fallait pour ne pas que LFI capte leur base. Donc le problème du gouvernement c’est avant tout de renouer avec les partenaires sociaux et avec les Français, ainsi que de passer à l’après. Il n’y a pas pour l’instant un climat qui pourrait inciter à dépenser sans compter.

Le chef de l’Etat entend mettre en scène le dynamisme et l’attractivité de l’économie française avec des annonces cette semaine sur la réindustrialisation du pays pour tourner la page des retraites. Cette stratégie peut-elle payer ?

Le président doit effectivement tourner la page et vendre autre chose, il s’appuie sur ce qui est son credo depuis le début, l’attractivité de l’économie française.  Il doit mettre en avant cela et lutter contre le Rassemblement national. Il essaie donc de trouver de l’air sur d’autres terrains. Avec une majorité relative difficile à gérer, il doit essayer de reconquérir l’opinion et de déplacer un peu les lignes.

Mais on le voit bien: l'agence Fitch a dégradé la note de la France, donc la rhétorique défendue depuis des années pourrait être mise à mal par ce genre de choses qui remettent en cause sa capacité à réformer et à assainir les finances publiques. C’est toute sa stratégie qui pourrait s’en trouver remise en cause. Même si l’emploi s’est nettement amélioré, ce ne sont pas des emplois à forte qualification, ce qui entraîne une forte désillusion.

Choisir l’économie et la thématique de la réindustrialisation peut-il lui permettre de répondre et faire reculer le Rassemblement national ?

Emmanuel Macron, même s’il ne se représente pas, ne veut certainement pas être le président qui a mené au pouvoir l’extrême droite. Il lui faut donc sauver les meubles. Pour cela il doit construire quelque chose et proposer une alternative. Les thématiques de 2027 seront vraisemblablement, l’immigration, le travail et les retraites et le social, et notamment le logement. La question c’est de savoir comment les macronistes peuvent exister en la matière.

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