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Respirez, vous êtes (presque) 
sauvés : ce vaccin qui pourrait 
guérir l'asthme
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Halte aux suffocations

Yeux larmoyants, effrayante suffocation, éternuements... autant de symptômes que l'on pourra bientôt mettre aux oubliettes. En effet, une équipe de chercheurs associés de l'Inserm et du CNRS est en train de tester un vaccin qui pourrait éradiquer l'asthme allergique.

Bruno Pitard

Bruno Pitard

Bruno Pitard est directeur de Recherche CNRS mais aussi le fondateur de IN-CELL-ART. Il dirige l’équipe Innovations en Biothérapie de l’Institut du Thorax qui travaille actuellement au test d'un vaccin qui serait capable de guérir l'asthme allergique. 

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Atlantico : Vous faites partie des chercheurs qui travaillent sur un vaccin capable de guérir l'asthme allergique. Au premier abord, il est très surprenant d'entendre parler de ce type de médecine pour des maladies respiratoires. Quelles recherches vous ont amené au test du vaccin ?

Bruno Pitard : L’asthme allergique est lié à une mauvaise réponse du système immunitaire du patient, qui produit des immunoglobulines (IGE) contre un antigène qui en réalité est un allergène inoffensif. En effet, ni le pollen ni les acariens ne sont fondamentalement dangereux, par conséquent le système immunitaire n’a aucune raison de réagir de façon aussi exagérée et conduire vers une réaction allergisante et le développement d’une pathologie telle que l’asthme. Si on en arrive là, c’est parce que le système immunitaire s’emballe dans une mauvaise direction, appelée TH2, qui produit une réaction en chaîne physiologique qui produit un cocktail de molécules inflammatoires qui affectent le tissu pulmonaire, et permettent le développement d’un asthme allergique.

Pour empêcher cet emballement nocif, l’expertise des nano-vecteurs, des nano-taxis (ces "véhicules" qui permettent à l'ADN de passer la membrane des cellules) et des taxis moléculaires a été un avantage décisif car ils permettent de délivrer des molécules d’ADN dans les cellules. Par exemple : quand on consomme de la salade, on ingère des cellules végétales dans lesquelles il y a de l’ADN végétal. Cet ADN n’est pas absorbé par les cellules de l’intestin. C’est parce que les cellules sont protégées et empêchent l’ADN de rentrer. Cette protection, il faut la contourner pour faire entrer l’ADN qui code l’allergène à l’origine de l’asthme respiratoire.  C’est là qu’intervient ce taxi qui prend le rôle de passe muraille qui pourra faire passer au travers de la membrane de la cellule l’allergène de l’acarien.

Une fois cette opération faite, le muscle de la souris va repérer la protéine de l’acarien qui ne fait pas partie de son répertoire immunologique et va déclencher une réaction immunitaire qui cette fois va partir dans la bonne direction. C’est une rééducation du système immunitaire qui l’oriente vers une réaction que l’individu aurait dû faire mais qu’on va aider à faire en le vaccinant avec ses nano-taxis délivrant les molécules d’ADN qui codent l’allergène respiratoire.  Ainsi, suite à l’injection, tous les composants communautaires vont concourir au niveau des poumons à diminuer l’inflammation.

Vous décrivez l'asthme comme une sorte de dysfonctionnement de notre système immunitaire. Si l'on suit votre raisonnement, il est étonnant qu'autant de personnes dans le monde en soient atteintes, comment expliquer cette expansion de l'asthme ?

Il faut comprendre que chez les Hommes, il y a un terrain allergique et un terrain génétique. Un grand nombre de mutations qui permettent un terrain propice à l’allergie respiratoire ont été identifiées sur certains gènes, à cela on peut ajouter l’effet de facteurs environnementaux. Ce sont les principales pistes qui peuvent expliquer qu'en dix ans le nombre d’allergiques ait doublé en Europe.

Jusqu’à présent on soignait l'asthme par la désensibilisation, cette pratique était-elle inefficace ?

La désensibilisation consiste à injecter l’allergène à petites doses et de façon répétée. Son efficacité est contestable car le traitement peut durer plusieurs mois, voire plusieurs années. Or, l’injection de vaccin s’attaque au cœur de la pathologie et oriente le système immunitaire, une bonne fois pour toutes. On éradique la déformation.

Pour l'instant il est à l'état de test, mais sait-on dans combien de temps ce vaccin sera commercialisé ?

La société en charge de développement pharmaceutique pour cette nouvelle classe de vaccins – qui sont aussi efficaces dans le cadre du cancer du foie, il a été prouvé que les nano-taxis fonctionnent très bien dans ce cas aussi puisque l’on peut embarquer différents antigènes, pour des vaccins prophylactiques ou thérapeutiques – est encore dans la phase réglementaire qui consiste à tester les nanosphères dans les conditions GMP (Good Manufactoring Product) statut obligatoire avant de pouvoir envisager des injections chez l’Homme. Ce sont des étapes obligatoires avant tout début de commercialisation.

Dans la pratique, à quel moment ce vaccin pourra-t-il être administré ? Parle-t-on seulement d'une prise préventive, ou les gens qui sont déjà atteints pourront-ils aussi en profiter ?

Les expériences ont été menées dans le cadre de la prévention de l’asthme allergique. Cependant, on peut envisager un traitement curatif une fois la pathologie mise en place. Les essais cliniques devront déterminer si l’on réagit différemment dans le cadre d’une prise préventive ou dans le cadre d’une prise curative. Les éléments détenus actuellement obtenus par une observation de la souris ne permettent pas encore de dire comment cela va se décanter chez l’Homme.

On parle d'asthme allergique mais il existe plusieurs types d'asthme, ce vaccin pourra t-il aussi les prévenir ?

Pour l’instant, on s’est focalisé sur l’asthme allergique lié aux acariens, cependant la découverte du nano-taxi est une découverte clé. En effet, on peut désormais influer sur les molécules et on peut totalement imaginer mélanger dans les compositions vaccinales à la fois les allergènes des acariens et des allergènes d’autres origines pour traiter des phénomènes d’asthme différents. Cependant, pour l'instant l’asthme allergique concerne 50% de la population asthmatique.

Propos recueillis par Priscilla Romain

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