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Refus de l’extradition, plainte contre le procureur de Paris, et après ? Pourquoi l’avocat de Salah Abdeslam a un beau coup à jouer du fait de l’attente que suscitent les déclarations de son client
©Reuters

La parole à la défense

Alors que l'arrestation en Belgique de Salah Abdeslam, membre présumé du commando ayant perpétré les attentats de Paris le 13 novembre dernier, fait beaucoup parler en France, la stratégie offensive de son avocat pourrait bien lui permettre d'occuper le champ médiatique, à défaut d'empêcher une extradition inéluctable.

Thierry Lévy

Thierry Lévy

Thierry Lévy est avocat et associé fondateur du cabinet Thierry Lévy & Associés. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages consacrés à la justice pénale et à la procédure criminelle (L’animal judiciaire, Grasset, 1975 ; Le désir de punir, Fayard, 1979 ; Le crime en toute humanité, Grasset, 1984 ; Justice sans dieu, Odile Jacob, 2000 ; Éloge de la barbarie judiciaire, Odile Jacob, 2004 ; Nos têtes sont plus dures que les murs des prisons, Grasset, 2006).

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Atlantico : En annonçant que son client s'opposait à son transfèrement en France et indiquant vouloir porter plainte contre le procureur de la République de Paris, l'avocat de Salah Abdeslam, Sven Mary, s'est immédiatement montré très offensif. Que peut-il réellement espérer ? Son accusation envers François Molins est-elle crédible ? Qu'est-ce que cela laisse entrevoir de la ligne de défense qu'il a choisie pour Salah Abdeslam ?

Thierry Levy : Je pense que cet avocat a très bien réagi et que c'est une excellente initiative de sa part. Nombreux sont ceux qui ont remarqué que le procureur de la République de Paris ne respectait pas le secret de l'instruction dans cette affaire. S'il a effectivement le droit de publier des communiqués dans le cadre d'une affaire présentant des risques de trouble à l'ordre public, à des fins d'information, il ne me semble pas qu'il puisse comme il l'a fait reproduire des passages entiers de procès-verbaux.

D'autre part, cela représente un geste assez maladroit de la part du procureur de la République, car il semblerait que Salah Abdeslam était prêt à s'expliquer, or il est probable qu'il aura désormais moins envie de le faire dès lors que tout ce qu'il dit au juge dans le secret de l'instruction est immédiatement divulgué.

En ce qui concerne ce que nous pouvons attendre d'une telle stratégie, il est clair qu'au stade du procès, les choses seront très difficiles pour cet homme, mais au stade de l'instruction, je pense qu'on attend beaucoup des déclarations de Salah Abdeslam. Par conséquent, il y a une belle partie à jouer pour son avocat.

Y a-t-il des vices de procédure que Sven Mary pourrait invoquer dans ce dossier qui implique deux pays différents ? De combien de temps peut-il réellement espérer retarder l'extradition de Salah Abdeslam en France ?

Dans cette affaire, nous sommes dans l'espace judiciaire européen. Par conséquent, les mandats européens sont soumis à des formalités simplifiées. L'extradition aura donc bien lieu. Cette stratégie de gain du temps ne pourra pas excéder un délai de trois mois. Quant à la question de savoir s'il existe des irrégularités de procédure dans ce dossier, je n'en sais rien. Mais il semble bien que cet avocat combatif soit disposé et capable de les exploiter, ce qui est parfaitement légitime.

L'avocat de Salah Abdeslam a indiqué aux médias que son client coopérait avec la justice belge et qu'il représentait pour cela une "mine d'or". Peut-il espérer à ce titre des réductions ou des remises de peine en cas de condamnation ?

C'est une question beaucoup plus difficile, je ne sais même pas s'il est possible d'y répondre à l'heure actuelle, à ce stade de l'enquête. Les faits qu'on lui reproche sont tout de même d'une extrême gravité, et je vois mal comment un tel marchandage pourrait avoir lieu, même si cela n'est pas non plus théoriquement exclu. Imaginer des réductions de peine ou des aménagements de peine (sur ses conditions d'incarcération par exemple) me paraît franchement irréaliste dans la mesure où les remises de peine ne dépendent pas du tribunal qui statuera sur la culpabilité ou non de Salah Abdeslam, et encore moins des enquêteurs.

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