Quand les califoutraques islamiques sont confrontés à leur propre barbarie<!-- --> | Atlantico.fr
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L'enfer de l'Etat islamique
L'enfer de l'Etat islamique
©Reuters

Effrayant miroir

Au-delà des attaques à l’étranger, Daech est impitoyable avec les populations qu'il contrôle et même avec ses partisans. Justice factice et exécution sommaire en public attendent quiconque oserait critiquer l'autorité islamique.

Alain Rodier

Alain Rodier

Alain Rodier, ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français, est directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Il est particulièrement chargé de suivre le terrorisme d’origine islamique et la criminalité organisée.

Son dernier livre : Face à face Téhéran - Riyad. Vers la guerre ?, Histoire et collections, 2018.

 

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Atlantico : Comment l'Etat islamique fait-il respecter la charia dans ses rangs ?

Alain Rodier : On a tendance à oublier (ou à nier) que Daech a constitué un "Etat" avec les structures qui vont avec, à l'exception d'un "ministère des Affaires étrangères". Il s'est donc doté d'une "justice" et d'une "police" qui dépendent généralement d'un gouvernorat local. Naturellement, ces deux départements appliquent la loi islamique dans toute sa rigueur. Les criminels de droit commun sont impitoyablement châtiés (mains ou/et pieds tranchés, fouet, décapitations, etc.), les homosexuels sont jetés du haut d'immeubles et quand ils sont encore vivants à l'arrivée, ils sont lapidés par la foule (entraînée par des cadres de Daech) et les femmes adultères sont aussi lapidées. Dans le meilleurs des cas, elles sont exécutées d'une balle dans la tête. Un gros problème: les tribunaux sont exclusivement composés d'hommes, il n'y a pas d'avocats et les condamnations sont souvent faites sur dénonciations...

Les exécutions publiques de ceux que l'Etat islamique considère comme des "traitres", qui sont lapidés, brûlés vifs ou encore jetés du haut d'un immeuble, servent-elles d'avertissement ou le but est-il d'éliminer systématiquement et sommairement tout individu qui mettrait en doute la charia ?

Il est évident que la médiatisation des "exécutions" (il convient plutôt de parler d'assassinats) est destinée à impressionner les populations. D'ailleurs, en dehors du net qui n'est pas facilement accessible par tous dans les territoires contrôlés par Daech, il convient de constater que ces horreurs sont publiques, les populations étant "invitées" à y assister voire à y participer. Les jugements sont lus en public, le supplicié attendant à genoux l'exécution de la sentence connue d'avance. Certain se débattent et appellent à l'aide la foule qui ne bouge pas. La terreur imposée par les bourreaux est bien trop importante. Cela rappelle étrangement le régime des Khmers rouges. Nous nous trouvons face à des exterminateurs qui ont troqué le communisme contre le salafisme-jihadiste.

Les médias, par les images impressionnantes de ces exécutions qu'ils véhiculent, sont-ils devenus les outils de contrôle et d'intimidation privilégiés de l'Etat islamique?

Oui, mais surtout à destination extérieure. La pression est mise directement sur la population par la "police" de Daech qui parade dans des voitures dûment estampillées "police" et dotées de gyrophares. A noter la brigade féminine al-Khanssaa qui se charge de contrôler les femmes, en particulier leur "tenue correcte" quand elles ont l'occasion de sortir de chez elles (voilées et accompagnées par un membre mâle de la famille). Dans le domaine de l'horreur, Daech fait preuve d'une imagination débordante. Les crucifixions puis l'exposition des dépouilles sont souvent destinées à des membres même de Daech qui ont été condamnés pour traîtrise (ou quand il se sont livrés à des trafics destinés à leur usage personnel et pas à la communauté, en particulier le racket). La rumeur court que des volontaires étrangers ont ainsi été éliminés car ils voulaient retourner dans leurs pays. L'information n'est pas encore confirmée. Par contre, tout le monde a en mémoire l'"exécution" de deux "espions russes" par un enfant à peine âgé d'une douzaine d'années.

Les djihadistes vont même jusqu'à fouiller les maisons, les téléphones et les ordinateurs de la population à la recherche de preuves de ce qu'ils estiment être des pratiques "immorales". L'objectif est-il de donner l'impression d'un contrôle total ?

Absolument. Il faut rajouter à cela que les populations sont encouragées à renseigner les membres de la "police" de Daech. Le côté délateur qui existe dans toute guerre civile est omniprésent. Cela permet de maintenir un climat d'insécurité latent favorable au "maintien de l'ordre". En réalité, c'est le règne de la terreur absolue.

L'Etat islamique rencontre-t-il beaucoup de résistances? Quels facteurs l'encouragent et quelles formes prend-elle ?

La résistance interne est pour le moment réduite. Des tribus sunnites ont bien tenté de se révolter en Syrie mais cela a été étouffé dans l’œuf en massacrant hommes, femmes et enfants. Par contre, des indices d’essoufflement des combattants commenceraient à se faire sentir. Des cas de désertion auraient été constatés. Ces déserteurs tenteraient de rejoindre la Turquie ou d'autres mouvements dont le Front al-Nosra. Je n'ai pas encore entendu parler d'une femme qui ait réussi à s'enfuir... Ce phénomène pousse à Daech à multiplier les checkpoints, particulièrement dans la région de Raqqa et le long de la frontière turque. Ces points de contrôle sont souvent tenus par de tout jeunes activistes qui montrent un zèle démesuré.

Il est difficile de prévoir combien de temps pourra tenir Daech avec ce système de terreur. L'EI tente bien aussi d'apporter une aide sociale, sanitaire et alimentaire aux populations qu'il contrôle pratiquant la politique de la "carotte et du bâton".  Mais il semble qu'il soit confronté à de nombreuses difficultés. Il lui manque des bras et c'est pour cette raison qu'il tente de recruter un maximum de volontaires étrangers pour qu'ils le rejoignent. Il en a besoin dans son réduit syro-irakien pour tenter de faire vivre son "Etat".

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