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Propriétaire de sa maison mais pas de son terrain : la tendance anglo-saxonne qui essaie de se faire une place en France
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Tous propriétaires !

Les États-Unis ont trouvé le moyen de faire accéder les classes pauvres à la propriété, il y a de cela 30 ans, grâce au "community land trust". Autrement dit, acheter un logement tout en étant locataire du terrain. Après avoir conquis le Canada, l'Australie, la Grande-Bretagne, la Belgique ou encore le Kenya, le concept pourrait bien s'implanter en France.

Patrice de Moncan

Patrice de Moncan

Patrice de Moncan est économiste et historien de la ville. Il est titulaire d'un Doctorat d’économie et d'une licence d’Histoire.

Auteur d’une trentaine d’ouvrages dont Le Paris d’HaussmannLes passages couverts de ParisVilles utopiques et villes rêvéesÀ qui appartient la France, Il vient de publier avec Gilles Ricour de Bourgies Que vaut Paris ?, Histoire et analyse de la propriété immobilière aux Éditions du Mécène.

Il prépare actuellement une série d’ouvrages sur la propriété immobilière dans les grandes villes de France et leur valeur financière.

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Atlantico : Pour permettre aux foyers modestes français d'accéder à la propriété, une association du nom de « Community Land Trust France » voudrait proposer l'achat de logements avec location des terrains. Concrètement, comment ce système importé du monde anglo-saxon peut-il s'adapter au contexte français ?

Patrice de Moncan : En théorie, il n’y aurait pas vraiment de problème d’adaptation. D’ailleurs il y eut différentes expériences en France qui relevaient de la même philosophie : permettre aux familles défavorisées de devenir propriétaires. Le programme des « chalandonnettes » demandait, à  la fin des années 60, aux promoteurs immobiliers qu’ils proposent des modèles de « maisons à 100.000 francs ». Environ 65.000 maisons à prix modestes ont ainsi été construites dans toute la France entre 1970 et 1972.

Plus récemment il y a eu les « maisons à 100.000 euros » du Ministre Borloo. Si ces deux initiatives n’ont pas été couronnées du succès attendu, elles montrent au moins la possibilité qu’ont ces types des projets de voir le jour.

Le modèle des CLT n’a donc rien de très original en soi, sinon les règlements qui imposent des conditions particulières à la revente. Des systèmes identiques existent aussi en Amérique latine, comme au Nicaragua par exemple, où des organismes offraient il y a quelques temps la possibilité d’acquérir un toit pour un prix équivalent à moins de 5.000 euros.

Quels sont les principaux avantages de ce système ?

Les avantages d’un de ces systèmes est à première vue essentiellement social : offrir la propriété des logements à bas prix aux plus défavorisés. Elle a aussi un avantage certain pour les gouvernements. En effet, la propriété immobilière est un bouclier contre l’émeute et la révolution. « Enrichissez-vous » disait Guizot, au cœur du XIXe siècle, le siècle le plus révolutionnaire que la France ait connu. Le cas du Nicaragua relève du même esprit : faire reculer les favelas.

Et quels sont les principaux risques ?

Le risque principal réside surtout dans le fait que le rêve ne soit pas tenu. Quelques exemples concernant des « maisons à 100.000 euros » l’ont montré récemment. Les propriétaires déchantent rapidement quand ils constatent qu’à ce prix, leur « toit » n’est pas aussi parfait qu’ils l’espéraient… et que des travaux et de nombreux frais sont engendrés par cette propriété.

Autre risque dans le cas des CLT, la réaction d’un propriétaire quand il voudra vendre sa maison et qu’il réalisera qu’il ne profite absolument pas de la plus-value engendrée. D’avoir accepté cette règle au début de son aventure l’apaisera-t-il vraiment ?

Ensuite ce système est limité géographiquement au secteur où le foncier est bon marché. Je ne l’imagine pas appliqué dans des villes comme Paris, vu le prix du terrain. Quelle association privée acquerra un terrain à Paris ou en proche banlieue pour construire une maison ?

Le  community land trust a été récompensé par le World Habitat Award comme étant le meilleur projet d’habitat au monde. Mais est-ce vraiment la meilleure réponse à la crise aujourd'hui ? Quelles pourraient-être les autres solutions selon vous ?

Le CLT n’est à mes yeux qu’une réponse parmi d’autres, dont celles citées en début d’article. Et cette récompense montre le manque d’idées des politiques en la matière. La véritable solution serait que les villes, les collectivités locales et l’État prennent en charge ce problème. Pourquoi par exemple le logement social appartenant à ces organismes ne serait-il pas, pour partie, mis en vente à des prix avantageux pour les locataires ? Il est probable que la gestion des grands ensembles de logements sociaux serait beaucoup simplifiée et que les problèmes sociaux rencontrés régulièrement dans les « cités » se trouveraient sensiblement réduits.

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