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Productivité au bureau : les aliments qui la boostent… et ceux qui la tuent
©Reuters

Manger mieux pour travailler mieux

Régime alimentaire trop pauvre ou nourriture trop riche prise sur le lieu de travail : une alimentation inadaptée peut coûter cher aux différents pays dans le monde - jusqu'à 20% de leur productivité. Notre alimentation joue donc un rôle plus qu'important dans notre capacité de concentration et d'efficience.

Atlantico : Quel rôle joue l'alimentation dans la productivité ? A-t-elle une fonction dans notre capacité de concentration et d'attention ? 

Valérie Orsoni : Comme le montre une  étude de l'OIT de 2005 (Office International du Travail),  l'accès à une nourriture saine des travailleurs quels qu'ils soient est un facteur de rentabilité pour les entreprises, une bonne alimentation permettant des gains de productivité, l'amélioration du moral des travailleurs, la prévention des accidents et la réduction des dépenses de santé. A l'échelle nationale, une alimentation adéquate peut accroître de 20 pour cent la productivité.

Cette étude de l'OIT met en évidence le fait que dans les pays riches où l'obésité et les maladies endémiques qui y sont liées (les cancers, le diabète et les maladies cardiovasculaires) font rage, certains employeurs proposent des menus équilibrés ou facilitent l'accès à des aliments plus sains en organisant par exemple des marchés fermiers sur le site de l'entreprise.

Toutefois, le plus souvent, "les programmes de restauration sur le lieu de travail sont des occasions manquées. Loin de le favoriser, le travail empêche l'accès à une alimentation de qualité. Lorsqu'elles existent, les cantines offrent généralement une nourriture uniforme et peu équilibrée. Les distributeurs automatiques sont systématiquement remplis de produits préjudiciables à la santé", déclare Christopher Wanjek, auteur de la cette étude de l'OIT.

Catherine Grangeard : A. Laisdell, biologiste à l’Université  de Californie Los-Angeles (UCLA) montre dans une récente étude (sur des rats) que la junk food et le surpoids qu’elle entraîne, nous conduit à la paresse et à la sédentarité. Et non le contraire. "L’auteur de l’étude, 45 ans, raconte qu’il a lui-même modifié son régime alimentaire, il y a 5 ans. Il évite les aliments transformés, le pain, les pâtes, les céréales et les aliments avec sucre ajouté. Il mange des viandes, des fruits de mer, des œufs, les légumes et les fruits. Il dit avoir constaté des améliorations spectaculaires de son état de santé, à la fois physique et mental."

La psychanalyste que vous interrogez répondra différemment d’un biologiste, d’un nutritionniste. Outre les qualités intrinsèques des aliments, la représentation que chacun est importante. Cette représentation est construite socialement, elle diffère selon les époques et les lieux et la représentation est individuelle. Ainsi le même aliment, avec ses particularités aura des incidences différentes.

Quels types d'aliments ont des conséquences néfastes sur nos capacités réactives et donc notre productivité ? Au contraire, quels sont ceux qui l'accélèrent ? 

Valérie Orsoni :Tous les produits raffinés et fortement sucrés avec un Indice Glycémique (IG) élevé provoquent un pic glycémique qui retombe au bout de quelques heures, provoquant un manque de vigilance et de concentration du travailleur ainsi qu'une diminution de sa productivité. Un taux de sucre sanguin trop bas (hypoglycémie) réduit le temps de concentration et ralentit la vitesse de traitement de l'information du cerveau, et surtout déclenche une envie encore plus grande de produits sucrés.

Les aliments à bannir au petit déjeuner sont : les barres de céréales chocolatées et toutes céréales hyper-raffinées, le pain blanc et les viennoiseries. Le petit déjeuner français est à cet égard un non-sens nutritionnel car trop sucré.

Il vaut mieux privilégier un repas incluant des protéines animales ou végétales, des glucides complexes comme le sarrasin, le pain complet ou encore du muesli complet et de bons lipides pour alimenter le cerveau. C'est pourquoi je recommande un demi-avocat avec une pointe de fleur de sel ainsi qu'une belle tranche de pain de sarrasin grillée, et comme boisson du thé vert, du café ou encore du Sobacha (infusion de sarrasin torréfié), le tout accompagné d'un fruit frais. Si la faim est plus importante, un peu de jambon blanc rassasiera les plus affamés sans alourdir la digestion.

D'autre part, nous avons à faire face à un autre problème : la carence en fer qui touche 50% de la population (pourcentage montant à 80% pour les femmes). Le manque de fer dans le sang provoque une modification du transport de l'oxygène sanguin amenant  faiblesse et manque de coordination suivi d'une baisse des performances physiques et intellectuelles de 30 %.

On privilégiera donc les aliments riches en fer comme les abats principalement les foies, le cacao, tous les fruits de mer et le poisson, les fruits secs, des légumes comme les crucifères, les légumineuses (haricots, pois chiches, petits pois) ou encore les œufs, sans oublier tous les oléagineux comme les noix, amandes les noisettes, sésame noix de cajou et cacahuètes. Ne pas oublier d'y associer la vitamine C qui facilite l'absorption du fer : orange, citron, pamplemousse mais aussi le brocoli par exemple. Pour les carencés chroniques en fer il faut éviter le thé ou le café au cours d'un repas, car leurs tanins freinent l'assimilation du fer par les intestins... Je précise qu'il s'agit du fer contenu dans les aliments qu'on est en train d'ingérer et que le tanin n'a aucun effet sur le fer déjà stocké  dans notre organisme !

Autre problème : le manque d'eau ! Une déshydratation de 1% est responsable d'une diminution de 10% des performances physiques et intellectuelles, une déshydratation de 2% est responsable d'une réduction de 20% des performances.

Donc il est primordial de boire en travaillant... Mais boire de bonnes boissons comme les eaux minérales, les infusions comme le thé vert par exemple à l'exception de tous sodas light ou pas.

Catherine Grangeard : La viande rouge est associée à des idées de force… sauf chez les végétariens qui y voient un cadavre. Dans certaines familles, donner des oranges au dîner d’un enfant, c’est lui prédire une nuit agitée. Ailleurs, la croyance étant différente, il y a fort à parier que la petite dose de vitamine C n’aura guère d’effet… J’arrête ici les exemples et vous laisse penser aux vôtres.

L’affect nous lie aux aliments. On adore tel plat parce qu’il nous rappelle que c’était celui de la veille des examens ou des compétitions sportives que Maman préparait avec soin pour nous aider à sa manière. A l’opposé, d’autres ont en horreur les épinards ou le foie de veau qu’il fallait terminer avant de sortir de table malgré le dégoût ressenti… La Madeleine de Proust est un souvenir collectif ! L’effet placebo existe dans ce domaine de l’alimentation comme dans d’autres. Est-ce qu’il suffit d’y croire pour que tel aliment "booste" ? pas tout à fait. Mais peut-être un peu.

Qui plus est lasensation dépend également de chacun. Après un repas plantureux, nous savons tous que la somnolence est plus au rendez-vous qu’une productivité maximale… Les variations individuelles sont composées de mécanismes à la fois physiques et psychiques, dans le rapport entretenu avec l’alimentation.

Nous ne pouvons pas dénier qu’un repas d’aliments de bonne qualité nutritionnelle a des effets préférables sur la concentration, la productivité comme vous le dites dans la question. Il faut donc évidemment privilégier les aliments sains et naturels aux aliments industriels, préparés. Bien sûr ! Parce que le rapport que nous entretenons avec l’alimentation dépend de bien d’autres aspects que les réalités chimiques, biologiques des aliments, il est très complexe de traiter les problèmes qui y sont liés. Les anorexies et les obésités par exemple sont aussi mentales.


On connaît bien les effets bénéfiques sur la santé des fameux "5 fruits et légumes par jour". Est-ce que cela s'applique aussi à la productivité ? Est-ce que la façon d'organiser ses repas (manger 3 repas séparés) peut aussi avoir des conséquences bénéfiques sur notre productivité ?

Valérie Orsoni : Les 5 fruits et légumes sont en fait indispensables mais pas suffisants. Je préfère parler des 10 fruits et légumes par jour. Leur niveau élevé en fibres permet d'assurer un bon transit, de réguler la glycémie (sujet évoqué plus haut) et donc d’améliorer la concentration au travail. Par ailleurs, si ces fruits et légumes prennent la place de viande rouge, plats en sauce ou autre, cela va réduire l'apport énergétique et permettre aux travailleurs de conserver un poids sain. Enfin, leur digestion étant plus aisée que les plats riches, un employé revenant à son bureau après un déjeuner comportant plus de fruits/légumes et moins de produits énergétiques sera plus a même de réfléchir clairement. Je conseille même quatre repas par jour : à 8-12-16 et 20heures afin d’éviter les pics et creux glycémiques.

La manière dont est présenté notre plat influe-t-elle sur notre efficacité ? L'impression d'en avoir beaucoup dans son assiette nous permet-elle de nous rassasier et par conséquent de nous sentir mieux en mangeant moins ?

Catherine Grangeard : Tout à fait, l’influence de l’aspect de la nourriture se constate aisément. Les bons aliments doivent aussi être beaux… A défaut ils ne suscitent pas l’envie. L’assiette de la nouvelle cuisine joue sur la présentation plus que sur la quantité en vertu de ce principe. Les industriels aussi… Calibrer les légumes a la conséquence néfaste de créer une habitude qui exclut les spécimens les plus naturels. "Manger moche" est un nouveau slogan pour montrer que "manger sain" est essentiel. C’est aussi lutter contre les apparences tellement prégnantes de la société. Le marketing travaille sur la présentation bien plus que sur la qualité nutritionnelle. Les sommes qui y sont consacrées en témoignent…

Si l’on pense "manger bon", c’est-à-dire se donner ce qui est bon pour soi, bon pour la santé, l’efficacité pour reprendre l’angle de votre approche, une satisfaction en découle. Et vous le savez bien, il vaut mieux être dans l’estime de soi que dans la contrariété. C’est un raisonnement basique et tout à fait réel.

Ensuite, "se sentir rassasié" permet de penser que l’on a reçu selon nos besoins. Et j’ajoute que c’est variable selon les personnes. En sortant de table avec cette impression, le souci de se nourrir, d’avoir en soi les forces pour continuer la journée,  offre un sentiment de sérénité qui permet de se concentrer sur ce que l’on a à faire. D’où le malaise qui accompagne les régimes hypocaloriques, puisque la faim n’est pas comblée, ou seulement partiellement. Le sentiment de privation est parfois le moteur de la frustration du régime et provoque son échec alors que les besoins caloriques ont été couverts. Ce qui fait défaut : la satisfaction.

Sans oublier les principes présentés rapidement précédemment, la représentation peut s’opposer à la réalité. Subjectivement plus qu’objectivement, le ressenti incline telle personne vers l’idée qu’elle a trop ou pas assez, à quantités égales, à qualités égales.

Quels proportion et type d'apports alimentaires notre cerveau a-t-il besoin pour mieux fonctionner et interagir ?  

Catherine Grangeard : Pour la dernière partie de votre question, le cerveau se nourrit certes mais ce n’est pas non plus uniquement de nourriture terrestre ! Cette pirouette me permet de revenir au bon sens. Qui imagine que la nourriture industrielle et transformée à outrance peut avoir la même qualité, donc le même effet que celle cultivée à proximité, sans trop de pesticides, d’engrais et cuisinée sans ajouts intempestifs de mauvaises huiles, etc ? Qui peut penser que le fruit frais n’aura pas toutes les qualités attendues, et sera préférable à la pâte à tartiner pour tous les petits déjeuners ? Est-ce plus fatiguant, plus long voire même plus cher ?

Manger ailleurs que devant un écran a tout autant d’effet que ce que l’on mange. Et d’ailleurs on ne mange pas la même chose quand on se concentre sur ce qu’on mange… Alors, tout cela a des effets sur les résultats obtenus par notre alimentation sur la globalité de notre personne !

Le film SUPER SIZE ME, de Morgan Spurlock  (2004), montre très bien les effets de la nourriture sur lui. Il rejoint le chercheur dont nous parlons au tout début… et les expériences que l’on fait après un banquet. On ne peut pas dire que l’on soit alors d’une efficacité soutenue ! En s’appuyant sur ce vécu, pas de problèmes, chacun sait quoi faire (ou éviter).

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