Pourquoi le prochain mandat d'Angela Merkel devrait être loin d'une partie de plaisir<!-- --> | Atlantico.fr
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La réélection d'Angela Merkel est quasiment acquise.
La réélection d'Angela Merkel est quasiment acquise.
©Reuters

Difficultés en vue

La réélection d'Angela Merkel ne fait aucun doute. Forte d'un excellent bilan économique, la chancelière allemande va toutefois devoir se pencher sur des dossiers compliqués sur lesquels elle risque de se casser les dents.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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La réélection d’Angela Merkel ne fait pas de doute. Elle est acquise. Mais la coalition qui lui permettra de gouverner sera sans doute plus étroite et fragile que celle sur laquelle elle s’est appuyée jusqu’à maintenant. D’où la nécessité de ferrailler plus qu’avant. D’autant qu'elle va se retrouver avec une Allemagne qui va devoir affronter puis corriger quelques-unes de ses faiblesses qui vont apparaître au grand jour… Sur l’énergie, la compétitivité, l’attractivité, la démographie, l’immigration, son rôle dans l’Europe, l’Allemagne va rencontrer un certain nombre de réalités que l’opinion n’a pas voulu voir jusqu’à maintenant mais qui vont s’imposer au futur gouvernement.

Angela Merkel termine son mandat au volant d’une économie qui s’apparente à une Rolls Royce. Mais elle va se retrouver dans l’obligation de changer le moteur et quelques autres éléments fatigués et obsolètes. Pas facile avec une majorité de plus en plus exigeante et remuante. Contrainte et forcée, Angela Merkel va peut-être s’engager dans le mandat de trop.

Le 22 septembre prochain, il est quasiment acquis que la chancelière allemande sera réélue. Tous les sondages la donnent gagnante même si la majorité des sondeurs souligne l’étroitesse de la coalition qui lui permet de gouverner. Le parti démocrate chrétien risque de perdre quelques sièges mais surtout le parti Liberal FDP, dont elle a besoin, n’est pas sûr d’obtenir le nombre de suffrages nécessaires pour siéger au Parlement. On s’orienterait donc vers une coalition avec le parti de gauche SPD, ce qui changerait la manière de gouverner.

Quoi qu’il en soit, Angela Merkel aura terminé son mandat avec la mention très bien, assortie des félicitations du jury. C’est le seul chef d’Etat ou de gouvernement occidental à avoir survécu à la crise. Tous les autres ont été balayés.  Il faut dire que c’est la seule à avoir anticipé et mis son pays aux normes de la modernité et de la mondialisation.

Il y a plus de dix ans, elle a fait du Churchill, sans trop le dire. C’est-à-dire des larmes, de la sueur et du sang. Aujourd’hui, l’Allemagne en tire les bénéfice et elle, elle en touche les dividendes politiques.

1er point, économiquement, tout va bien. L’économie allemande n'a pratiquement pas de déficits publics, avec un endettement maitrisé. L’économie allemande est excédentaire en commerce extérieur. Elle vend plus à l’étranger qu'elle n’achète. D’où ses excédents. L’Allemagne est excédentaire au niveau des budgets. Les moyens qui ont été mis en place sont très connus. Les services publics et sociaux sont gérés avec une rigueur extrême. A qualité égale pour le client, c'est-à-dire pour le citoyen, les dépenses publiques et sociales sont inférieures de 100 milliards d’euros à ce qu’elles représentent en France. Cent milliards de moins dans le public, c’est 100 milliards de plus pour l’économie privée, 100 milliards de plus pour l’investissement, l’emploi et la compétitivité des entreprises. Le résultat, c’est peu de chômage et particulièrement chez les jeunes. Le résultat c'est moins d’inégalités et plus d’espérances de pouvoir d’achat. La majorité des Allemands qui vont voter pour Angela Merkel va le faire pour des raisons économiques. Ils sont satisfaits, dans le contexte actuel de la crise, par les résultats qui sont délivrés en termes de pouvoir d’achat, d’emploi et de vie quotidienne. La classe moyenne ne souffre pas de la crise, et n’appréhende pas trop l’avenir, contrairement à ce qui se passe dans les autres pays d’Europe, qui sont complètement à la traîne...

2e point, le soutien et l’aide apportée à  l’Europe. Qu'on le veuille ou non, l’Europe n’a pas explosé pendant la crise pour une seule raison. L’Allemagne ne l’a pas voulu et par conséquent, l’Allemagne a tout fait pour préserver son équilibre. L’Allemagne a besoin d’un marché unique pour écouler ses exportations, mais ce n’est pas la seule raison, l’Allemagne a aussi besoin de l’Europe pour des raisons politiques et culturelles. Donc l’Allemagne a beaucoup discuté, mais elle a toujours payé sa quote-part et plus. L’Allemagne a toujours conditionné sa participation à l’obtention de garanties quant au fonctionnement de ses partenaires mais elle n’a pas demandé autre chose que ce qui était prévu dans les traités. L’Allemagne considère que l’Europe est une copropriété, que chaque copropriétaire doit payer ses charges de fonctionnement sinon ça ne marche pas. Pour la majorité des Allemands, Angela Merkel représente une garantie contre toutes les dérives laxistes et inflationnistes de certains de ses partenaires. La façon dont elle a refusé et repoussé les attitudes et les projets de François Hollande, a été bien reçu par les Allemands. La France, en dépit de toutes les promesses électorales qui avaient été faites, a dû se soumettre aux principes de réalité. François Hollande a dû, lui, se soumettre à ce qu'il appelait le modèle allemand sans pour autant en accepter les contraintes en termes de reformes de la gestion budgétaire et en termes de compétitivité ou de réforme du droit du travail. Ce qui nous a beaucoup affaibli.

3e point, au niveau diplomatique, Angela Merkel a pris, compte tenu de la puissance économique de l’Allemagne, le leadership en Europe. François hollande est marginalisé. Il le sera tant qu’il n’aura pas redressé les finances publiques. Nous sommes comme les individus surendettés : nous sommes complétement tributaires de nos voisins et de nos banquiers. Pas encore du FMI comme en 1958 ou 1962 mais ça peut venir vite et, ce jour-là, il n’est pas dit que nous puissions nous relever d’une telle honte.

Au-delà de l’Europe, on l'a bien vu ce week-end lors du G20, Angela Merkel s’est livrée à deux manœuvres complémentaires : d’abord, elle a confirmé la marginalisation de Françoise Hollande en refusant de participer à une coalition d’intervention. Plus grave, elle a même refusé de l’entendre sur la Syrie. Pas notre problème. "Tant qu' il n y aura pas de preuves, tant qu' on ne saura pas qui est responsable de quoi, tant qu' on ne nous expliquera pas par quoi, par qui on pourra de façon démocratique remplacer le dictateur actuel, on ne bougera pas le petit doigt". L’explication que donnent les diplomates allemands est ultra limpide. Mais le plus cocasse dans ce qui s’est passé pendant ce G20, c’est la façon dont Angela Merkel s'est rapprochée de Vladimir Poutine, le président russe, en marginalisant une fois de plus la France. Pour les Allemands, la Russie et les anciens pays de l’Est offrent des gisements de croissance considérables. Il faut donc que les entreprises allemandes aillent chercher cette croissance en empêchant d'autres de venir. Angela a été ce week-end un agent commercial hors pair.

L’Allemagne n’appartient pas au conseil de sécurité de l’ONU, mais son pouvoir et son autorité apparaissent désormais aussi important sinon plus. François Hollande a dû se sentir bien seul en rentrant de Saint-Pétersbourg.

Angela Merkel, a dû se sentir renforcée pour gérer la dernière semaine de campagne. Quoi de plus confortable ? D’un côté, un bilan économique sans taches. De l’autre, l’assurance que l’Allemagne est respectée et écoutée au niveau européen et même international.

Maintenant, la chancelière va devoir s’armer pour ce qui sera sans doute son dernier mandat en essayant de faire en sorte que ça ne soit pas le mandat de trop. Pourquoi ? Parce que les équilibres allemands qui structurent la société et sécurisent l’avenir risquent fort de se détériorer... L’Allemagne a des point faibles qui vont nécessiter une prise de conscience des populations et un nouveau train de réformes de fond.

Le premier dossier de préoccupation quant à l’évolution à moyen et long termes porte sur la démographie. L'"Allemagne ne fait plus d’enfants depuis trente ans, par conséquent sa population vieillit et son activité économique est en risque de rupture. Le moteur de la croissance c'est, qu'on le veuille ou non, la population, sa taille, son âge, sa formation... La démographie, c'est d’un côté le marché et de l’autre, les forces de production.

Si on regarde la démographie, la France est beaucoup mieux lotie que l’Allemagne. Or redresser la démographie d’un pays relève d’une politique difficile à mettre en œuvre. La chancelière va devoir s'attaquer aux différents chantiers qui concourent à fabriquer une démographie d’avenir, à savoir :

- Un, la politique familiale qui n’incite guère a protéger la famille. Or, une politique familiale à la française coûte cher au budget .

- Deux, l’immigration. Il faudra que l’Allemagne, pour compenser son déficit de natalité, accepte l’immigration et gère dans la foulée l’intégration. Ce qu'elle ne sait pas faire.

- Trois, la formation. C’est sans doute pour la gouvernance allemande le chantier le moins difficile. Encore que son système éducatif très performant au niveau de l’apprentissage technique devra faire des progrès au niveau supérieur .

Le deuxième dossier, porte sur l’attractivité de l’Allemagne. L’Allemagne n’attire pas les investisseurs, pas les touristes, pas les immigrés riches, qui préfèrent s’installer à Genève ou à Londres et, plus grave, l’Allemagne fait fuir un peu ses capitaux intérieurs, son épargne. Ce phénomène inquiète les plus hautes sphères de l’Etat.. La situation est difficile à gérer sans tomber dans la tentation du paradis fiscal et du dumping. Dans ce domaine d'attractivité, les Allemands ne sont pas champions.

Le troisième dossier concerne la compétitivité. Elle s’effrite. Elle va continuer à s’effriter compte tenu des revendications salariales qui se traduisent toutes par des hausses de salaires. Par ailleurs le relèvement des rémunérations a été un des moyens pour l’Allemagne de soutenir la demande et par conséquent de participer à la reprise en Europe. Ce faisant, ce mouvement de reprise touche au coût du travail  et par conséquent à la compétitivité. Si l’Allemagne veut rester au premier rang dans la compétition internationale, il faudra qu'’elle redresse sa compétitivité.

Le quatrième dossier très lourd porte sur l’énergie. C’est le maillon faible de l’économie allemande. L’Allemagne, pour des raisons politiques, s’est privée d’installations nucléaires. Toujours pour des raisons politiques, l’Allemagne s'interdit d’investir dans les gaz de schistes. La chancelière espère que les élections lui apporteront une majorité qui lui permettrait de revenir sur tous ces interdits. L’Allemagne dépend aujourd'hui principalement de la Russie pour ses approvisionnements. L’énergie est l’un des facteurs clefs de la compétitivité internationale au même titre que le coût du travail. Sur le coût "énergie", l’Allemagne est très mal placée. Angela Merkel n a pas abordé la question pendant la campagne électorale. Il lui faudra impérativement le faire après .

Le cinquième gros dossier concerne les rapports avec l’Europe. La politique de financement de la crise dans certains pays de l’Europe du sud est à la limite de l’overdose. Le contribuable allemand sait qu'il a déjà payé très cher depuis le début de la crise, près de 100 milliards d’Euros. A partir du moment où certains pays comme la Grèce ne font aucun effort de redressement, à quoi bon poursuivre ? C’est la question que devra résoudre Angela Merkel. C’est sur ce point que sa nouvelle majorité sera la plus remuante. C’est sur le dossier européen que la chancelière pourrait, à l’avenir, se casser les dents.

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