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Pourquoi le désarroi des marchés financiers est une excellente nouvelle pour l’économie
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Rodéo

La Fed va cesser d’acheter des obligations. C'est une bonne nouvelle : nous retournons dans une période où le coût du capital va être déterminé par le marché et non plus par la Fed, ce qui va remettre le système en équilibre.

Charles Gave

Charles Gave

Charles Gave est président de l'Institut des Libertés, un think tank libéral. Il est économiste et financier. Son ouvrage L’Etat est mort, vive l’état  (éditions François Bourin, 2009) prévoyait la chute de la Grèce et de l’Espagne. Il est le fondateur et président de Gavekal Research et de Gavekal Securities, et membre du conseil d’administration de Scor.

 

 

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Article précédemment publié sur le site de l'Institut des libertés

Depuis quelques semaines, les marchés sont en plein désarroi, ce qui ne surprendra guère les lecteurs de l’Institut des Libertés (voir  mon article, « Timber », publié en Avril 2013). Derrière ce qui commence à ressembler à une déroute, la hausse des taux longs aux USA déclenche un ajustement qui est sans doute loin d’être fini… Et contrairement à nombre de commentateurs, je trouve que tout cela est une bonne, une très bonne nouvelle.

Explication. Dans un système économique, deux entités peuvent créer de la monnaie “ex nihilo”, la banque centrale et les banques commerciales.

  • La monnaie de banque centrale s’appelle la base monétaire,
  • La monnaie des banques commerciales le crédit (pour faire simple).

Base monétaire +  crédit  forment la Masse Monétaire (M).

Quand les banques ont fait n’importe quoi pendant longtemps, un certain nombre d’entre elles se retrouvent avec des emprunteurs qui ne peuvent pas les rembourser et doivent donc enregistrer des pertes. Or il se trouve que les banques prêtent en général au minimum 12 fois leur capital (et parfois bien plus). Si donc une banque doit prendre une perte de 100 parce que monsieur Dupont ne peut pas la rembourser, elle va devoir réduire ses prêts d’au moins 12*100= 1200 et donc réclamer un remboursement anticipé à messieurs Martin et Durand , ou refuser d’accorder un prêt parfaitement légitime à monsieur Smith. De ce fait, la masse monétaire créée par le secteur privé  s’écroule…

Comme MV=PQ  (rappel M représente la quantité de monnaie en circulation sur une période donnée.

V  représente la vitesse de circulation de la monnaie/P représente les prix et/ Q les quantités.)

Si M se met à  baisser et si V (l’appétit au risque) ne compense pas, le PIB nominal PQ (PRIX * QUANTITES) va se ratatiner et nous aurons une dépression. C’est ce qui s’était passé pendant la grande dépression des années 1930. Milton Friedman a montré que pendant cette période, la masse monétaire aux USA  avait baissé d’un tiers, la banque centrale ne faisant rien pour compenser la baisse du crédit. Et donc, depuis 2008 et le début de la grande crise bancaire, monsieur Bernanke, confronté à une baisse considérable de la masse monétaire du secteur privé s’est mis à imprimer de l’argent comme un fou pour que M ne s’écroule pas, compensant par la hausse de la base monétaire la baisse du Crédit, et il a fort bien fait.

Certes, je n’étais pas d’accord avec lui sur la nécessité de mettre les taux à  zéro (pour des raisons que j’explique ci dessous), mais ceci est un débat subsidiaire… Et du fait des actions de la Fed, M, à la différence de ce qui s’était passé pendant les années 1930, n’a pas baissé, ce qui est une très bonne chose et nous n’avons pas eu de dépression aux USA.

Mais Milton Friedman a aussi montré qu’une banque centrale pouvait influencer l’économie en se servant de trois outils :

  • Les taux d’intérêts,
  • Le taux de change  et
  • La masse monétaire,

... Mais que la dite banque centrale ne pouvait utiliser à chaque moment que l’un de ces outils et certainement pas deux, et encore moins les trois à la fois. Et donc, depuis 2008, la Fed a ciblé la masse monétaire au travers des opérations de “quantititative easing”, avec succès et le dollar s’est baladé là ou il voulait…Mais c’est là où les choses se gâtent. Depuis quelques mois, les banques US qui ont été recapitalisées se sont remises à prêter de l’argent et donc le secteur privé se met à créer de l’argent à nouveau

Comme le disait Milton Friedman (encore lui!) : “ L’inflation toujours et partout a été un phénomène monétaire ». Nous n’avons eu aucune inflation depuis 2008 parce que la masse monétaire aux USA n’a pas augmenté depuis cette date. Or maintenant, et depuis quelques mois, elle se met à monter à nouveau…Du coup, le marché obligataire Américain commence à se dire qu’un danger inflationniste se profile à l’horizon et baisse pour signaler à la Fed qu’il est temps, grands temps, d’arrêter toutes ces opérations de QE.

Je vais faire simple : le marché obligataire ne baisse pas, comme semblent le croire les journalistes, parce que la banque centrale va arrêter d’acheter des obligations. La réalité est exactement inverse.

La Fed va cesser d’acheter des obligations PARCE QUE le marché obligataire baisse, signifiant de ce fait qu’elle va cesser de s’intéresser à la masse monétaire pour revenir au contrôle des taux d’intérêts.C’est donc une excellente nouvelle, nous retournons dans une période où le coût du capital va être déterminé par le marché et non plus par la Fed, ce qui va remettre le système en équilibre. Hélas…

Comme la Fed a maintenu des taux zéro pendant très longtemps (trop longtemps?) et a laissé croire aux marchés que ces taux bas allaient durer toujours, des masses de capitaux absolument gigantesques se sont investis dans des opérations dites de « portage »  (carry trade), du style, j’emprunte à ma banque à  1 % et j’achète une obligation « pourrie » qui me donne du 7 %, et bien sur « Je ne peux pas perdre ». Et ces opérations de portage ont eu lieu sur l’or, l'argent métal, les obligations des pays émergents en monnaie locale, les actions à fort rendement,  les obligations pourries, que sais-je encore…

Au passif de ces opérations, nous trouvons toujours un emprunt en dollar, à l’actif les supports mentionnés plus haut.Et chaque fois, le dollar emprunté  a été vendu  pour acheter le support sur lequel on ne pouvait pas perdre, d’où la baisse du son taux de change…Et il va donc falloir dénouer toutes ces spéculations en même temps…Mais il n’y a pas d’acheteurs.Et donc le gérant qui s’est livré à ce genre d’activité téléphone à son broker pour lui dire de vendre ce qu’il a à l’actif de son portefeuille et ce dernier lui dit, « très bien, mais à qui? » Et ces marchés tombent dans un trou noir…et le dollar monte…

Résumons nous :

  • La banque centrale US a perdu le contrôle des taux.
  • Le monde entier a « shorté  » le dollar.
  • De ce fait , le Dollar va monter très fortement quand il va falloir couvrir toutes ces ventes ‘short »
  • Tous ceux qui sont « short » le Dollar vont prendre une énorme culotte.
  • Il y a peu ou pas d’acheteurs -aux prix actuels-pour les actifs que nos gérants ont en portefeuille.
  • Nous allons donc avoir des liquidations forcées, les bons investissements baissant autant que les mauvais.
  • Des valorisations incroyables vont apparaitre.
  • Pour ceux qui auraient suivi mon conseil et levé un peu de cash, le moment arrive où il va falloir mettre des limites idiotes très en dessous des cours actuels sur les bons investissements, en espérant être exécutés pendant les phases de panique, qui ne vont pas manquer de se produire.

Bonne chance, il va y avoir du rodéo.

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