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Pourquoi la France a une carte à jouer entre une Angela Merkel nostalgique de l'ère moralisante d'Obama et un Donald Trump qui ne se préoccupe que des intérêts de l'Amérique
©MANDEL NGAN / AFP

Coup de poker

Entre des positions tranchées impossibles à tenir ou des lignes dures pas toujours perspicaces que promeuvent ses alliés, la France a l'opportunité de se démarquer.

Jean-Sylvestre Mongrenier

Jean-Sylvestre Mongrenier

Jean-Sylvestre Mongrenier est docteur en géopolitique, professeur agrégé d'Histoire-Géographie, et chercheur à l'Institut français de Géopolitique (Université Paris VIII Vincennes-Saint-Denis).

Il est membre de l'Institut Thomas More.

Jean-Sylvestre Mongrenier a co-écrit, avec Françoise Thom, Géopolitique de la Russie (Puf, 2016). 

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Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Atlantico : Alors que Donald Trump se déplaçait en Europe la semaine passée, Angela Merkel recevait Barack Obama à Berlin, affichant une certaine nostalgie. Entre la vision, souvent qualifiée de populiste des "brexiters" et de Donald Trump et celle affichée par Angela Merkel ou Barack Obama, la France ne pourrait-elle pas avoir une carte à jouer dans une sorte de compromis entre les deux ? Comment celui-ci peut-il se traduire ?

Edouard Husson :De fait, la France doit avoir la politique de sa géographie, pour reprendre une célèbre formule de Napoléon. Nos frontières font de nous un pays terrestre et maritime; nous ne pouvons pas, nous ne devons pas choisir entre l'Europe et le grand large; nous sommes le pays des interfaces, le pays des médiations. En fait, nous avons trop oublié que la France est appelée à garantir, l'équilibre des puissances en Europe. Là où les Britanniques ont une conception négative du "balance of power", nous sommes amenés à en développer une version constructive, organisatrice. Le dernier à l'avoir pratiqué activement, c'est de Gaulle. Alors, oui, vous avez raison, il se développe aujourd'hui une nouvelle "lutte des classes", avec clairement deux partis politiques, dans chaque pays, comme à la fin de la République romaine: les "Optimates" d'aujourd'hui s'appellent "mondialistes"; en face d'eux on trouve les populistes, ceux qu'à Rome on appelait les "popolares". Ce sont partisans et adversaires du Brexit; c'est Trump contre Clinton; c'est Macron contre Le Pen. L'Allemagne est le paradis des "Optimates"; ils y règnent jusqu'ici sans partage. Vous remarquerez que les débats dont nous parlons n'opposent pas des hommes ou femmes politiques issus du peuple à des hommes ou femmes politiques issus des classes aisés. Trump est un milliardaire qui embrasse la cause du populisme. La famille Le Pen est fortunée etc.... C'est au sein des classes supérieures que se déroule le débat. C'est des milieux dirigeants que partira, en France ou ailleurs, une voie médiane, si elle doit émerger. Je regarde l'expérience britannique d'après le Brexit avec beaucoup d'intérêt car il me semble que le parti conservateur nous montre la voie: respect du suffrage populaire; acceptation du Brexit mais au nom d'une Grande-Bretagne ouverte sur le monde; retour à une politique industrielle. François Fillon s'est trompée de campagne: il avait une "dame de fer" de retard, nous faisant du Margaret Thatcher alors qu'il aurait fallu faire du Theresa May. 

Jean-Sylvestre Mongrenier :Faut-il parler de nostalgie ? Madame Merkel est bel et bien chancelière et  elle gouverne dans le temps présent, en fonction d’anticipations sur le futur. Son parti, la CDU, a remporté plusieurs élections cruciales au cours des dernières semaines et la popularité de son concurrent social-démocrate, Martin Schultz, pâlit. Au total, les élections générales de septembre prochain pourraient bien reconduire Angela Merkel à la tête de la future majorité législative, et donc du gouvernement allemand. De surcroît, au regard des défis et des menaces qui pèsent sur l’Europe, il semble réducteur de parler pour la diplomatie française de « carte à jouer ». L’important est de bien identifier les risques et menaces, les enjeux de sécurité et de puissance, afin d’apporter des réponses collectives fortes, avec nos alliés européens et occidentaux. Inversement, il ne s’agit pas de pratiquer une sorte d’équivalent international de l’art de la synthèse, si chère au précédent chef de l’Etat, ou de s’enfermer dans des « ambiguïtés constructives » qui s’avéreraient improductives.

La montée en force des mouvements dits « populistes » exprime de réels problèmes, identitaires ou autres, qui ont un arrière-plan géopolitique. Par exemple, les conflits armés et les guerres du Grand Moyen-Orient (de l’Afrique du Nord à l’Afghanistan), les conflits divers et le sous-développement de l’Afrique noire, en pleine transition démographique, le caractère répressif de régimes autoritaires patrimoniaux en Haute Asie et l’absence de réformes sont à l’origine de puissantes flux migratoires dont la pression sur l’Europe est forte, quand bien même ces flux sont en partie contenus par l’accord migratoire négocié entre l’Union européenne (UE) et la Turquie. Il serait vain et fallacieux de nier l’effet de ces flux sur les sociétés européennes, sur le plan économique comme sur celui des « sociocultures » (les sociétés appréhendées à travers leurs normes, mœurs et valeurs). A l’évidence, le déni de l’« insécurité culturelle », à savoir la mise en péril des identités nationales ou autres, n’est plus de mise.

Indubitablement, la situation migratoire générale, sa médiatisation et l’image d’une grande pagaille ont « dopé » le vote des électeurs britanniques et, plus généralement les « populismes », de droite comme de gauche. L’arrogance de ceux qui sont sourds aux inquiétudes des opinions publiques a pu aussi jeter de l’huile sur le feu. Si les gouvernants ne prennent pas à bras le corps ces graves problèmes et persistent à voir dans les réactions d’une partie de la population de simples opinions et représentations subjectives (le « sentiment d’insécurité »), voire des pulsions immondes, la logique du pire finira par s’imposer. Simultanément, il faut être conscient que le repli derrière d’illusoires parapets nationaux se révèlerait gravement contre-productif. La reconquête des frontières doit être menée à l’échelle de l’espace Schengen et dans le cadre d’un effort collectif (garde-frontières européens, envoi de supplétifs dans les pays les plus exposés à la pression migratoire, mutualisation du renseignement). Par ailleurs, les Européens doivent s’engager sur les théâtres extérieurs où s’enracinent ces conflits et problèmes (islamisme, terrorisme, prétention iraniennes à la domination régionale), avec leurs conséquences gravissimes en Europe. Dans le cas de la Syrie, d’aucuns se sont illusionnés sur la possibilité de borner le chaos : on en a vus les conséquences. Là encore, cela suppose que l’on agisse en étroite alliance. Aucun pays européen ne peut s’engager seul sur le théâtre syro-irakien mais tous peuvent augmenter leur contribution à l’opération Inherent Resolve. Le très vaste espace sahélo-saharien constitue un autre front contre le terrorisme islamique où de plus grands efforts collectifs peuvent être produits (l’Allemagne et quelques autres ont déjà engagé hommes et moyens).

Vis-à-vis de l'Allemagne, de leur absence de consultation sur la question des migrants et leur refus de répondre au problème posée par les excédents commerciaux, de quelle manière la France pourrait-elle s'affirmer comme puissance intermédiaire ? Comment cette position médiane peut elle être constructive en marquant également une opposition face à Donald Trump ?

Edouard Husson : L'Allemagne a clairement failli à l'exercice du leadership sur l'Europe parce qu'elle veut faire de l'Europe un laboratoire de la politique "mondialiste". Angela Merkel a grandi en Allemagne de l'Est et l'on pourrait décrire son parcours comme menant de l'Internationale communiste à l'Internationale néo-libérale. De même que la RDA était le modèle au sein du bloc soviétique, Angela Merkel a voulu faire de la RFA l'élève modèle du bloc occidental. Au risque d'ignorer les intérêts de l'Europe. Notre intérêt n'est pas dans l'alignement sur la politique étrangère américaine; il n'est pas non plus dans une abolition totale des frontières commerciales ou migratoires. Pour la France, il s'agirait, d'abord, de revenir à une authentique politique européenne. Il est nécessaire de se prémunir des fluctuations des taux de change, par exemple en permettant à l'euro de fluctuer beaucoup plus en fonction de nos intérêts. Il faut cesser d'asphyxier monétairement les pays d'Europe du Sud. L'obsession du déficit doit être abandonnée: par exemple en distinguant entre budgets de fontionnements et budget d'investissement; on pourrait imaginer un accord européen qui prévoie qu'un pourcentage des excédents commerciaux soient obligatoirement réinvestis par la puissance excédentaire dans des programmes d'équipement, d'infrastructures et d'innovation européens. Il s'agit aussi de disposer de vraies frontières européennes - Schengen doit être complètement repensé. Je pense qu'Emmanuel Macron est trop mondialiste pour être sensible au mot d'ordre gaullien d'une "Europe européenne". Mais laissons lui le bénéfice du doute: la visite de Poutine à Paris est-elle le prélude d'un changement d'attitude, de la fin de l'alignement sur la russophobie merkelienne? 

Jean-Sylvestre Mongrenier :La question des réfugiés se posait déjà depuis des mois et les pays européens qui, pour des raisons géographiques, n’étaient pas immédiatement concernés, préféraient regarder ailleurs. Par exemple, on ne saurait dire que l’Italie a bénéficié d’un grand soutien de la part de ses alliés et partenaires. Cela faisait donc assez longtemps que la question était abordée mais elle demeurait pendante. Bref, il ne faudrait pas imaginer Angela Merkel soudainement impérieuse et désireuse de s’emparer de cette question afin d’affirmer l’unilatéralisme de l’Allemagne. C’est face au blocage de la coopération européenne et à l’urgence humanitaire qu’elle a pris la décision d’ouvrir ses frontières aux migrants, en respect du droit humanitaire, non sans « effets pervers », i.e. non voulus au départ. J’ajoute qu’une campagne de dénigrement a été engagée contre la chancelière allemande pour des raisons qui ont peu à voir avec cette question migratoire. Elle est vue comme un obstacle aux objectifs du Kremlin en Europe. Le pouvoir russe a vite identifié des « idiots utiles », séduits par le « péplum » slave-orthodoxe, prêts à relayer des contre-vérités et à  instrumentaliser le vieil anti-germanisme contre Angela Merkel.

S’il est vrai que les bonnes intentions peuvent avoir des effets regrettables, on ne saurait toutefois considérer la chancelière allemande comme responsable de cette situation. La guerre et le bombardement des villes syrienne (Alep-Est notamment) sont à l’origine des flux de migrants, non pas Angela Merkel. Par ailleurs, cette dernière a ensuite pris l’initiative de négocier un accord avec la Turquie, accord signé par l’UE : faudrait-il tout à la fois lui reprocher cette initiative et se féliciter du tarissement de ces flux ? Un peu de cohérence et de bonne foi s’impose. Il en va de même pour les excédents allemands. Fondamentalement, ils s’expliquent par la force de l’industrie allemande, les choix macro-économiques qui ont été opéré au cours des années 2000 et, en contrepoint, par l’insuffisante compétitivité d’autres économies. Le gouvernement allemand fait preuve de responsabilité dans la gestion de ses finances, bien plus que d’autres gouvernements européens, et il lui serait difficile d’expliquer au citoyen-contribuable qu’il devrait compenser les réussites économiques par plus de déficit et de dette publique. La question est certes complexe et le retour à une croissance saine en Europe implique des stratégies coopératives entre les gouvernements (retour à l’équilibre des finances publiques contre une certaine mutualisation des dettes ?) mais ne cherchons pas un bouc émissaire à nos difficultés. Le redressement des finances publiques relève du bien commun et le respect par la France de ses engagements lui donnera plus de force d’entraînement dans d’autres domaines d’action.

La France, « puissance médiane » en guise de programme diplomatique ? Entre qui et qui ? L’Allemagne et la Grèce ? Le summum de l’art politique consisterait-il donc à jouer les « honnêtes courtiers », à couper la poire en deux ou à dire « oui mais non » ?. Cela rappelle les petits calculs de François Hollande au début de son quinquennat : passer une alliance avec l’Europe du Sud contre Angela Merkel, tout en prétendant prendre celle-ci à revers avec le SPD (les sociaux-démocrates allemands). On sait le résultat de cette piteuse stratégie (il s’est montré plus ferme sur les théâtres extérieurs). La France demeure un acteur géopolitique d’importance, une puissance d’action dotée d’une influence certaine. Elle dispose d’« avantages comparatifs » sur le plan diplomatico-stratégique et doit en jouer  pour rétablir un « équilibre de déséquilibres » avec l’Allemagne et, au cœur de l’Europe, restaurer le pouvoir d’action du binôme Paris-Berlin. Quant à marquer une opposition à Donald Trump, pourquoi, pour faire quoi et dans quel domaine d’action ? L’anti-trumpisme, qui devient lassant, n’est pas une ligne d’action. Exception faite de l’accord climatique signé à Paris (la COP 21), sur lequel l’Administration Trump ne s’est pas encore engagée, il n’y a d’ailleurs pas d’opposition majeure. Rappelons que nos deux pays sont anciennement alliés et coopèrent très étroitement dans des domaines sensibles. Faudrait-il donc, pour se persuader d’exister, renouer avec l’illusion gaullo-maurrassiste de la « France seule » ? De Gaulle lui-même s’était bien gardé de sortir de l’Alliance atlantique. Il évoquait une alliance refondée entre l’« ancien Occident » et le « nouvel Occident ».

Entre la Grande Bretagne en plein Brexit et l'Allemagne qui critique ouvertement les anglais sur cette question,  quelle peut être la place de la France ? S'il est juste d'affirmer que les relations entre la France et son voisin allemand semblent partir du bon pied, quel serait l'intérêt de la France de se démarquer des deux capitales ?

Edouard Husson : Il y a une place à prendre: l'Union Européenne n'a aucun intérêt à une rupture avec la Grande-Bretagne. Le Brexit doit être aménagé. Etant donné que l'Allemagne risque de se perdre dans des arguties juridiques ou comptables ou bien - je plaisante à peine - déterrera le "I want my money back" de Margaret Thatcher pour justifier une position dure, la France n'aurait qu'à occuper l'esppace d'une position médiane. C'est de la bonne politique: nous devons sortir de notre tête-à-tête, devenu stérile, avec Berlin. Partout il nous faut désserrer l'étau qui enserre l'Europe, ce cadre international que ses populations n'ont pas choisi, et qui tue notre créativité. Notre nouveau président semble convaincu que le rééquilibrage de la relation franco-allemande passe par plus de fédéralisme européen; sans voir que l'Allemagne, après avoir refusé, finira par s'approprier l'éventuel renforcement des institutions européennes qui en résulterait. En fait, la seule solution viable, c'est de jouer la carte d'un compromis avec la Grande-Bretagne. Un des grands ministres britanniques des Affaires Etrangères du XIXè siècle, le disait: "Nous n'avons pas d'ennemi héréditaire, nous n'avons pas d'ami éternel". C'est une formulation négative; mais la France pourrait en tirer une maxime positive pour sa politique: les traités sont faits pour évoluer, les alliances pour s'adapter à l'évolution du monde. Investir une bonne partie de notre énergie dans une sortie par le haut de la situation créée par le Brexit ferait grandir notre influence: nous persuaderions nos partenaires de l'Union européenne que cette dernière s'enfoncera dans la crise si les traités ne sont pas révisables, adaptables aux réalités du temps. Si nous oeuvrons à un compromis entre Berlin, Bruxelles et Londres, nous serons crédibles quand viendra le moment de demander une révision des traités européens. 

Jean-Sylvestre Mongrenier :En plus de se distancier de Berlin et Washington, l’« intérêt » supérieur de la France consisterait à se « démarquer » de Londres ?  En résumé, il s’agirait d’abîmer les liens avec nos plus proches alliés. A quelles fins et avec quelles options de rechange ? Pour un titisme à la française ? La France n’a pas vocation à intégrer l’Alliance bolivarienne des Amériques, à rallier l’Union eurasienne et autres « stan », à prendre la tête d’une Union pour la Méditerranée repensée ou d’un « Grand Maghreb » francophone. Enfin, il ne s’agit pas de se « démarquer ».  Je crains que les mœurs et usages de la « société du spectacle » jadis annoncée par les situationnistes aient contaminé les perceptions et représentations de la vie politique internationale, y compris de la compétition stratégique et de la guerre. La finalité centrale de notre diplomatie doit être d’affirmer la place et le rôle de la France au cœur de ses alliances, en tant que puissance européenne et occidentale. Des puissances révisionnistes et revanchardes ont entrepris de détruire l’hégémonie occidentale et, si l’ordre international mis en place en 1945, étendu après la Guerre Froide, venait à s’effondrer, nous en souffririons gravement. Par exemple, la paix en Europe est aujourd’hui considérée comme un dû, un « acquis social » en quel sorte, mais on ne serait exclure le retour de grandes guerres interétatiques. Le « chacun pour soir » présenté comme le summum de la sagesse des nations nous y mènerait plus rapidement que l’on ne le pense.

Avec l’Allemagne, l’objectif est renforcer la cohésion et le bon fonctionnement de la zone Euro ainsi que de donner plus d’ampleur et de force à la Politique commune de sécurité et de défense (PCSD), en complémentarité de l’OTAN : il est urgent d’édifier un pilier européen au sein de l’Alliance atlantique qui permette aux Etats membres de mener des opérations en propre, avec des moyens militaires européens, et d’assumer de plus grandes responsabilités internationales dans leur environnement proche, au Sud et à l’Est de l’Europe. Il est beaucoup question d’un « état-major stratégique opérationnel » (le « QG » européen) qui pourrait fonctionner en permanence et conduire les opérations de l’UE sans devoir automatiquement passer par un état-major national. Certes, ce « QG » confèrerait plus de force et de réactivité à la PCSD mais l’essentiel n’est pas là. Les budgets et les capacités militaires sont insuffisants et une opération de quelque envergure requiert un fort soutien américain. Il faut plus de programmes d’armements et de capacités militaires en Europe (munitions, drones, transport stratégique, etc.). On en revient au « nerf de la guerre ».

Quant au « Brexit », il est important que les Vingt-Sept soient en accord sur les termes de la négociation, à peine amorcée (les négociations commencent en juin). Il n’est évidemment pas question qu’un Etat en partance bénéficie de l’accès au marché unique sans en accepter les contreparties, et il est de la responsabilité des Britanniques d’avoir refusé un statut semblable à celui de la Norvège ou même de la Suisse. Toutefois, la France a des liens militaires étroits avec le Royaume-Uni : cf. les accords de Lancaster House (2010). Ils doivent être maintenus tant sur le plan nucléaire que terrestre, naval et aérien. L’action commune de ces deux puissances de rang mondial demeure en effet essentielle, afin que l’Europe ne se transforme pas en une simple province de l’économie-monde et qu’elle conserve un rôle planétaire. Aussi Paris devrait-il travailler dans le sens d’un « grand partenariat continental » entre le Royaume-Uni et l’UE, partenariat qui viendrait renforcer la cohésion et la défense de l’Europe (en plus de l’OTAN). Par ailleurs, si la France entend conserver toute son autonomie stratégique, consolider son statut de « nation-cadre », contribuer de manière efficace au maintien de l’hégémonie navale occidentale et tenir un rôle de premier plan dans les alliances, il lui faudra construire un deuxième porte-avions.

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