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Pour la Cour des comptes, « le Covid » a servi d’open-bar à l’administration qui a laissé glisser les dépenses sans rapport avec le virus;
Pour la Cour des comptes, « le Covid » a servi d’open-bar à l’administration qui a laissé glisser les dépenses sans rapport avec le virus;
©LUDOVIC MARIN / AFP

Atlantico Business

La Cour des comptes, dans son rapport sur le budget de l’Etat, constate que la crise du Covid a coûté cher mais que les fautes de l’Etat gestionnaire ont coûté encore plus cher et qu’elles ont alourdi les dépenses courantes.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Tout s’est passé comme si l’administration française avait pris « le quoi qu‘il en coûte », instauré grâce au Covid, pour un open bar.

La Cour des comptes a mis les pieds dans le plat du Covid en dénonçant « le quoi qu‘il en coûte » lancé par Emmanuel Macron quand il avait déclaré l’état de guerre contre le virus en mars de l’année dernière.

La France aurait donc dépensé beaucoup d’argent pour lutter contre le Covid et amortir les effets du confinement par exemple, on s’en doutait, et personne ne s’en plaindra. C’était habile et efficace pour amortir le choc... Mais ce qui est étonnant, c’est que l'Etat a chargé la barque en imputant au Covid beaucoup de dépenses ordinaires, qui sont plutôt dues à des fautes de gestion, à la pression politique ou au mauvais fonctionnement de l’administration. En bref, l’administration aurait profité du Covid pour justifier des accroissements de dépenses. Elle aurait donc pris des habitudes dont elle aura du mal à se débarrasser.

Si on prend les comptes tels qu‘ils ressortent, la Cour des comptes dit précisément que la crise sanitaire a coûté 92 milliards d’euros mais que le déficit total de l’Etat a été de 178 milliards d’euros.

Cherchez l’erreur… La différence, 86 milliards d’euros, est imputable à un glissement des dépenses ordinaires de l’Etat. Or, ce glissement est anormalement élevé par rapport aux années précédentes, donc ça veut dire que l’administration est allée au guichet Covid pour assurer son propre train de vie.

Très précisément, les dépenses directement liées au Covid ont donc représenté 92 milliards d’euros, ce qui englobe une hausse des dépenses (50 milliards d’euros) et 40 milliards d’euros de baisses de recettes. C’est clair, net et précis. Les dépenses portent sur l’augmentation du coût des dépenses de santé, personnel et matériel, tests et masques, vaccins. Elles portent aussi sur le fond de solidarité et le chômage partiel. Quant aux baisses de recettes fiscales, elles comprennent les baisses de l’impôt sur les sociétés, de l’impôt sur le revenu et surtout les baisses de TVA... 

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Tous ces chiffres ressortent du seul fonctionnement de l’Etat. N’entrent pas dans cette addition les déficits publics que l’on doit au financement des grandes entreprises, aux collectivités locales ou aux institutions sociales...

Ceci étant on constate trois phénomènes.

1er phénomène : l'Etat français s’est beaucoup trompé dans sa prévision. En fait, l’exécutif, au terme de trois lois de finances rectificatives, a demandé au Parlement de l’autoriser à dépenser plus que ce dont il a eu besoin. On a donc dépensé beaucoup certes, mais moins que prévu. Et des crédits votés ont donc été, selon la Cour des comptes, reportés sur d’autres affectations. On a redistribué près de 30 milliards sur les fonds de solidarité, ou pour compenser les exonérations fiscales.

2e phénomène : l’imprécision budgétaire reflète les incertitudes de la pandémie. Mais la prévision de baisse des recettes fiscales, par exemple, a conduit l’Etat à présenter un scénario plus noir que la réalité. Ce qui fait qu’en fin d’année, l’Etat se retrouve avec des recettes fiscales plus importantes que ce qu’il avait prévu.

3e phénomène : l’administration a profité de ce climat pour laisser glisser les dépenses courantes qui n’avaient, en réalité, que peu de rapport avec le Covid. La Cour des comptes regrette, par exemple, que l’Etat ait poursuivi sa politique de baisse d’impôt qui répondait à la crise des gilets jaunes, et à ses engagements antérieurs. Pareillement, on a assisté à un gonflement des effectifs qui n’étaient ni prévus, ni votés et pas même nécessaires.

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Pour les magistrats de la Cour des comptes, il y a donc eu des dépenses sans lien avec la crise sanitaire, que l’on pourrait appeler des dépenses hors crise ou ordinaires, mais avec une dynamique plus violente qu’avant la crise. Les crédits supplémentaires ont profité majoritairement à la défense, à l’écologie, à l’enseignement (dont 900 millions de dépenses de personnels en plus). On a aussi engagé, ce qui n’était pas prévu, des investissements dans l’avenir et des actions de solidarité, dont l’allocation adultes handicapés. Au niveau des dépenses de personnels par exemple, on ne devait embaucher que 199 fonctionnaires, alors qu’en réalité, 2800 emplois ont été créés, essentiellement dans l'Education nationale.

Au niveau de la fonction publique, le glissement des dépenses opéré en 2020 a annulé complètement les efforts de réduction de postes effectuée en 2019, année où on avait réussi à faire maigrir le corps des fonctionnaires de plus de 3000 postes.

Bref, sous la couverture des dépenses Covid, les dépenses ordinaires ont beaucoup augmenté et profité des financements votés pour le Covid, mais non utilisés pour cause de mauvaises prévisions.

Cette situation, mise en lumière par les magistrats de la Cour des comptes,  aura trois conséquences :

La première, c’est qu‘elle marque l’incapacité du Parlement à faire en sorte d’avoir un budget calibré aux besoins. On a voté des crédits qui ont servi à financer le train de vie de l’administration.

La deuxième conséquence, c’est que la publication de ces chiffres ne va pas faciliter la tâche de la France dans sa négociation à Bruxelles, puisque Paris se positionnerait pour changement des critères de Maastricht, le jour où on sera sorti de la crise exceptionnelle. Pas sûr que les pays frugaux et les Allemands acceptent un assouplissement durable.

La troisième conséquence se trouve dans la position des Allemands qui rechignent à voter le financement du plan de relance européen. D’accord pour voter un financement européen Covid, à condition que l’argent ne soit pas utilisé ailleurs. Et eux sont beaucoup plus rigoureux que nous.

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