Pour Deliveroo ou Uber Eats, le jackpot de la crise sanitaire consacre un changement durable du consommateur <!-- --> | Atlantico.fr
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Un livreur d'Uber Eats à Montpellier en avril 2020.
Un livreur d'Uber Eats à Montpellier en avril 2020.
©Pascal GUYOT / AFP

Atlantico Business

Les entreprises de livraisons à domicile ont explosé avec les confinements successifs. Elles travaillent pour près de 30 000 restaurants et magasins, y compris la grande distribution. Ce succès est un pur produit des nouveaux besoins du consommateur, mais il y a pourtant un risque au modèle concernant les ressources humaines.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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En vélo ou en scooter ou même en voiture, les livreurs de chez Deliveroo ou de Uber Eats ont pris le contrôle des rues dans les grandes villes, à midi comme le soir. Le marché de la restauration et des courses d’appoint livrées à domicile ou au bureau connaît une croissance exceptionnelle, et pas seulement dans les grandes villes.

Depuis la pandémie, beaucoup de restaurants, mais aussi beaucoup de commerçants, se sont converti à la livraison à domicile parce que les clients y ont pris gout. Au début parce qu‘ils y étaient contraints et forcés. Par la suite, parce que la majorité ont découvert que c’était très pratique et presque plus agréable de se faire livrer.

Alors la livraison à domicile a démarré bien avant la pandémie, mais les professionnels reconnaissent que la crise sanitaire leur a permis de remporter de véritables jackpots. On estime que ce marché de la livraison a créé près de 30 000 emplois. Des emplois difficiles, pas très bien payés, mais qui ont offert une alternative à des jeunes qui avaient perdu leurs ressources d’appoint que leur apportait quantité de petits boulots décimés par le Covid.

Ce marché a donné naissance à des activités nouvelles mais dominées principalement par deux entreprises qui ont acquis une notoriété internationale.

Deliveroo, d’abord, qui est au départ une entreprise britannique de livraisons de plats cuisinés,  qui est désormais présente dans quasiment le monde entier, sauf l’Amérique du Nord. En fait, c’est surtout une application qui permet de commander des repas dans les restaurants et de se les faire livrer. Deliveroo lance la commande avec le restaurant, donne la course au livreur et assure la gestion de tout le système, dont le paiement.

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Uber Eats fonctionne sur le même principe avec l’application Uber. Au départ, ce sont les chauffeurs Uber qui assuraient les livraisons entre deux courses. Aujourd’hui, les livreurs Uber Eats travaillent le plus souvent en vélo ou en scooter comme Deliveroo.

Les sociétés de livraison passent des accords avec les restaurants et avec des livreurs indépendants ( mais souvent exclusifs ), qui ont un statut d’indépendant très souvent d’auto entrepreneur.

Alors Deliveroo et Uber Eats ont quelques concurrents, dont Foodora ou Just Eat, mais fonctionnent selon le même modèle.

Cela dit, Deliveroo est devenu le leader du secteur. A la fois recherché par le consommateur, les restaurants et les livreurs qui peuvent ainsi s’assurer un volume de travail plus conséquent.

Deliveroo, aujourd’hui, a doublé le nombre de restaurants avec lesquels il travaille, soit plus de 20 000 restaurants et plus de 25 000 livreurs. L’entreprise est devenue d’autant plus puissante qu‘elle travaille désormais avec la grande distribution Monoprix, Franprix, Casino et très récemment avec Carrefour au niveau européen (en France, en Belgique, en Espagne et en Italie).

Tout se passe comme si la pandémie avait permis à Deliveroo (créé en 2023) d’imposer durablement son modèle de fonctionnement auprès des consommateurs, dont la plupart estiment qu’ils continueront à utiliser le service. Les dirigeants de Deliveroo et les investisseurs de la bourse en sont convaincus. Reste à résoudre un certain nombre de problèmes et de disfonctionnements liés à l’ambiguïté du statut des livreurs. Ces livreurs travaillent beaucoup pour gagner peu (beaucoup ne gagnent pas plus de 200 euros par semaine de travail), avec une couverture sociale fragile. Comme les chauffeurs Uber, ils ont tendance à s’organiser pour conquérir des droits sociaux et échapper la précarité de leur travail. 

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Cela dit, la majorité de ces livreurs sont soit sans aucune formation ni revenu, soit étudiant qui ont du mal à vivre avec leur bourse. La liberté de travailler ou pas leur donne une flexibilité qui leur permet de s’organiser.

Le vrai risque du modèle, c’est qu’il permet des sous-traitances frauduleuses difficiles à débusquer. Certains livreurs titulaires d’un compte chez Deliveroo ou chez Uber Eats, sous louent leur compte à des étrangers en situation irrégulière prêts à tout pour trouver de quoi survivre. Il faut dire que la faiblesse des commissions peut inciter les livreurs « officiels » à investir dans des vélos électriques ou des scooters et louer ainsi leurs comptes à des sous-traitants. Ce qui revèle d’un comble pour une entreprise technologique, de ne pas pouvoir s’assurer que la personne qui travaille est bien celle qui est déclarée.

La situation s’avère singulièrement compliquée à résoudre sans augmenter le prix des livraisons. Ça dépend des plateformes, mais ça dépend aussi des clients. D’un côté, l’obsession des plateformes est d’élargir leur activité. De l’autre, rester compétitifs. Les clients savent qu’un repas livré à domicile doit leur couter moins cher qu‘au restaurant.

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