Poids de la dette, bataille de la suprématie monétaire : la Chine, une économie aux pieds d’argile <!-- --> | Atlantico.fr
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Le livre « Le dossier chinois Portrait d'un pays au bord de l'abîme » est publié sous la direction de Pierre-Antoine Donnet aux éditions du Cherche Midi.
Le livre « Le dossier chinois Portrait d'un pays au bord de l'abîme » est publié sous la direction de Pierre-Antoine Donnet aux éditions du Cherche Midi.
©NICOLAS ASFOURI / AFP

Bonnes feuilles

L’ouvrage « Le dossier chinois Portrait d'un pays au bord de l'abîme », sous la direction de Pierre-Antoine Donnet est publié aux éditions du Cherche Midi. Pour bien comprendre le péril que représente la Chine aujourd'hui, il est indispensable de mieux la connaître, de cerner le plus précisément possible ses ambitions, ses dérives mais aussi ses faiblesses évidentes. Extrait 2/2.

Hubert Testard

Hubert Testard

Hubert Testard est ancien conseiller économique et financier dans les ambassades de France au Japon, en Chine et en Corée.

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« La mission du parti communiste est de rechercher le bonheur du peuple et la régénération de la nation chinoise. Nous devons construire un pays socialiste moderne qui sera prospère, fort, démocratique, avancé culturellement, harmonieux et beau lors du centenaire de la création de la République populaire de Chine (en 2049). La Chine sera un leader global par son poids économique et son influence internationale. Nous serons parvenus à une prospérité commune pour tous les citoyens et nous pourrons jouir d’une vie plus sûre, en meilleure santé et plus heureuse. La Chine ne se fermera pas au monde et sera toujours plus ouverte. »

Dans son discours devant le 19e Congrès du Parti communiste chinois en novembre 2017, Xi Jinping rappelle les grandes ambitions de son pays pour le milieu de ce siècle et décrit un projet prométhéen couvrant dans toutes ses dimensions la vie de la nation chinoise et son rapport au monde.

Mais cinq ans plus tard, à l’été 2022, l’économie chinoise est en crise et les nuages se sont accumulés sur les perspectives du pays. D’abord à court terme, avec l’impact de la pandémie, la guerre en Ukraine ou l’affaissement du marché immobilier, mais aussi à long terme, avec le retournement démographique, le recentrage du pays sur son marché intérieur ou la nouvelle compétition technologique et commerciale avec l’Occident.

(…)

La montée en puissance des dettes est un enjeu mondial. Il s’agit d’une bombe à retardement dont on ne sait pas très bien ni quand ni comment elle va provoquer une nouvelle crise. La fuite en avant des pays occidentaux sur la question des dettes est connue. Celle de la Chine l’est moins, mais elle est d’une ampleur comparable. La dette brute globale du pays double entre 2008 et 2020, passant de 135 à 270% du PIB, ce qui place la Chine au premier rang des pays émergents. Ce bond s’explique par l’ampleur des plans de relance liés à la crise financière mondiale de 2008, puis à la pandémie depuis 2020.

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Dans sa composition, la dette chinoise est moins importante pour les administrations publiques ou les ménages que pour les entreprises. Mais au sein des entreprises, ce sont les sociétés d’État qui ont accumulé les trois quarts des nouvelles dettes. Le risque global est donc bien celui de l’État. Cette dette est peu internationale, et la balance des paiements du pays est structurellement en excédent, ce qui le prémunit contre les risques immédiats de crise de confiance. L’impact de cette flambée de la dette joue en revanche sur les politiques de soutien à l’économie. En 2022, le gouvernement cherche à la fois à lancer un nouveau programme d’infrastructures pour éviter un arrêt de la croissance (lié à la politique de tolérance zéro face au Covid), et à contenir l’augmentation de la dette des collectivités locales, qui sont les principaux acteurs des programmes d’infrastructures. Il n’est pas non plus question de distribuer des chèques aux ménages en augmentant les déficits publics. La dette n’est pas encore une menace, mais elle est clairement devenue un frein.

(…)

Le domaine où la Chine reste en position de faiblesse structurelle à l’échelle internationale est celui de la monnaie. Le gouvernement a entrepris depuis une quinzaine d’années une politique active d’internationalisation du yuan, sans réellement menacer la suprématie du dollar. Après quinze ans d’efforts, le yuan ne représente que 20% des échanges extérieurs du pays, 2,4% des réserves des banques centrales dans le monde, 2,5% des transactions du système d’échanges SWIFT187 et 9% des actifs financiers asiatiques, alors que le dollar constitue encore 80% des échanges extérieurs des pays asiatiques, près de 60% des réserves des banques centrales du monde et 50% des actifs financiers asiatiques. La Chine a procédé par étapes prudentes, car elle ne veut pas perdre le contrôle des transactions financières avec le reste du monde. Une libéralisation complète de ces transactions pourrait déstabiliser le yuan et provoquer des chocs conjoncturels incompatibles avec l’objectif de stabilité qui demeure une priorité fondamentale de la politique économique chinoise.

La guerre en Ukraine accroît l’enjeu, car la Chine a découvert que les Américains et les Européens pouvaient conjointement sanctionner les banques russes utilisant le système SWIFT et geler une partie des avoirs de la Banque centrale russe. Comme le déclare Yu Yongding, un économiste chinois réputé : « Nous n’avions jamais pensé que les États-Unis gèleraient les réserves de change d’un pays en une journée. Et cette action affecte fondamentalement la crédibilité du système financier international. » La Chine détient plus de 1 000 milliards de dollars de bons du trésor américain dans ses réserves de change, et une large majorité des 3 200 milliards de dollars d’actifs de la Banque centrale sont libellés en dollars. Les risques de sanctions financières – qui pourraient se concrétiser si la Chine décide d’envahir Taïwan – vont conduire les autorités chinoises à rechercher une plus grande autonomie monétaire par tous les moyens. L’un des instruments possibles de cette plus grande autonomie est le yuan digital, qui permet à la Banque centrale de distribuer des yuans directement, en contournant si nécessaire les réseaux bancaires nationaux et internationaux. Le e-yuan, lancé par la Chine, a pour le moment une distribution interne et commence à se substituer aux monnaies digitales des géants de la Tech chinoise. Des expérimentations commencent déjà à l’international avec certains pays d’Asie du Sud-Est. Le processus risque cependant d’être long, avec pour les partenaires de la Chine une inversion du risque : alors que l’usage de l’arme financière par les ÉtatsUnis était un risque connu et limité à certains pays (Iran, Corée du Nord, Russie), le e-yuan donnerait à la Chine la possibilité de sanctionner également les partenaires devenus non coopératifs, avec une transparence parfaite des transactions en monnaie digitale et la possibilité d’agir à l’égard de n’importe qui à n’importe quel moment. Autant dire que tout le monde ne se précipitera pas pour placer les échanges commerciaux ou financiers avec la Chine sous le contrôle total de sa Banque centrale. La suprématie du dollar n’est pas éternelle, mais peut encore durer deux ou trois décennies.

Extrait du livre « Le dossier chinois Portrait d'un pays au bord de l'abîme », publié sous la direction de Pierre-Antoine Donnet aux éditions du Cherche Midi

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