Le poids d'Areva sur la vie politique française <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Le poids d'Areva
sur la vie politique française
©

Mox Micmac

La suppression mercredi par le Parti socialiste d’un paragraphe (réintégré depuis) sur l’avenir du retraitement du combustible nucléaire Mox met en lumière l'étroite relation entre Areva et les partis politiques français... Avec un PS historiquement très pro-nucléaire.

Gabrielle  Hecht

Gabrielle Hecht

Gabrielle Hecht est professeur d'histoire des techniques à l'université de Michigan (Etats-Unis). Elle a notamment publié "Le rayonnement de la France : énergie nucléaire et identité nationale après la Seconde guerre mondiale" (La Découverte - 2004).

Voir la bio »

Atlantico : Avez-vous été étonnée par les discussions entre Areva et le Parti socialiste dans le cadre de la décision concernant le Mox mentionné dans l’accord signé entre le PS et EELV ?

Gabrielle Hecht : On peut dire que c’est choquant, mais ca n’est pas du tout une surprise ! Ca ne me surprend ni d’Areva ni d'un pays comme la France ! Areva est la plus grosse société nucléaire du monde. Elle recoupe tous les aspects du nucléaire : des mines jusqu’aux déchets - c’est unique !

Son autre particularité c’est qu’Areva est privée/publique et fait partie de l’Etat. On ne trouverait pas cela aux Etats-Unis où je vis, par exemple. En revanche, le fait qu’un très important lobby nucléaire ou qu'un lobbyiste soit intervenu et ait expliqué à un parti politique les conséquences de sa décision, c’est complètement l’usage. Toutes les industries le font et on le retrouve aux Etats-Unis également. 

Les socialistes français ont toujours été de grands supporters du nucléaire. Pas du nucléaire militaire mais du nucléaire civil. C’est même grâce à eux que le nucléaire a prospéré en France. Certes, le "tout-nucléaire" remonte à Pierre Messmer en 1974. Mais c’est vraiment en 1981, sous François Mitterrand, que le programme nucléaire a vraiment pris du poids et c’est à ce moment-là que toutes les constructions se sont faites. Pour le Parti socialiste (PS), c’est un programme très important du point de vue politique, du point de vue de la politique énergétique, etc... Certains syndicats - comme la CFDT - font figure d’opposants ou de critiques, surtout dans le passé. Mais le nucléaire entre dans la ligne historique du PS depuis 30 ans.

Pour quelles raisons, selon vous, le Parti socialiste soutient-t-il la filière nucléaire en France ?

Evidemment pour l’indépendance énergétique... Ou plutôt pour la "soi-disant" indépendance énergétique : n’oublions pas que l’uranium vient des pays africains. On a entretenu le symbole et l’illusion de l’indépendance énergétique qui, d’ailleurs, fonctionne aussi bien à gauche qu’à droite.

Les enjeux en terme d’emploi ont également dû peser. On peut se demander ce que le programme nucléaire apporte dans ce secteur. 140 000 emplois ou 400 000 emplois ? On peut discuter les chiffres. Mais cela représente beaucoup d’emplois.

Et n’oublions pas de tenir compte de ce qu’on appelait la "gloire de la France", en tout cas l’image internationale de la France et son poids économique. Certes, c’est Nicolas Sarkozy qui emmenait avec lui Anne Lauvergeon (l'ancienne PDG d'Areva, NDLR) à chaque fois qu’il allait en Chine ou au Moyen-Orient. Mais ça n’est qu’un exemple parmi d’autres. Un président socialiste aurait fait la même chose et emmènerait à chaque fois un représentant d’Areva. Cela fait partie de la politique internationale de n’importe quel gouvernement français (sauf d’un gouvernement écologique s'il y a en a un jour) car Areva a des entreprises partout dans le monde.

Il y a beaucoup de socialistes chez Areva, à tous les niveaux. Je ne peux pas vous donner les noms car je ne les ai pas en tête. Mais j'en ai rencontrés dans les recherches et les interviews que j’ai menées. D'ailleurs, il est tout à fait possible de parler chez Areva à des membres de l’UMP ou du PS...

Comment expliquez-vous que les écologistes allemands aient obtenu la fermeture de certaines centrales nucléaires ?

Il y a plusieurs raisons. D’une part les groupes anti-nucléaires outre-Rhin ont beaucoup plus de poids qu’en France. D’autre part, l’industrie nucléaire n’a pas du tout le même poids économique et énergétique en Allemagne qu’en France - d’ailleurs, l’Allemagne achète de l’électricité nucléaire à la France !

Enfin, l’Allemagne est en train de développer une industrie dédiée aux énergies renouvelables. Siemens et quelques autres sociétés faisaient du nucléaire. Aujourd’hui,  Siemens s’est retiré du nucléaire pour se porter sur d’autres débouchés. Je crois qu’Angela Merkel et ses supporters sont sincères dans leurs réactions à Fukushima… Mais c’est aussi un calcul industriel. Ils pensent que l’Allemagne peut devenir un des leaders des énergies renouvelables d’un point de vue industriel et que c’est le moment de le faire…

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !