Menaces de grève générale en France : les Russes ont-ils investi sur des acteurs susceptibles d’accélérer une insurrection ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Des syndicalistes et des employés de la CGT rassemblés à la raffinerie TotalEnergies à Gonfreville-l'Orcher, le 10 octobre 2022.
Des syndicalistes et des employés de la CGT rassemblés à la raffinerie TotalEnergies à Gonfreville-l'Orcher, le 10 octobre 2022.
©LOU BENOIST / AFP

Question (pétrolo) inflammable

Avec des menaces de grèves générales, peut-on envisager que la Russie cherche à déstabiliser la France et d’autres pays en encourageant ce genre de mouvements sociaux ?

Drieu Godefridi

Drieu Godefridi est juriste (facultés Saint-Louis-Université de Louvain), philosophe (facultés Saint-Louis-Université de Louvain) et docteur en théorie du droit (Paris IV-Sorbonne).

 
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Atlantico : Dans un contexte actuel de pénurie et de grèves en corrélation avec la crise énergétique, peut-on se demander s’il y a eu des investissements russes sur des acteurs qui pourraient accélérer une insurrection en Europe ? Que savons-nous des investissements russes dans ces secteurs en Europe ?

Drieu Godefridi : Il faut s’en tenir aux faits, nous ne sommes pas des gauchistes. Selon un rapport des renseignements américains diffusé, de façon très parcellaire, en septembre dernier, le régime russe aurait dépensé, depuis 2014, trois cent millions de US$ pour soutenir des candidats et partis politiques dans le monde. Toutefois, ce rapport paraît, à tout le moins, incomplet. D’abord parce que les infos ne sont diffusées qu’au compte-goutte, et via les gouvernements concernés. Ensuite, parce que le montant — mondial, depuis 2014 — paraît, en réalité, plutôt dérisoire. Enfin, parce que ce même rapport fait très ‘opportunément’ l’impasse sur les soutiens et interférences russes aux États-Unis ! Tellement plus significatif, à mes yeux, le financement avéré, détaillé et public, par le régime russe, de deux fondations ‘écologistes’ allemandes, l’une à concurrence de 10 millions€, l’autre à concurrence 192 millions€ (Source ). Ces données ne sont pas contestées. Elles révèlent aussi, en contrepoints, la maigreur du rapport américain: on parle ici de 200 millions, en deux versements, pour la seule Allemagne.

L’intervention directe du régime russe dans les affaires intérieures des pays occidentaux est donc un fait massif avéré. En l’état actuel des sommes et montants disponibles, cette intervention se fait davantage auprès de fondations et mouvements à l’extrême gauche du spectre politique, qu’à la droite d’icelui. Ainsi l’Allemagne collaborationniste du régime russe est incontestablement l’Allemagne verte. La propagande russe est sans opinion; elle sert, bien entendu, les seuls intérêts russes. Qui se conjuguaient à merveille, depuis 15 ans, avec les revendications écologistes (destruction du nucléaire civil, interdiction du gaz de schiste) et qui se marient, aujourd’hui, avec la révolte des citoyens contre l’énergie impayable.

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Avec des menaces de grèves générales qui planent au sujet des raffineries, peut-on envisager que la Russie cherche à déstabiliser la France et d’autres directement en lançant ce genre de mouvement ? Aurait-elle à tout le moins intérêt à le faire stratégiquement parlant ? 

Stratégiquement parlant, ces mouvements épousent de facto la position actuelle du régime russe, selon laquelle les livraisons de gaz vers l’Europe peuvent reprendre immédiatement et qu’il suffit, à cet égard, que les Allemands 'ouvrent le robinet’ de Nord-Stream 2. Nous entrons dans un hiver qui s’annonce effroyable pour nombre d’Européens — le suivant le sera probablement davantage encore — qui auront à choisir, littéralement, entre se nourrir et se chauffer. Quand les réserves nationales de gaz seront épuisées — ce n’est qu’une question de temps, même si elles sont à près de 100% actuellement — le seul gaz réellement disponible et payable sera le gaz russe. Le seul : il ne faut se mentir. Substituer au gaz russe des solutions structurelles (LPG américain, exploitation du gaz de schiste en Europe, relance nucléaire massive) prendra du temps. Dans l’intervalle, se contenter d’importer du gaz par méthaniers depuis l’Inde, la Chine — souvent du gaz russe qui nous est revendu, soit dit en passant — mènera, au creux de l’hiver, le prix du gaz européen au-delà des ‘records' déjà grotesques d’août dernier. Tout ceci, les Russes le savent. La révolte est certaine. La favoriser, pour les propagandistes russes, qui sont des professionnels expérimentés, sera facile.

Je ne dispose d’aucune information permettant de présumer un financement direct de la CGT par le régime poutinien. Mais il est clair que la grève dans les raffineries de France, dans le contexte actuel, est du pain béni, la providence absolue des propagandistes qui s’évertuent à montrer le ‘désespoir des Européens’. Bon Dieu, les Français se cassent la gueule devant les stations-service !

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Faut-il s’inquiéter sur l’avenir dans le sens ou pourrait-il y avoir d’autres mouvements du type « commandité par la Russie » dans le but de toucher l’activité du pays ?

D’un strict point de vue militaire, le régime russe est en position de faiblesse. Il joue donc une partition délicate et je le vois renforcer ses actions de propagande, particulièrement à destination du ‘ventre mou’ de l’alliance occidentale, qui est l’Europe (occidentale et, pour une part, centrale). Attendons-nous à la stratégie que la RAND Corporation décrivait dans un rapport de 2016 sur la propagande russe comme celle du ‘Firehose of Falsehood’: 'La propagande russe contemporaine est continue et très réactive aux événements. En raison de leur manque d'engagement envers la réalité objective (…) les propagandistes russes n'ont pas besoin d'attendre pour vérifier les faits ou les affirmations ; ils se contentent de diffuser une interprétation des événements émergents qui semble favoriser au mieux leurs thèmes et leurs objectifs. Cela leur permet d'être remarquablement réactifs et agiles, diffusant souvent les premières "nouvelles" des événements (et, avec une fréquence similaire, les premières nouvelles de non-événements, ou de choses qui ne se sont pas réellement produites).' (source: RAND)La misère énergétique que les Européens, intoxiqués par l’idéologie verte, se sont infligée à eux-mêmes, suscitera mécaniquement la révolte d’hommes et de femmes aux abois. Les propagandistes du régime russe n’auront qu’à se baisser pour en récolter les fruits.

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