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Medine au Bataclan : pourquoi il ne faut pas interdire le concert du rappeur prédicateur islamiste
©STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

La France des choix

Le militant islamiste Médine a fait du rap son support de prédication politico-religieux. Depuis que son passage au Bataclan a été annoncé, de nombreux articles ont apporté tous les éléments qui montrent sa radicalité religieuse et politique.

Naëm Bestandji

Naëm Bestandji

Écrivain/essayiste, Naëm Bestandji est un laïque et féministe engagé. Il a longtemps travaillé dans le domaine socio-culturel auprès des enfants et adolescents des quartiers populaires. Il y a toujours vécu et a été très tôt confronté à la montée de l'intégrisme religieux.

Il a publié de nombreux articles sur l’islamisme politique.

Son site internet : https://www.naembestandji.fr/

Il est l’auteur d’un essai remarqué, pour tout comprendre sur le sexisme politique du voile : « Le linceul du féminisme – Caresser l’islamisme dans le sens du voile » (éditions Séramis, novembre 2021).

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Le militant islamiste Médine a fait du rap son support de prédication politico-religieux. Depuis que son passage au Bataclan a été annoncé, de nombreux articles et publications sur les réseaux sociaux ont apporté tous les éléments qui montrent sa radicalité religieuse et politique.

Emule de Tariq Ramadan et de nombre de prédicateurs Frères Musulmans, il est, selon ses mots, "officiellement l'ambassadeur de Havre de Savoir". Cette association est une des vitrines des Frères Musulmans en France et ne s'en est jamais cachée. Elle considère par exemple Youssef Al-Qaradhawi (le plus important théologien de la Confrérie encore en vie) comme une référence absolue et regrette son interdiction de territoire. Ce théologien ultra sexiste, homophobe et antisémite considère l'Europe comme une terre de conquête : "L'islam s'installera de nouveau en Europe. La conquête doit-elle se faire par l'épée ? Non, pas nécessairement. Il y a ce qu'on appelle une conquête pacifique. L'islam reviendra sans passer par l'épée. La conquête se fera par la dawa et la prédication."

C'est exactement ce qu'applique Médine. Son support, le rap, est un des meilleurs outils pour cela, et c'est pour cela qu'il est mis en avant par la Confrérie. Les résultats ne se sont pas fait attendre : ce militant d'extrême droite est soutenu, comme toujours dans ces cas-là, par une partie de la gauche. Il flatte aussi l'extrême droite traditionnelle qui trouve encore un prétexte pour diaboliser tous les musulmans, puisque Médine serait un "musulman lambda". Parallèlement, Médine se victimise en dénonçant "l'islamophobie de l'extrême droite". Tous ses détracteurs sont ainsi assimilés au fascisme. Comme je ne cesse de le dire, ces deux extrêmes droites ont besoin l'une de l'autre.

Il est normal que son passage annoncé au Bataclan choque toute une partie de la population. Comme montré plus haut, il est le représentant juridiquement acceptable de l'idéologie mortifère qui était passée au même endroit en novembre 2015 et qui fit près de 130 morts et plus de 350 blessés. Peut-être est-ce une nouvelle forme de quenelle de la part de Médine.

Devrait-on interdire son passage pour autant ? Non. Si les paroles pourraient être juridiquement condamnables, alors des plaintes doivent être déposées et ce sera à la justice de trancher, comme ce fut le cas pour son ami Dieudonné. Pour l'instant, comme je l'ai dit, il est juridiquement autorisé à se produire et le Bataclan a le droit de choisir sa programmation. Et peut-être que, par équité et promotion de toutes les formes "d'arts", cette salle programmera aussi un concert de skinheads, l'autre face de la pièce d'extrême droite de Médine. Quitte à programmer des suprémacistes militants d'idéologies totalitaires, autant être "inclusifs".

Philosophiquement également, Médine a le droit de s'y produire, aussi choquant que cela puisse être. La liberté d'expression est à ce prix. Nous ne pouvons pas brandir cette liberté pour nous-mêmes et la refuser pour nos adversaires, sauf encore une fois si ces adversaires tiennent des propos hors la loi. Comme l'a dit Raphaël Enthoven, "si la liberté n’est pas réciproque, elle n’est qu’un alibi". C'est justement cette réciprocité qui nous donne aussi la liberté de critiquer cette programmation, d'exprimer notre indignation et, pourquoi pas, de manifester devant le Bataclan le jour du concert. Telle est la France et c'est aussi pour ça que je l'aime.

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