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Loi Avia : la mort d’une liberté
©BERTRAND GUAY / AFP

Liberté d'expression

Rafik Smati revient sur la Loi Avia et sur ses conséquences et ses implications sur la société française et sur le plan démocratique.

Rafik Smati

Rafik Smati

Rafik Smati est Président du parti politique Objectif France. Entrepreneur, Il a publié  « French Paradise » (juin 2014), « Révolution Y : la génération qui va redessiner l'Europe » (2013),  « Eloge de la vitesse : la revanche de la génération texto » (2011),  « Vers un capitalisme féminin » (2010).

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 "Ainsi s’éteint la liberté, sous une pluie d’applaudissements".

Ainsi un personnage de Star Wars commentait-il une décision liberticide du Sénat galactique, et aurait-il accueilli le vote définitif de la loi Avia mardi soir par l’Assemblée nationale. 

Cette loi constitue assurément une menace mortelle pour une liberté d’expression chaque jour un peu plus restreinte en France. Au nom d’une de ces bonnes intentions dont on sait que l’enfer est pavé, surtout quand ce sont des « progressistes » auto proclamés qui se chargent de la chaussée, elle prévoit de censurer les contenus « manifestement haineux » envers une personne ou groupe de personnes en raison de leur origine ou leur appartenance à telle ou telle race, religion, ethnie, nation, ou orientation sexuelle. 

Pourtant, quoi de plus subjectif que le concept de haine ? A tel point que le droit positif français a renoncé à la définir ! Peut-on distinguer à coup sûr la haine de la détestation, puis l’aversion, et ensuite l’antipathie, pour finir par l’assimiler, de fil en aiguille, simplement à tout propos « limite », puis problématique, controversé, et au final contraire à la doxa, évidemment bien-pensante, de l’heure ? 

La France va bénéficier du très douteux honneur d’être le seul Etat de droit au monde dont une loi punira un délit au nom d’un concept juridique non défini… Et sur quel paysage culturel et intellectuel dévasté débouchera cette loi ?! Elle permettrait de censurer demain dans le cyber-espace des passage sentiers non seulement de Céline, mais aussi de Voltaire, Molière, Marx, Jaurès, Shakespeare, sans oublier des grands livres sacrés et religieux, riche en anathèmes et violences, ou encore de n’importe quel journal de bord d’un soldat, qui exprime généralement une certaine haine pour la nation d’en face. Si la haine est interdite (y compris à l’égard des nazis ?), la loi rendra-t-elle bientôt l’amour obligatoire ? 

Quant au contenu "à caractère violent" que la loi Avia proscrit, à quel degré de violence franchit-il la ligne rouge ? D’autant plus que dans certaines circonstances historiques la résistance à l’oppression implique un appel à la violence…

Ce texte n’est pas seulement dangereux par son caractère flou ou confus, ouvrant la voie à l’interdiction quasiment de n’importe quel discours, selon le mot de Richelieu « montrez-moi quatre lignes écrites de la main du plus honnête des hommes et je trouverai de quoi le faire pendre ». Il constitue en outre une marginalisation scandaleuse et sans précédent de la Justice. Cette dernière va en effet déléguer sa mission aux plates-formes du cyberespace, qui apprécieront seules quels sont les contenus à bannir ou pas. Certes, des recours seront possibles, mais seulement a postériori, avec jugement rendu quand l’actualité aura rendu caduc le débat qu’aurait pu ouvrir le propos rétabli après censure. Le modérateur de Facebook ou twitter sera de facto le seul à décider à la place d’une autorité judiciaire pourtant garante, constitutionnellement, des libertés fondamentales. Ce sont les semi monopoles du Net, les GAFA, via des algorithmes opaques, qui vont déterminer ce qu’il sera possible de dire ou pas dans le cyber espace de notre pays. Ils ne prendront certainement aucun risque, puisqu’il leur coûterait 1,2 millions d’euros de ne pas retirer un contenu litigieux dans les 24 heures. Bienvenue dans un monde sans aspérités et sans saveurs.

La loi Avia est d’autant plus scandaleuse que le cadre juridique existant est déjà largement suffisant, et parmi les plus restrictifs en Occident, pour réprimer les discours dangereux, avec la loi de 1881 et des textes réprimant les appels à la haine raciale. 

Cette loi confirme combien l’exécutif a, au fond, un compte à régler avec la liberté d’expression. Une véritable escalade. Comme en attestent ses projets de création d’un ordre des journalistes, d’un site gouvernemental signalant les médias « respectables », ou encore en 2018 la funeste loi dite fake news, qui permet à un juge de faire fermer en 24 h, admirez la célérité, une plate-forme diffusant des informations jugées erronées, là où il faut des années à des reporters expérimentés pour distinguer le vrai du faux. Les électeurs seraient assez grands pour distinguer un bon politicien d’un mauvais mais les citoyens incapables de trier entre vraies et fausses infos ?  

Face à ces menaces, le combat pour les libertés devient urgent et impérieux. Ceux des soutiens du chef de l’Etat qui ont encore un peu de jugeote ou de goût pour les libertés de se ressaisir. Et se joindre à tous ceux, des associations de défense des droits de l’Homme aux syndicats de journalistes et aux partis d’opposition de tout bord, qui appellent à une réaction. Une grande manifestation unitaire pour pousser, c’est déjà arrivé, le chef de l’Etat à ne pas promulguer la loi ? Impossible par temps de Covid-19, cela n’a pas échappé à l’exécutif et est révélateur de sa conception de la démocratie. Le dernier espoir des défenseurs de la liberté est que le Conseil Constitutionnel censure ce texte digne de la RDA. 

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