Les vraies raisons de l'attribution de la Coupe du monde 2022 au Qatar <!-- --> | Atlantico.fr
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La coupe du monde de football se jouera au Qatar en 2022
La coupe du monde de football se jouera au Qatar en 2022
©Reuters

Bonnes feuilles

"Président Platini", publié aux Editions Grasset, de Arnaud Ramsay et Antoine Grynbaum est une enquête au long cours, nourrie de très nombreux témoignages, explorant la personnalité complexe de l'actuel président de l'UEFA et ancien capitaine de l'équipe de France. Les auteurs s’attachent à décrypter la façon dont il a consciencieusement grimpé les marches vers les sommets, montrant ses réussites mais aussi ses limites et ses ambiguïtés. (1/2)

Arnaud Ramsay

Arnaud Ramsay

Arnaud Ramsay est ancien rédacteur en chef à France Soir, chargé des sports. Passé également par France Football, Le Journal du Dimanche et M6, il est journaliste indépendant. Auteur des biographies de Bixente Lizarazu, Nicolas Anelka ou David Douillet, il vient de publier celle de Mourad Boudjellal " Ma mauvaise réputation" aux éditions La Martinière ainsi que « Ligue 1 : 80 ans de football professionnel » (Solar), avec Paul Dietschy.

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Antoine Grynbaum

Antoine Grynbaum

Antoine Grynbaum est journaliste sportif indépendant et commentateur de matchs de football. Il a déjà publié Foot et politique, les liaisons dangereuses et La Face cachée du sport aux éditions Gawsewitch.

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Encel : "On est vraiment sur du donnant-donnant"

Petite parenthèse extra-sportive avec Frédéric Encel, géopolitologue spécialisé dans le Moyen-Orient et le Proche-Orient, afin de comprendre les raisons pour lesquelles Michel Platini s’est retrouvé mêlé à la stratégie de Sarkozy concernant le Qatar. Que penser du rendez-vous élyséen Platini-Sarkozy-al-Thani ? Pourquoi Doha injecte-t-il autant d’argent dans le football et quelles sont les relations du petit pays du Golfe avec la France ? La Coupe du monde 2022 et le président de l’UEFA au coeur d’enjeux géopolitiques. Décryptage.

— Pour quelles raisons le Qatar investit-il aussi massivement dans le monde du sport ?

"Le Qatar est un micro-Etat, un Etat lilliputien qui n’a strictement aucune possibilité de s’imaginer comme grande puissance militaire, et même pas comme grande puissance économique, étant une économie mono-exportatrice. Le gaz naturel c’est bien, mais si un jour les prix s’effritent ou s’effondrent, ou s’il y a une crise importante dans la région, l’Etat sera ruiné. Donc, du coup, n’ayant pas de possibilité d’apparaître comme une grande puissance, on utilise le “fast power” ; c’est ce qui échappe aux outils de pression ou de coercition lourde, par exemple militaires. Et,

dans ce cadre-là, les investissements, spectaculaires dans les années 70 avec le choc pétrolier, où on achetait à peu près tout et n’importe quoi en Occident, ont été remplacés dans une certaine mesure par des dépenses plus rationnelles en termes de visibilité. Aujourd’hui, le Qatar investit beaucoup d’argent, pas tant pour que les princes puissent s’amuser, mais davantage pour apparaître, non seulement vis-à-vis de l’Occident, mais surtout des autres pétromonarchies du Golfe. Les cheikhs et sultans entre eux se livrent une compétition importante en termes de prestige. Il faut apparaître comme un pays puissant, un pays qui compte. De ce point de vue-là, le sport le plus international étant le football, le Qatar joue l’attitude, de la même manière qu’il l’a fait avec les médias, à travers Al Jazeera."

— D’où l’intérêt d’organiser une Coupe du monde de football…

"Absolument. A la fois parce que le sport international est le football et parce que ce tout petit pays de 200 000 habitants (si on ne compte pas le million et demi de semi-esclaves qui travaillent dans des conditions lamentables) va démontrer qu’il est capable d’organiser, sur le plan logistique et de la sécurité, un événement très important que les grandes puissances elles-mêmes redoutent d’organiser. Sa visibilité sera plus grande, puisqu’elle ne s’affichera plus seulement sur les tee-shirts, les panneaux publicitaires ou les carlingues d’avion, mais dans le pays même. C’est dans le pays même que les journalistes viendront couvrir cet événement international."

— A votre avis, la France et Sarkozy ont-ils aidé le Qatar dans l’obtention de cette Coupe du monde 2022 ?

"Parmi les seuls Etats au monde qui disposent de liquidités très importantes et relativement durables à court terme, on trouve le Qatar, les Emirats arabes unis et l’Arabie saoudite. Ce sont les seuls dans le monde qui ont les moyens et la volonté d’investir. Du coup, on les “drague” ! Il n’y a aucune raison, du point de vue de la politique économique, d’imaginer que Sarkozy n’aurait pas fait la danse du ventre devant le Qatar, qui était lui aussi bien disposé à l’égard de la France, comme on l’a vu. A partir de là, il faut bien remettre les choses à leur place. Le Qatar investit moins, beaucoup moins, en France, que par exemple les Emirats arabes unis en Grande-Bretagne. On est sur une échelle totalement différente. On parle de l’économie qatarie qui serait en train de pénétrer profondément l’économie française : ce n’est pas vrai. Les chiffres restent extrêmement petits. Le PSG en est un symbole : à leur échelle ce sont des sommes minuscules."

— Que penser de ce rendez-vous à l’Elysée avec Platini ?

"Sarkozy et le fils al-Thani sont devenus extrêmement proches. Certainement pas pour des raisons philosophiques, artistiques ou spirituelles, chose qui se saurait, mais précisément pour des questions de financement. L’intérêt, c’est de transformer l’essai en quelque sorte. C’est-à-dire d’obtenir autant, voire plus d’investissements qataris en France. On est vraiment sur du donnant-donnant. C’est exactement comme ça, à mots non couverts, que les Qataris s’expriment. C’est vrai pour eux comme pour les autres émirs du Golfe. Plus on leur donne de marques d’estime et de prestige, plus ils acceptent de mettre la main à la poche. Là, on est sur des choses absolument basiques. Aujourd’hui, les émirs du Golfe, et plus particulièrement le nouveau dirigeant du Qatar [en juin 2013, l’émir du Qatar abdiquait, cédant la place à son fils, le cheikh Tamim ben Hamad al-Thani, âgé de 33 ans] souhaitent pouvoir montrer aux autres personnalités de leur clan et au monde entier qu’un pays important leur accorde des honneurs et son amitié de façon flagrante 1."

1. Entretien du 15 juillet 2013.

Extraits de "Président Platini", d'Arnaud Ramsay et Antoine Grynbaum, publié aux Editions Grasset. Pour acheter ce livre, cliquez ici

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