Le lapin LR dans les phares de la voiture Zemmour : petit mémo sur les erreurs commises par les Républicains américains face à l’assaut de Trump <!-- --> | Atlantico.fr
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Eric Zemmour, dans les studios de la chaîne BFMTV à Paris, le 23 septembre 2021, avant de participer à un débat télévisé avec Jean-Luc Mélenchon.
Eric Zemmour, dans les studios de la chaîne BFMTV à Paris, le 23 septembre 2021, avant de participer à un débat télévisé avec Jean-Luc Mélenchon.
©BERTRAND GUAY / PISCINE / AFP

Conquête du pouvoir

Les Républicains multiplient les attaques et les critiques contre Eric Zemmour, qui connaît un bond spectaculaire dans les sondages. Cette stratégie s'apparente-t-elle aux méthodes employées par les Républicains américains pour tenter de débouter la candidature de Donald Trump avant son élection ?

Gérald Olivier

Gérald Olivier

Gérald Olivier est journaliste et  partage sa vie entre la France et les États-Unis. Titulaire d’un Master of Arts en Histoire américaine de l’Université de Californie, il a été le correspondant du groupe Valmonde sur la côte ouest dans les années 1990, avant de rentrer en France pour occuper le poste de rédacteur en chef au mensuel Le Spectacle du Monde. Il est aujourd'hui consultant en communications et médias et se consacre à son blog « France-Amérique »

Il est aussi chercheur associé à  l'IPSE, Institut Prospective et Sécurité en Europe.

Il est l'auteur de "Mitt Romney ou le renouveau du mythe américain", paru chez Picollec on Octobre 2012 et "Cover Up, l'Amérique, le Clan Biden et l'Etat profond" aux éditions Konfident.

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Atlantico : Alors que la candidature d’Eric Zemmour connaît un fort départ en France, Les Républicains français l’attaquent de toutes parts par peur de disparaître électoralement. Comment se sont pris les Républicains américains pour tenter de débouter la candidature de Donald Trump ? Ces attaques venaient-elles de tous les pans du parti Républicain ?

Gérald Olivier : Donald Trump a présenté sa candidature en juin 2015. Dans un premier temps, cette candidature n’a pas été prise au sérieux par certains membres du parti Républicain. C’est au cours de l’été quand on l’a vu monter dans les sondages que les gens ont commencé à s’inquiéter. Il y a eu une levée de boucliers contre Trump de la part de l’aile droite du parti Républicain en particulier les Conservateurs et Néo-Conservateurs à travers deux revues emblématiques aux Etats-Unis, la National Review et le Weekly Standard.

Ces deux revues reprochaient à Trump sa manière d'être, d'une part, et surtout le fait de ne pas être un vrai "conservateur". Lui-même avait déjà été candidat pour le parti de la réforme par le passé, un parti centriste. A un moment, il avait été inscrit comme Démocrate. Ils le dénonçaient donc comme un faux Républicain. Les néo-conservateurs dénonçaient son isolationnisme, et son rejet des engagements en Iraq et en Afghanistan. Les socio-conservateurs dénonçaient sa tolérance pour l'avortement (une position sur laquelle Trump a évolué depuis) et les fiscaux-conservateurs dénonçaient son manque de rigueur budgétaire. Mais ces attaques ont échoué à le faire chuter et au contraire c'est lui qui a mis la main sur le parti républicain à l'arrivée.

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Ces méthodes et cette stratégie déployées par les Républicains américains ont-elles renforcé la candidature de Donald Trump et son essor dans les sondages lors de la campagne électorale aux Etats-Unis ?

En tous cas, elles n’ont pas empêché son succès. Le grand avantage du système américain est qu'il est très ouvert et que les campagnes sont très longues. Un nouveau venu peut émerger. Un candidat peut faire évoluer les positions d'un parti.  Les primaires s'étalent sur de longs mois et les électeurs ont le temps de s’habituer à une candidature, voire de changer d’opinion vis-à-vis de ce candidat. C'est ce qui s'est passé pour Trump et le parti Républicain. Quand les dirigeants ont pris conscience de l'inéluctable, qu'il allait remporter les primaires et la nomination, ils se sont ralliés à lui et ont faire taire les "never-trumpers" comme on appelait ses opposants les plus déterminés au sein du camp Républicain. En 2016, tous les Républicains n’ont pas voté pour Donald Trump. Les « Never Trumpers » n’ont jamais véritablement changé d’avis mais leur campagne n’a pas porté ses fruits.

Par contre, ce dont Donald Trump a beaucoup bénéficié et ce dont bénéficie également Eric Zemmour en France, est le fait que tous deux sont des  "bêtes médiatiques". Ils font exploser l'audimat. Vous mettiez Donald Trump à la télévision et tout le monde regardait le programme.  Aujourd’hui, vous mettez Eric Zemmour à l’antenne et tout le monde va suivre le programme. Son débat avec Jean-Luc Mélenchon a battu des records d'audience pour la chaîne BFMTV.  Les chaînes de télévision sont en quête d'audience et donc sont incitées à parler de lui et à l’inviter parce que cela fait monter leur audimat. Trump a bénéficié en 2016 de la part des médias, donc CNN, qui pourtant lne l'aimait pas d'une publicité gratuite formidable. La même dynamique est en place pour Zemmour. Même ceux qui ne l'aiment pas parlent de lui et chacun sait qu'il n'y a pas de mauvaise publicité... En termes d'impact et de popularité médiatique il existe un vrai parallèle entre Trump et Zemmour.  

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Donald Trump a été « une surprise » pour les instituts de sondage américains et les grands médias. N’y a-t-il pas un paradoxe à voir Eric Zemmour connaître un bond spectaculaire dans les enquêtes d’opinion ?

Sa victoire a en effet été une énorme surprise. Pour ses adversaires, pour ses supporters et pour lui-même d'ailleurs aussi. Cela s'explique par le rôle des institutions, dont le fameux collège électoral, mais aussi par le fait que les électeurs de Trump n'ont pas forcément indiqué aux sondeurs pour qui ils allaient voter. Aux Etats-Unis, les partis ne sont pas des partis de militants ou d’adhérents, ce sont des partis de déclarations. Lorsque vous vous inscrivez sur une liste électorale, vous devez vous déclarer en tant que Démocrate, Républicain ou Indépendant. Vous n’avez pas besoin de prendre votre carte à un parti. Et lors d'une élection générale vous pouvez ne pas voter en fonctoin de votre affiliation. Les Indépendants vont ainsi d'un parti à l'autre. D'où la possibilité de surprises à l'arrivée. En France ce qui se passe est différent. Eric Zemmour a libéré une certaine parole réprimée pendant des années. Les gens qui pensent comme lui et qui n'osaient pas le dire avant se sentent à présent en mesure de s'affirmer et revendiquent au contraire leur soutien à Zemmour. D'où sa montée dans les sondages. Par contre pour que cette montée se confirme, Eric Zemmour devra venir à bout des appareils politiques et cela est plus difficile à faire. En France, nous avons des partis avec des hiérarchies, des militants, des états-majors, des relais en province, une logistique, des soutiens financiers. Eric Zemmour est une double menace pour les partis LR et  RN. Il peut vider ces partis de l’intérieur. Et les priver de leurs électeurs au premier tour. Il pourrait arriver au candidat des Républicains ou à Marine Le Pen ce qui est arrivé au candidat socialiste Benoît Hamon en 2017, c’est-à-dire de commencer à 18% et de finir à 6% de l’électorat.

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La tâche demeure beaucoup plus difficile pour un Eric Zemmour de parvenir au second tour. Il y a un certain nombre de gens, ne serait-ce que dans l’entourage d’Emmanuel Macron qui ont aussi intérêt à soutenir sa candidature pour l'instant car elle contribue à diviser la droite un peu plus et  à affaiblir la première candidate de la droite aujourd’hui qui est Marine Le Pen.     

De nombreux commentateurs comparent la candidature d’Eric Zemmour à celle de Donald Trump. Sur quels points peut-on associer les deux personnages et voies vers la Présidentielles ? 

Le premier point commun concerne leur impact médiatique. Tous les deux sont des « bêtes de scène » en quelque sorte et pour des qualités différentes. Par contre Eric Zemmour est un intellectuel, ce que n’est pas du tout Donald Trump, c'est un pragmatique. Mais la France est un pays d’intellectuels et aime les intellectuels, alors que les Américains sont des pragmatiques qui aiment les gens efficaces. Mais tous deux savent captiver une audience et susciter l'enthousiasme lors des réunions publiques. Il y a une "zemmour-mania" en France aujourd'hui, comme il y avait une Trump-mania aux USA en tre 2016 et 2020, souvenez vous de ces meetings dans des stades de soixante mille place, c'était du jamais vu aux Etats-Unis... Donald Trump était un candidat anti-système, anti-establishment et Eric Zemmour l'est aussi d'une certaine façon. Ce n'est pas un homme politique de carrière et il dénonce les hommes et femmes  politiques classiques comme manquant de convictoin et courant après l'électorat. Eric Zemmour ne court pas après l’électorat. Il a des principes auxquels il a toujours adhéré et des principes, qui dans son esprit sont d’autant plus justifiés, que sa vision du monde (et de son évolution) s'est toujours avérée la bonne au cours des trente à cinquante dernières années. Ce qu’il avait annoncé s’est produit. A partir de là, il estime comprendre la société française et donc être en mesure d’apporter des réponses aux problèmes de la société française. Eric Zemmour s’oppose aux hommes politiques parce que justement lui n’a jamais changé d’idées, n’a jamais changé de vision, n’a jamais changé d’axe. En ce point-là, il est comme Donald Trump. En 1980, en 1990 et en 2000, Donald Trump disait exactement la même chose que ce qu’il a dit en 2016. Il y a donc ces deux points communs entre Donald Trump et Eric Zemmour.

Enfin, autre point commun avec Trump la nationalisme et le patriotimse. Trump professe et démontre en permanence son amour du drapeau, de la nation américaine. Son programme se résumait à deux mots "America First"! Zemmour est à la fois nationaliste, parce qu'il croit aux Etats-Nations, et patriote, parce qu'il aime la France et ose le dire bien fort. Son slogan pourrait être "La France d'abord"! 

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