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Le gouvernement annonce 2,7%, Alain Juppé rétorque 3,5%... Mais comment estimer sincèrement la réalité du trou budgétaire pour l’année 2017 ?
©Reuters

Doigt mouillé

2,7% de déficit, comme l'annonce Michel Sapin ? 3,5%, comme le prédit Alain Juppé ? Les contraintes budgétaires, si elles sont plus réalistes chez les candidats de droite, restent malheureusement sous-estimées par l'ensemble des acteurs politiques de premier plan. Cette ignorance pourrait pourtant engendrer un véritable risque démocratique, quand le candidat élu réalisera qu'il n'a pas la trésorerie pour tenir ses engagements.

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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Atlantico : Alors que le gouvernement prévoit un déficit de 2,7% du PIB pour l'année 2017, Alain Juppé estime quant à lui que le chiffre sera plus proche de 3,5%. Au regard des prévisions actuelles, quelle est la prévision la plus réaliste concernant le budget 2017 ?

Jean-Yves Archer : Didier Grandguillaume, président du groupe "Socialistes et apparentés" du Sénat, a émis mercredi matin le tweet suivant : "Comme les dernières années, la véracité des chiffres du ‪#PLF2017‬‬ se vérifiera en fin d’année malgré critiques et assertions anxieuses".

A la lumière de la progression continue de l'endettement du pays qui flirte désormais avec les 100% du PIB, il y a de quoi émettre plus que des assertions anxieuses et rechercher, avec ardeur, le chemin de la lucidité voire de la rectitude.

Le sénateur, en bon soldat, s'en écarte dangereusement pour se caler sur les martèlements rhétoriques du ministre Michel Sapin. 

En effet, la prévision de déficit de 2,7% en 2017 n'est désormais confirmée par aucun organisme crédible. À commencer (et ce n'est pas le moindre) par le Haut Conseil des Finances publiques présidé par Didier Migaud (premier président de la Cour des comptes et ancien homme politique socialiste) qui estime le chiffre de 2,7% " improbable". On ne saurait être plus clair.

Au plan factuel, l'effort lié aux dépenses de sécurité (nouveaux recrutements, etc.) va continuer de marquer son empreinte dans le budget 2017. De même, le chapelet de gestes électoralistes issus de la volonté du déjà-candidat Hollande.

Dans ce contexte de relâchement de la dépense et de tassement des perspectives de croissance, il est tout à fait réaliste de penser que la France subira un déficit de 3,5% de son PIB en 2017.

Quels sont les moyens, voire les "manipulations comptables" utilisés par le gouvernement pour justifier un tel chiffre de 2,7% ? Faut-il craindre des difficultés d'ordre économique, d'une part, mais également un "piège" pour des électeurs français potentiellement "trompés" ?

‪‬‬‬‬‬‬‬‬Didier Grandguillaume aurait dû écouter Jacques Attali qui déclarait la semaine dernière, sur LCI à Yves Calvi, que le gouvernement "utilise toutes les ficelles" pour boucler, tant bien que mal, le PLF 2017.

Certaines charges sont repoussées à demain : songeons aux nécessaires recapitalisations d'Areva et d'EDF (pour un total d'environ 8 milliards), à la gestion de la dette de la SNCF qui a désormais, comptablement, un problème de fonds propres du fait du poids de sa dette.

Certaines dépenses sont lissées au mépris du respect de l'annualité budgétaire et on assiste ainsi à des différés d'engagements peu compatibles avec la notion d'image fidèle, donc de sincérité budgétaire. Le cas de l'Education nationale est hélas instructif.

Lorsque possible, des sommes sont inscrites en engagements hors-bilan (qui représentent désormais un total cumulé de 3250 milliards) afin de ne pas se trouver incluses dans le déficit au sens des critères de Maastricht.

Clairement, le Secrétaire d'Etat Christian Eckert a mis à profit sa formation mathématique pour adoucir les rugosités spontanées de ce PLF tandis que Michel Sapin enjolive les vertus théoriques du prélèvement à la source qui cache mal son ambition de voir fusionnés l'IR et la CSG.

Le Président Hollande avait fait sourire en utilisant, il y a quelques années, le terme de "boîte à outils". Ici, il a deux membres de son gouvernement qui ont utilisé tous les outils possibles pour éviter les miroirs de la vérité. L'avenir le lancera au visage de celui qui sera élu en mai 2017 et devra s'appuyer sur un collectif budgétaire.

Autrement dit, sur une Loi de finances rectificative. Du type de celles qui ont existé depuis 2012 et que tait, de manière inique, le tweet du sénateur Grandguillaume ou ses interventions sur la chaîne Public Sénat.

En quoi les dernières annonces décevantes, aussi bien en terme de chômage que de croissance, peuvent laisser penser que le budget ne pourra être bouclé comme prévu ? La différence est-elle plus à mettre au débit d'un problème de croissance, ou s'agit-il plus d'une difficulté du gouvernement à maîtriser les comptes publics ? 

‪‬‬‬‬‬‬‬‬Hélas, la question du chômage de masse est loin d'être résolue et l'inadéquation entre l'offre de travail (âge, compétences, actualité des dernières formations, etc.) et les besoins des entreprises est une lourde spécificité française.

Autant dire que la caution que l'État apporte (engagement hors-bilan) à l'endettement prévu croissant de l'Unedic en 2017 demeurera un enjeu. Sans parler de la montée tendancielle des budgets RSA d'autant plus vivace que la crise perdure.

Tout le PLF 2017 repose sur le maintien de l'hypothèse de croissance à 1,5%. Or, celle-ci est hasardeuse et nous risquons de déboucher sur un chiffre voisin de 1,2%, ce qui change la donne des rentrées fiscales, notamment de la TVA.

Ce que vous nommez le problème de croissance risque de se muer en problème de ponction fiscale si la France veut honorer ses engagements européens.

Quant à la difficulté de l'actuel gouvernement à maîtriser les comptes publics, il y a longtemps que la plupart des citoyens ont compris que l'équipe Hollande n'a pas su respecter ses propres affirmations. Où sont les 50 milliards (sur 3 ans) d'économies ? Ils ont disparu faute de rigueur et de vertu budgétaire et ont rejoint le niveau de qualité de gestion du département de la Corrèze, ancienne manière.

Arnaud Montebourg a récemment indiqué qu'il "faudra aller casser de la vaisselle à Bruxelles" pour desserrer les carcans des Traités européens. Certes. Une chose est sûre, la nouvelle équipe présidentielle aura à faire un choix crucial après lecture d'un audit documenté. Oui, la sortie des années Sapin et Hollande imposera la production d'un audit équivalent à celui de François Bloch-Lainé en 1981, diligenté par un certain François Mitterrand.

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