Guerre d'Algérie : la trahison française sur le désarmement des harkis <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
Le général de Gaulle avait décidé, il fallait obéir, mais pour les musulmans engagés sur place, c’était la pire des trahisons.
Le général de Gaulle avait décidé, il fallait obéir, mais pour les musulmans engagés sur place,  c’était la pire des trahisons.
©Deutsches Bundesarchiv (Wegmann, Ludwig)

Enfant de la guerre

"Il est de tradition, chez les amiraux de Castille, de choisir la mort plutôt que d'abandonner un seul de ses hommes". Cette réplique de Christophe Colomb, le général François Meyer l'a faite sienne cinq cent ans plus tard. Il témoigne dans "Harkis, soldats abandonnés" (Extraits 1/2).

François Meyer

François Meyer

En dépit des ordres, des obstacles et du danger, François Meyer, alors jeune lieutenant, a mis à l'abri en France, entre juin et juillet 1962, trois cent cinquante harkis, familles comprises. Non seulement il n'a pas abandonné ses hommes, mais encore, il les a accompagnés le reste de sa vie durant.

Voir la bio »

Pendant toute l’année 1961, nous avons connu la détérioration psychologique, l’angoisse naissante, la lassitude du général de Gaulle et des Français. On voyait bien l’inutilité de l’armée qui livrait bataille.

On continuait pourtant de combattre, les embuscades et le terrorisme FLN continuant d’agir, mais on avait bien conscience d’un abandon prochain. L’information officielle ne faisait état que de négociations. Les opérations s’enchaînaient bien encore, mais le moral était soumis à une rude épreuve. Les combats se sont ainsi poursuivis jusqu’en février 1962.

Nous n’imaginions pas la réalité les accords d’Évian, le retrait de l’armée française et l’arrivée des forces de l’ALN. Le général de Gaulle avait décidé, il fallait obéir, mais pour les musulmans engagés sur place, c’était la pire des trahisons.

En Algérie, les effectifs de l’armée diminuaient. Les troupes commençaient à quitter les différents postes. En 1960, il y avait cinq mille cinq cents implantations de l’armée. Début 1962, il n’en restait plus que cinq cents. Entre janvier 1961 et janvier 1962, un tiers des harkas avait disparu. En janvier 1961, les harkis étaient soixante mille. Ils n’étaient plus que quarante et un mille début 1962. Quand on démobilise, on désarme. Les harkis, toujours menacés, n’avaient qu’une appréhension, c’était d’être désarmés. C’est le désarmement qui a provoqué les désertions désespérées.

Il y a eu alors une désertion significative capitale dans la harka de Bou Alam. Il n’y avait jamais eu de désertions, depuis 1956 ! Le soir du 6 mars 1962, à 21 heures, trois sous-officiers, anciens ralliés de 1960, et trois jeunes harkis à leurs ordres partent en emportant l’armement de leur poste de garde. Ils avaient pris contact avec quelques derniers combattants de l’ALN qui étaient venus les attendre dans la nuit.

Peu après leur arrivée à la katiba, ils seront mis à mort. On l’apprendra quelques jours après. Les trois jeunes harkis ont été égorgés, les sous-officiers ont été suppliciés. Ahmed ben Tifour, leur chef, a été découpé. Progressivement. D’abord un doigt, puis un autre, et la main, le bras… Tous les jours, on lui enlevait quelque chose. C’est ainsi qu’il a été mis à mort.

Le commandement militaire a, lui, surtout voulu récupérer les armes perdues. Le colonel commandant le secteur opérationnel à Géryville a réuni aussitôt un état-major, des commandos de marine, des légionnaires, et m’a donné l’ordre de partir en tête le lendemain matin à 5 heures sur les traces des fuyards. À ce moment, j’ai refusé. Je ne ferais pas se battre des pères contre leur fils, des familles entre elles…. Silence ! Mon voisin s’est alors tourné vers le colonel en disant : « Je prends la mission de Meyer », ajoutant à mi-voix : « Ne t’inquiète pas, on ne les retrouvera pas. » C’est ce qui, le lendemain, s’est passé.

Ce voisin était le lieutenant de vaisseau Cucherat, il commandait un commando de marine, et dès la fin de l’opération de recherche, il est passé à l’OAS. Plus tard, devant le tribunal, il a expliqué : « J’ai rejoint l’OAS quand j’ai vu la fin des harkis du commando Meyer. » Aujourd’hui, je sais qu’il est religieux et vit dans un couvent en Italie.

__________________________

Extrait de Harkis, soldats abandonnésXO EDITIONS (23 février 2012)

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !