La vaccination réduit de 8 fois le risque d’être contaminé ? Les dangereuses approximations du professeur Salomon<!-- --> | Atlantico.fr
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Une membre du personnel soignant vaccine une personne contre la Covid-19.
Une membre du personnel soignant vaccine une personne contre la Covid-19.
©ALAIN JOCARD / AFP

Efficacité vaccinale

Jean Castex et Jérôme Salomon ont annoncé qu’avec le vaccin, nous aurions « 8 fois moins de risque d'être infecté. 11 fois moins de risque d'être hospitalisé pour une forme sévère ». Ces chiffres proviennent d’une lecture d’un rapport de la Drees. Ces données correspondent-elles à la réalité scientifique ? Que sait-on de l’efficacité des vaccins contre la Covid-19 à l’heure actuelle ?

Claude-Alexandre Gustave

Claude-Alexandre Gustave

Claude-Alexandre Gustave est Biologiste médical, ancien Assistant Hospitalo-Universitaire en microbiologie et ancien Assistant Spécialiste en immunologie. 

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Atlantico : Jérôme Salomon et Jean Castex, notamment, répètent et présentent comme des faits qu’avec le vaccin, on a « 8 fois moins de risque d'être infecté. 11 fois moins de risque d'être hospitalisé pour une forme sévère ». Ces chiffres proviennent d’une lecture d’un rapport de la Drees. A quel point sont-ils précis et corrects ?

Claude-Alexandre Gustave : Ces derniers jours, tous les sons de cloche ont été entendus à propos du risque relatif des vaccinés et non-vaccinés face à la COVID ! Outre les fluctuations de chiffres parfois déclamés tels des slogans à l’emporte-pièce, une impression de cacophonie s’est dégagée au gré des déclarations parfois contradictoires, allant du Premier Ministre déclarant que les vaccinés n’avaient « plus de chance d’attraper la maladie », obligeant les médias à corriger son propos telle une fakenews ; jusqu’au Pr. Delfraissy ou Pr. Pialoux rappelant que la contamination et transmission restent possibles même pour les vaccinés. Le journaliste Vincent Glad a fait un excellent thread à ce propos, avec une synthèse des différentes sources et données disponibles.

Les chiffres que vous évoquez sont effectivement issus d’un rapport de la DREES paru le 20/08/2021, et portant sur la 1ère semaine du mois d’août. Pour évaluer la précision de ces chiffres, il faut s’interroger sur leur source et sur la méthode utilisée. Pour calculer ces risques relatifs, la DREES a croisé 3 bases de données : SI-DEP (tests de dépistage), SI-VIC (hospitalisations) et VAC-SI (vaccination). Dans ces bases de données anonymisées, chaque patient est associé à un code d’identification unique qui permet d’associer son statut « infecté »/«non-infecté » (SI-DEP), sa prise en charge médicale « hospitalisé »/«pas hospitalisé » (SI-VIC), et son statut vaccinal « pas vacciné »/«vaccination incomplète »/«vaccination complète » (VAC-SI). Il est alors possible de dénombrer précisément les vaccinés et non-vaccinés parmi les infectés qui sont détectés lors des dépistages de routine, ou parmi les patients hospitalisés ou admis en soins critiques. En ce sens, ces chiffres sont précis. Cependant, sont-ils fiables ? Il faut alors s’interroger sur les biais potentiels qui peuvent entacher ces données, notamment en raison de leur mode d’acquisition. Sur la question du risque relatif d’être hospitalisé pour une forme sévère de COVID, les biais sont minimes. En effet, une personne qui suffoque parce qu’elle développe une pneumonie virale sévère liée à la COVID, va être admise à l’hôpital voire en réanimation car son pronostic vital est en jeu. Ainsi, le dénombrement de ces cas est très proche de l’exhaustivité (notamment hors des périodes de saturation hospitalière). Les calculs réalisés sur ces données hospitalières sont alors d’une grande fiabilité et permettent d’estimer un risque relatif robuste. On observe quelques fluctuations minimes en fonction des semaines, mais cela reste à la marge et ne change pas l’ordre de grandeur observé. Par exemple, dans le rapport de la DREES paru le 27/08/2021, portant sur la 2ème semaine d’août, le risque relatif d’être hospitalisé pour COVID grave en fonction du statut vaccinal n’est plus de 11 mais de 9. Ces fluctuations peuvent être le résultats de retard de saisi des données, variation des populations admises à l’hôpital (âge, ancienneté vaccinale…), biais lié à la présence d’immunisés dans le groupe dit « non-vacciné » (immunité post-infection)… Mais cela ne change pas l’ordre de grandeur d’environ 10 fois moins de formes graves chez les vaccinés par rapport aux non-vaccinés. Ces données obtenues en vie réelle corroborent les résultats observés durant les essais cliniques réalisés lors du développement de ces vaccins, et ces données françaises sont également en accord avec les données étrangères. L’exemple le plus fréquemment cité, Israël, retrouve la même réduction de risque d’être hospitalisé pour COVID sévère grâce à la vaccination. Les données épidémiologiques israéliennes permettent de comparer les taux d’admissions en soins critiques selon le statut vaccinal et selon l’âge :

Source : https://datadashboard.health.gov.il/COVID-19/general?utm_source=go.gov.il&utm_medium=referral

L’autre chiffre largement repris suite à la publication du rapport de la DREES, est la réduction du nombre d’infections d’un facteur 8 chez les vaccinés. Sur ce point, bien que les données soient toujours précises, elles ne sont cependant pas fiables. Pour comprendre cela il faut revenir au mode d’acquisition des données de la base SI-DEP : il s’agit des résultats de tests de dépistage réalisés dans la population générale. Il ne s’agit en aucun cas de dépistages systématiques ; on est donc très loin de l’exhaustivité ! Pour rappel, avant la campagne vaccinale, la comparaison des données de séroprévalence (% d’immunisés contre SARS-CoV-2 dans la population) et des infections effectivement détectées, montrait que seuls ≈37% des infections étaient réellement détectées. L’immense majorité des infections ne sont donc jamais perçues et donc jamais comptabilisées. Les calculs de risque relatif d’infection entre vaccinés et non-vaccinés portent donc sur un petit échantillon de la cohorte totale d’infectés. A cela s’ajoute un biais majeur lié à l’absence de dépistage systématique. Comment est alimentée la base de données SI-DEP ? Autrement dit, quelles sont les circonstances qui amènent à se faire dépister ? Tout d’abord être malade (avoir des symptômes évocateur de COVID). Dans ce premier cas, en cas d’infection, les vaccinés sont beaucoup plus rarement symptomatiques que les non-vaccinés car l’efficacité vaccinale contre les formes symptomatiques de COVID liées à Delta va de 40,5% (cf. données israéliennes), à 88% (cf. données anglaises). Etant beaucoup moins fréquemment symptomatiques que les non-vaccinés, les vaccinés sont donc beaucoup moins fréquemment dépistés.

Deuxièmement, les tests sont motivés par une obligation légale/réglementaire (pass sanitaire, voyages…). Là encore, les vaccinés ne sont quasiment jamais testés dans ce cadre légal/réglementaire puisque leur pass sanitaire est actif sans avoir recours à des tests de dépistage.

Enfin, les tests peuvent être motivés par les enquêtes de contact tracing, et sur ce dernier point, même si les vaccinés restent considérés comme « cas contact à risque modéré », Santé Publique France indique depuis plusieurs semaines que le contact tracing est quasiment au point mort avec très peu de contacts déclarés par les infectés (moyenne de 1,4 contact par infecté), et une part d’infectés anciennement connus comme cas contact d’un autre infecté qui ne dépasse plus les 16% !!! Ainsi, les tests motivés par le contact tracing représentent une part insignifiante de l’ensemble des tests réalisés.

On comprend alors que chercher à évaluer le risque relatif d’infection entre vaccinés et non-vaccinés par le simple croisement des bases de données SI-DEP et VAC-SI est absurde. On ne détecte que très peu d’infections chez les vaccinés uniquement parce qu’on ne les teste presque plus ! Ainsi, dans le registre SI-DEP, on trouve très peu de vaccinés infectés, non pas parce que le virus circule peu chez eux, mais simplement parce qu’ils ne sont plus testés.

Le biais déjà majeur s’accentue encore si on rajoute les autotests dans l’équation ! Bien que la DGS recommande que tout autotest positif soit confirmé sous 24h par un test antigénique ou RT-PCR, rien ne garantit que ce test de confirmation soit effectivement réalisé, et donc rien ne garantit que les infectés détectés par les autotests soient effectivement recensés dans la base SI-DEP ! Les autotests ne sont ni déclarés, ni tracés. Sans confirmation en laboratoire ou via un test antigénique réalisé par un professionnel de santé, le cas n’apparaîtra jamais dans les statistiques officielles (sans oublier qu’aucun séquençage des variants ne pourra être fait non plus).

Que sait-on, factuellement, de l’efficacité des vaccins contre le Covid à l’heure actuelle ?

Claude-Alexandre Gustave : Lorsqu’on parle d’efficacité vaccinale, on doit bien différencier les différents niveaux d’efficacité, les périodes et types d’études, les populations et conditions locales dans lesquelles ces efficacités sont mesurées.

L’efficacité vaccinale est mesurable à différents niveaux : 1) contre l’infection, 2) contre les transmissions secondaires, 3) contre les formes symptomatiques de COVID, 4) contre les formes sévères (+/- hospitalisations/décès).

Cette efficacité peut être évaluée en « instantanée » lors des essais cliniques (développement), ou via un suivi longitudinal prolongé dans le temps. Elle peut aussi être mesurée via des études cliniques (cohortes contrôlées), ou via les données en « vie réelle ».

Enfin, cette efficacité ne vaut que pour la tranche d’âge dans laquelle elle est mesurée, face à un variant donné, et pour un recul de temps donné par rapport au schéma vaccinal complet.

L’efficacité vaccinale face à l’infection (portage viral) est peu pertinente car difficilement documentée. Comme évoqué précédemment, de nombreux biais entachent la mesure de cette efficacité si elle se base sur des données en « vie réelle ». Dans ce cas, il s’agit de simples croisements de bases de données (dépistage et statut vaccinal), or les vaccinés sont très rarement testés par rapport aux non-vaccinés, ce qui conduit à une surestimation majeure de l’efficacité contre l’infection. Il faut alors s’en tenir aux études cliniques contrôlées, et uniquement celles qui s’appuient sur un dépistage systématique avec une fréquence suffisante pour une détection fiable des contaminations chez l’ensemble des participants (immunisés ou non). En effet, sans dépistage systématique, seules les infections symptomatiques sont documentées (les formes asymptomatiques ne motivant presque jamais de dépistage). De plus, on sait que même si la charge virale initiale (pendant la première semaine d’infection) est identique chez vaccinés et non-vaccinés, elle décroît plus rapidement chez les vaccinés. Une fréquence de dépistage trop faible (typiquement <1x par semaine), introduit un biais supplémentaire en « ratant » des infections chez les vaccinés qui éliminent plus rapidement le virus que les non-vaccinés. Enfin, seuls les essais basés sur des RT-PCR peuvent être pris en compte car on ne cherche pas à évaluer la contagiosité (ce qui autoriserait le recours à des tests antigéniques), mais plutôt le simple fait de porter le virus (même si cela est limité à la sphère ORL). Il faut donc recourir aux tests les plus sensibles dont nous disposons, c’est-à-dire les RT-PCR.

Au-delà de ces limitations qui rendent très difficile d’évaluer l’efficacité contre l’infection avec fiabilité, il ne faut pas oublier les mécanismes sur lesquels cette efficacité pourrait reposer. On en vient alors au « design » de notre système immunitaire, et aux modes de transmission de SARS-CoV-2. Il s’agit d’un virus à transmission respiratoire, contre lequel nous ne disposons actuellement que de vaccins dits « systémiques » (injectables), et pas encore de vaccins à administration intranasale (en cours de développement. En stimulant l’immunité au niveau systémique, on induit une réponse immunitaire faible au niveau de la sphère ORL (porte d’entrée du virus), ce qui conduit à une efficacité très limitée contre le fait d’être contaminé, au moins au niveau nasal ou plus largement au niveau ORL (nasopharynx, voies aériennes supérieures). Ce phénomène s’explique par l’absence de « boost » immunitaire au niveau des muqueuses ORL lors de la 2ème injection vaccinale (neutralisée dans les tissus périphériques, avant d’arriver aux muqueuses ORL, en raison de l’immunité développée suite à la 1ère injection). On obtient alors une très bonne réponse immunitaire systémique (capable de protéger les tissus profonds comme les poumons, mais peu ou pas efficace pour empêcher le virus d’entrer dans notre organisme via les voies aériennes).

Par contre, cette immunité systémique est très efficace pour limiter l’invasion virale et accélérer son élimination ! En effet, chez un vacciné l’immunité est active contre SARS-CoV-2 dès le 1er jour d’infection, ce qui limite l’extension de l’infection et contient l’amplification du virus dans l’organisme. Chez un non-vacciné, cette immunité dirigée spécifiquement contre SARS-CoV-2 met 7 à 10 jours à apparaître (temps nécessaire au développement d’une réponse immunitaire adaptative face à un agent pathogène jamais rencontre auparavant). Le virus a alors beaucoup plus de « liberté » pour envahir les tissus et se répliquer très activement. Cette différence d’évolution de l’infection a été illustrée chez la souris via une expérience impossible à réaliser chez l’Homme puisqu’elle consiste en une infection volontaire avec un virus marqué que l’on peut suivre dans l’organisme, tout en surveillant l’évolution de l’état de santé des souris (guérison ou décès). Alors que les souris dépourvues d’anticorps anti-SARS-CoV-2 (mimant les non-vaccinés), décèdent en quelques jours d’une infection invasive, les souris dotées d’anticorps anti-SARS-CoV-2 voient leur infection se limiter aux voies aériennes supérieures, avec une guérison rapide. La vidéo de cette expérience est disponible ici

L’intérêt est double car, même si cette immunité n’empêche pas d’être infecté, elle limite l’invasion virale, ce qui réduit la « biomasse » virale (≈nombre de copies virales). Ceci permet de diminuer la probabilité d’émergence de nouveaux mutants (intérêt collectif+++ pour préserver l’efficacité vaccinale et la protection de la population). 

L’efficacité vaccinale peut aussi être mesurée face aux formes symptomatiques de COVID (c’est-à-dire contre la maladie sous ses formes non graves). Là encore, l’information est peu pertinente. Tout d’abord pour les mêmes raisons que vis-à-vis de l’infection, auxquelles s’ajoute un biais supplémentaire lié aux comportements de dépistage. Les vaccinés qui développent des symptômes peu sévères de COVID peuvent penser qu’il s’agit de tout autre chose (rhinite allergique, « un simple rhume »…) sans que cela ne motive un test de dépistage. On peut alors observer une sous-représentation des vaccinés parmi les cas de COVID symptomatique recensés, ce qui peut conduire à surestimer l’efficacité vaccinale. A l’inverse, les non-vaccinés d’aujourd’hui (alors que la vaccination a eu le temps d’être largement déployé tout en étant facilement accessible) sont plus fréquemment des « covido-sceptiques » ou des personnes qui se préoccupent peu de leur statut virologique même face à des symptômes évocateurs. Ils peuvent donc être sous-représentés parmi les cas de COVID symptomatiques, ce qui peut conduire à sous-estimer l’efficacité vaccinale.

Si l’on parle de formes symptomatiques peu sévères (typiquement un syndrome pseudo-grippal), l’efficacité vaccinale représente alors peu d’intérêt car ces formes cliniques ne génèrent ni mortalité, ni saturation hospitalière ! Au pire, elles encombrent les files d’attentes de téléconsultation et provoquent des arrêts maladie.

Le point clé sur lequel l’efficacité vaccinale doit être rigoureusement suivie concerne les formes sévères de COVID. Ce sont ces formes qui mettent en péril nos systèmes de santé, génèrent une morbi-mortalité importante, et menacent l’intégrité de nos sociétés. C’est donc sur ce point précis que les vaccins doivent être évalués dans la durée, au fur et à mesure que de nouveaux variants émergent. Jusqu’ici, même face à Delta, les vaccins maintiennent un très haut niveau d’efficacité contre les hospitalisations, les admissions en soins critiques et les décès. Les données sont indiscutables, fiables et concordantes d’où qu’elles proviennent, ce qui permet d’avoir une évaluation robuste de cette efficacité, dans des populations diverses, face à des niveaux de circulation virale variés, et à des périodes différentes. Nous avons déjà évoqué les données de la DREES, du Ministère de la Santé israélien, mais on pourrait y ajouter les données du CDC américain, du NHS et PHE anglais, du Qatar, de l’Islande… Dans tous ces cas, on observe une efficacité vaccinale supérieure à 90% contre les formes sévères de COVID, y compris associées au variant Delta.

Cependant, 2 points doivent être soulignés :

  1. La diminution de protection au cours du temps : ce phénomène est attendu, d’autant plus face à un virus à transmission respiratoire, appartenant au genre des Coronavirus (et donc peu immunogène), et soumis à une évolution antigénique (variants). Cette baisse de protection n’est pas seulement évoquée devant la décroissance du taux d’anticorps neutralisants (anticorps protecteurs), ce qui est un phénomène physiologique systématiquement observé après vaccination ou après infection ; mais il s’agit bien d’une perte progressive de protection clinique. Les données israéliennes ont déjà mis en évidence cette évolution qui expose à nouveau à un risque significatif 6 à 8 mois après la 2ème dose vaccinale. Cette décroissance est d’autant plus rapide que les patients sont âgés et/ou porteurs de comorbidités à risque de COVID grave, mais elle concerne l’ensemble de la population. Israël a d’ailleurs initié une campagne vaccinale pour l’administration d’une 3ème dose chez les plus de 20 ans. La population adhère massivement à cette nouvelle campagne vaccinale dont le déploiement a été fulgurant chez les >60 ans (cf. « packet 3 » sur l’infographie ci-dessous) :

Source : https://datadashboard.health.gov.il/COVID-19/general?utm_source=go.gov.il&utm_medium=referral

Cette tendance à la baisse de protection a été également récemment confirmée par le Qatar avec une forte diminution de protection contre les formes sévères de COVID après 5 mois environ post-2ème dose. Après 25 semaines, l’efficacité moyenne tombe à 71,5% avec un intervalle de confiance allant de 9,2% à 92,3%, ce qui traduit une hétérogénéité+++ selon les patients parmi lesquels certains restent très bien protégés, quand d’autres perdent presque totalement leur protection.

L’intérêt d’une 3ème dose vaccinale pour l’ensemble de la population ne fait donc pas de doute. Les résultats récents obtenus par ModeRNA et Pfizer/BioNTech suggèrent une très grande efficacité de cette 3ème dose si elle est administrée au moins 6 mois après la 2ème, avec un taux d’anticorps neutralisants (anticorps protecteurs) décuplé et bien plus élevé que celui obtenu après la 2ème dose (ce qui suggère une protection bien plus durable après la 3ème dose ; sous-réserve de ne pas laisser diffuser de nouveaux variants échappant à cette immunité acquise).

Pour Pfizer/BioNTech : https://s21.q4cdn.com/317678438/files/doc_financials/2021/q2/Q2-2021-Earnings-Charts-FINAL.pdf

Pour ModeRNA : https://investors.modernatx.com/static-files/c43de312-8273-4394-9a58-a7fc7d5ed098

  1. Quand l’efficacité est mesurée à 90%, cela ne signifie pas que chaque vacciné est protégé à 90% contre une COVID grave, mais cela indique que parmi les vaccinés, 90% seront pleinement protégés, et 10% ne le seront pas malgré un schéma vaccinal complet. Rapporté à l’ensemble de la population française, ces 10% pourraient représenter au moins 6 à 7 millions de personnes. Si on se limite aux actuels « vulnérables » (environ 25 millions de français), cela pourrait laisser 2 à 3 millions de personnes exposées à un risque viral majeur. Il est donc crucial de comprendre l’importance d’associer vaccination et mesures barrières. L’un sans l’autre ne suffira pas. L’un sans l’autre ne permettra pas d’éviter de nouvelles submersions des systèmes de santé, ce qui mettrait en péril la situation sanitaire, socio-économique, politique…

Ce qui nous amène au dernier point : l’efficacité vaccinale contre la transmission virale. Elle s’appuie d’une part sur l’efficacité contre l’infection (acquérir le virus), et d’autre part sur l’efficacité contre la contamination (le transmettre à quelqu’un). Je ne reviens pas sur l’efficacité contre l’infection, probablement faible voire nulle. Quant à l’efficacité contre la contamination, elle est également délicate à évaluer car sa mesure retombe sur les mêmes difficultés que pour l’évaluation de l’efficacité contre l’infection. Cependant, des études cliniques permettent malgré tout d’estimer cette efficacité contre la contamination d’autrui via des contacts tracings ciblés chez des vaccinés et non-vaccinés (chez leurs proches…). L’une des plus récentes, publiée par l’ECDC le 5 août, estimait cette efficacité à 71%, MAIS elle s’appuie sur des données récoltées entre février et mai 2021, c’est-à-dire AVANT l’arrivée de Delta. Cette efficacité est donc probablement bien plus faible désormais.

Ceci peut paraître contradictoire avec les études récentes qui ont mis en évidence une charge virale similaire chez vaccinés et non-vaccinés, mais semble cohérent avec les données récentes montrant qu’à charge virale identique, les vaccinés auraient moins de virus cultivable (infectieux) que les non-vaccinés. Ceci pourrait être le résultat d’une excrétion de virus partiellement recouverts d’anticorps neutralisants chez les vaccinés, avec un virus qui perd donc en infectiosité malgré une excrétion quantitativement similaire à celle des non-vaccinés.

Cependant, transmission réduite ne signifie pas absence de transmission. Il est donc crucial de maintenir les mesures barrières (distanciation, aération, masque systématique en lieux clos, et en extérieur si foule ou si <2 mètres entre les individus), protection des frontières via des quarantaines, sécurisation des écoles… car même en étant largement déployée, la vaccination ne stoppera pas la circulation virale. En effet, l’immunité collective est hors d’atteinte face à ce virus. Même sans tenir compte d’éventuels nouveaux variants échappant à l’immunité, même sans tenir compte de l’atténuation de l’immunité au cours du temps, et même en étant très optimiste sur l’efficacité vaccinale contre l’infection (90%, d’après études anglaises AVANT Delta), et très optimiste sur l’efficacité vaccinale contre la contamination d’autrui (71%, d’après étude ECDC ci-dessus AVANT Delta), on arrive à une efficacité vaccinale contre la transmission virale de 97% ! Cela paraît très élevé, mais si on rapporte cela au R0 de Delta mesuré à 8, on constate alors qu’il faudrait vacciner plus de 90% de la population pour espérer arrêter la circulation virale. Et ceci en étant exagérément optimiste sur l’efficacité vaccinale, et sans tenir compte ni de l’évolution virale, ni de l’affaiblissement immunitaire au cours du temps !

On en revient donc aux basiques répétés depuis des mois par l’OMS :

  1. Vaccination massive pour réduire au maximum la morbi-mortalité associée aux infections
  2. Stratégies de suppression virale pour limiter au maximum la circulation virale, protéger la population durablement, limiter l’évolution virale.

Pour ceux qui préfèrent les descriptions graphiques au longues phrases, c’est la technique du « gruyère » :

Le vaccin est efficace et la balance bénéfice risque n’est pas en doute, mais à déformer la réalité scientifique pour mobiliser la population, le gouvernement ne risque-t-il pas l’effet l’inverse ?

Claude-Alexandre Gustave : Cette problématique ne se limite pas à la vaccination. En faisant miroiter des objectifs irréalistes, voire erronés, on nourrit la défiance de demain ! Quand le Premier Ministre déclare qu’un vacciné ne peut plus être infecté, c’est une faute car les données de la science montrent le contraire, et une telle déclaration vient alors instiller le doute à la fois envers les scientifiques, et aussi envers la parole publique qui s’en trouve décrédibilisée. Quand le Ministre de la Santé signe un décret autorisant l’abandon des mesures barrières dans les lieux soumis au pass sanitaire alors qu’aucune des conditions d’obtention du pass ne garantit l’absence de contagiosité, c’est encore une faute qui vient semer le trouble, ajouter à la confusion, et rendre encore moins lisibles les règles sanitaires. Quand les autorités sanitaires continuent à placer « l’immunité collective » comme objectif ultime alors que là encore les données de la science montrent qu’elle est inatteignable face à ce virus, cela nourrit la défiance « antivax » de demain quand nous aurons atteint les seuils critiques présentés comme salutaires, et que le virus continuera malgré tout à circuler, évoluer… C’est la même problématique vis-à-vis de la vaccination des enfants, qui devient difficile à justifier quand les autorités sanitaires ont passé 18 mois à nier le rôle des écoles dans l’amplification épidémique, en déclarant régulièrement que les enfants étaient « peu contaminés et peu contaminants », au mépris des données scientifiques internationales. Cette façon de gérer la crise sanitaire a été constante depuis plus de 18 mois, en usant d’une communication focalisée sur le court terme, et présentant des objectifs illusoires. Allant ainsi de déconvenue en déconvenue, les autorités ont trouvé refuge dans l’argument « d’imprévisibilité », « d’humilité face au virus »… Pourtant il ne s’agit pas d’un alien ! SARS-CoV-2 obéit aux lois classiques de la virologie, de l’épidémiologie et de l’immunologie ! Ces lois auraient imposé des mesures et stratégies différentes pour lutter efficacement contre cette épidémie mais ces mesures auraient alors été plus délicates à faire accepter par une population de culture occidentale, attachée au libéralisme. C’est aussi pour cela qu’on observe un tel clivage et une telle différence de sévérité de cette même pandémie vis-à-vis des pays d’Extrême-Orient (notamment avec les pays de culture confucianiste) où la population est plus attachée à l’intérêt collectif, à la protection et à la solidarité. Au bilan, notre stratégie sanitaire n’a nullement réglé le problème de la COVID, tout en érodant au possible l’acceptation populaire des mesures sanitaires, en exacerbant les dérives idéologiques nauséabondes, tout en laissant une balafre sanitaire historique avec une morbi-mortalité record que les pays engagés dans la suppression virale auront évité.

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