La Turquie, grande gagnante de l'intégration de la Suède et de la Finlande dans l'OTAN<!-- --> | Atlantico.fr
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La Suède et la Finlande ont pris l’engagement de ne plus fournir aucun soutien aux Kurdes syriens du PYD et YPG et au Fetö.
La Suède et la Finlande ont pris l’engagement de ne plus fournir aucun soutien aux Kurdes syriens du PYD et YPG et au Fetö.
©DR / Capture d'écran

Diplomatie

La diplomatie de la Turquie a une fois de plus prouvé son efficacité lors des pourparlers qui ont eut lieu avant le sommet de l’OTAN à Madrid pour accepter que la Suède et la Finlande rejoignent l’Alliance. Elle devrait en tirer de nombreux bénéfices qui pourraient bien heurter les défenseurs de la cause kurde, et plus globalement, du respect des principes démocratiques.

Alain Rodier

Alain Rodier

Alain Rodier, ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français, est directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Il est particulièrement chargé de suivre le terrorisme d’origine islamique et la criminalité organisée.

Son dernier livre : Face à face Téhéran - Riyad. Vers la guerre ?, Histoire et collections, 2018.

 

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Dans un accord signé daté du 28 juin entre les ministres des Affaires étrangères des trois pays, la Suède et la Finlande faisant référence aux « valeurs communes » partagées avec la Turquie…  ont pris l’engagement de ne (plus) fournir aucun soutien aux Kurdes syriens du PYD et YPG (pourtant soutenus par les États-Unis) et au Fetö (mouvement de Fetullah Gülen accusé par Ankara d’être derrière le coup d’état militaire raté de 2016). À noter qu’en Turquie, le moindre soupçon d’appartenir à cette « confrérie » qui avait appuyé l’arrivée au pouvoir de l’AKP en 2002 conduit directement le suspect à la case prison. Des intellectuels, des journaliste, des enseignants, des juges, des policiers et des militaires en ont fait l’expérience.

Plus précisément : de « rejeter et de condamner le terrorisme sous toutes ses formes et manifestations dans les termes les plus forts […] condamner sans ambigüité toutes les organisations terroristes commettant des attaques contre la Turquie ».

La Suède et la Finlande ont confirmé considérer - comme le reste de l’Union européenne, les États-Unis, la Grande-Bretagne, etc. - le PKK comme une organisation terroriste et pris l’engagement de mener « la lutte contre le terrorisme avec détermination et résolution, conformément aux dispositions des documents et politiques de l’Otan […] en prenant toutes les mesures nécessaires pour renforcer la législation nationale en ce sens ».

Stockholm et Helsinki ont également décidé de renforcer leur coopération avec Ankara en matière de lutte contre le terrorisme et le crime organisé qui inclue « les services de sécurité et les services de renseignement » (justice, police, services de renseignement) et d’enquêter sur « toute activité de financement et de recrutement du PKK et de toutes les autres organisations terroristes ». Comme la majorité de ces recettes se fait par l’« impôt révolutionnaire » (vieille méthode marxiste-léniniste qui peut être assimilée à du racket) prélevé sur les Kurdes vivant à l’étranger, les services de police suédois et finlandais vont avoir du travail.

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Enfin, le document indique que la « Finlande et la Suède traiteront les demandes d’expulsion ou d’extradition de personnes soupçonnées de terrorisme de manière rapide et approfondie, en tenant compte des informations, preuves et renseignements fournis » par Ankara et « établiront les cadres juridiques bilatéraux nécessaires à la coopération en matière de sécurité avec la Turquie, conformément à la Convention européenne sur l’extradition ». Ankara na pas perdu une minute, le ministre turc de la Justice, Bekir Bozdag, déclarant : « Dans le cadre du nouvel accord, nous allons demander à la Finlande l'extradition de six membres du PKK et six membres de Fetö ; et à la Suède d'extrader dix membres de Fetö et onze du PKK ».

En Suède, la communauté kurde du pays qui compte quelques 100 000 personnes s’inquiète. La députée socialiste Linda Snecker a ainsi affirmé : « le gouvernement sacrifie les Kurdes de Suède pour devenir membre de l'Otan ». De son côté, le président finlandais, Sauli Niinistö, anticipant les réactions négatives qui ne devraient pas manquer a déclaré que : « la Finlande continue naturellement de fonctionner conformément à sa législation nationale […] notamment en matière de lutte contre le terrorisme, d'exportations d'armes et d'extraditions ».

Quant à l’embargo sur les ventes d’armes décrété en 2019 suite au déclenchement d’une opération militaire turque en Syrie et en Irak du Nord, Ankara a obtenu qu’il soit levé. « à l’avenir, les exportations militaires de la Finlande et de la Suède [qui] seront menées dans le respect de la solidarité avec l’Alliance et conformément à la lettre et à l’esprit de l’article 3 du Traité de Washington ».

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Le retournement de position politique de la Suède et de la Finlande vis-à-vis de la Turquie est impressionnant. La « peur du Russe » leur fait renier leur neutralité historique en sacrifiant sur l’hôtel de la sécurité collective les causes que ces deux pays défendaient jusqu’alors. À savoir qu’ils accueillaient depuis des dizaines d’années des réfugiés kurdes ou appartenant à l’opposition au régime du président Erdoğan.

En 2019, le ministre finlandais de la Défense, Antti Kaikkonen, faisant référence à l’opération militaire alors  lancée par la Turquie dans le nord de la Syrie déclarait : « en ce qui concerne mon domaine de responsabilité, je dirais ceci: la Finlande n’exporte pas de matériel militaire vers des pays en guerre ou qui violent les droits humains  ».

De son côté, l'administration suédoise des exportations d'armes avait interdit l'exportation d'armes vers la Turquie pour les mêmes raisons le 15 octobre 2019.

Il faut reconnaitre que la Turquie n’est que très peu équipée jusqu’à présent de matériels provenant de ces deux pays excepté des fusils de précision finlandais TRG-42 et d’antédiluviens canons anti aériens de 40 mm L/70 et des armes anti-chars Carl Gustav suédois.

Il sera intéressant de voir ce qui se passera dans les prochaines semaines si la Turquie lance, comme le président Erdoğan l’a déclaré de 27 juin, une nouvelle offensive contre les « terroristes » kurdes en Syrie et en Irak du Nord.

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