La police enquête sur une « vidéo promotionnelle » tournée à bord d’un navire d’une ONG allemande

Utilisant un langage rappelant la campagne publicitaire d'une agence de voyage, un passeur de migrants libyen et certains de ses clients satisfaits ont tourné une vidéo promotionnelle à bord d'un navire de sauvetage de migrants appartenant à une ONG allemande en Méditerranée. Les autorités italiennes enquêtent actuellement sur ce qu'elles appellent des "vidéos promotionnelles" destinées à faire connaître les services de traite des êtres humains.

Les vidéos ont été repérées et republiées par Migrant Rescue Watch sur X le lundi 5 février. Selon l'organisme de surveillance, les vidéos et les images montrent comment les migrants, quelques minutes seulement après avoir été "secourus" - c'est-à-dire remis à l'ONG par les passeurs près de la côte libyenne - ont commencé à se filmer pour remercier leur trafiquant, Naseem Areebi, connu sous le nom de Mazen Al-Zuwari.

D'après son accent, le quotidien italien Il Giornale pense qu'au moins une partie des images a été filmée par Al-Zuwari lui-même depuis le siège du conducteur de son bateau, alors qu'il regardait avec suffisance sa cargaison être prise en charge par l'ONG allemande. Les migrants heureux répètent "Al-Zuwari number one", puis une chanson personnalisée est ajoutée à la vidéo pour faire l'éloge du passeur.

Le "sauvetage" a été effectué le 31 janvier par Humanity 1, le navire de sauvetage de l'organisation caritative allemande SOS Humanity, qui a souvent été critiquée pour avoir joué le rôle de taxi pour migrants en Méditerranée en ramassant les migrants juste à l'extérieur des eaux territoriales africaines et en les expédiant directement en Italie. 

Les vidéos de célébration se poursuivent une fois que tous les migrants sont à bord du navire, montrant comment une poignée d'entre eux ont commencé à danser, invitant les membres de l'équipage à participer, ce qu'ils font avec plaisir. À la fin, les vidéos renvoient à un site web appelé "Arab Wind" où l'on peut contacter les passeurs et organiser le voyage. La traversée illégale de la Méditerranée peut coûter jusqu'à 5-6 000 dollars, indépendamment du risque évident pour la vie humaine.

Quatre jours plus tard, Humanity 1 a débarqué les 64 migrants à Massa Carrara, en Italie, peu avant que les photos et les vidéos ne soient téléchargées sur internet. Il Giornale soupçonne le timonier du bateau - Al-Zuwari ou l'un de ses employés - d'avoir également entrepris le voyage vers l'Italie en se faisant passer pour un réfugié.

Selon Migrant Rescue Watch, les images montrent non seulement l'absence totale de tout type de "détresse en mer", mais aussi que SOS Humanity a été "délibérément complice" dans la création des vidéos qui sont clairement destinées à être utilisées comme contenu promotionnel.

"Il s'agit simplement d'une autre livraison et d'un autre ramassage réussis (sur appel) de cargaisons humaines exécutés avec la complicité criminelle de l'ONG", a observé l'organisme de surveillance.

L'ONG SOS Humanity est l'une des deux organisations caritatives allemandes auxquelles Berlin a octroyé 790 000 euros pour poursuivre et développer son travail en Méditerranée. Ce financement a provoqué un incident diplomatique entre Berlin et Rome, lA Première ministre Giorgia Meloni ayant envoyé une lettre au chancelier Scholz dans laquelle elle se disait "étonnée" par cette décision.

Comme Mme Meloni a dû l'expliquer à M. Scholz, la présence d'ONG de sauvetage qui recueillent habituellement les migrants - qui ne sont pas en détresse et qui se trouvent à proximité des côtes africaines - constitue un facteur d'attraction majeur pour l'immigration clandestine vers l'Europe. "Il est de notoriété publique", écrit Meloni, que ces ONG "multiplient les départs d'embarcations précaires, ce qui entraîne non seulement une charge supplémentaire pour l'Italie, mais accroît également le risque de nouvelles tragédies en mer".

L'année dernière, l'Italie a enregistré plus de 155 000 migrants clandestins arrivés par la Méditerranée, dont beaucoup ont été déposés par l'un des dizaines de navires d'ONG de sauvetage opérant dans la région. Après que les centres d'accueil du pays ont été débordés en septembre dernier, Meloni a commencé à mettre en place un partenariat avec l'Albanie qui pourrait soulager l'Italie d'une partie de son fardeau.

Bien que ces ONG nient constamment que leurs opérations encourageraient la migration illégale, les preuves disent le contraire. En 2018, la fondation allemande Gefira a observé qu'au moins neuf de ces ONG récupéraient fréquemment des migrants sur les côtes libyennes et les convoyaient ensuite directement en Europe - 39 000 d'entre eux en seulement deux mois.