La moitié des emplois pourraient être remplacés par des robots dans les 20 ans à venir : mais quelle moitié ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Près de la moitié des emplois américains pourraient être informatisés d'ici une ou deux décennies.
Près de la moitié des emplois américains pourraient être informatisés d'ici une ou deux décennies.
©Reuters

Concurrence déloyale

La moitié des emplois américains pourraient être informatisés d'ici 20 ans, selon une récente étude. Du télémarketing à la saisie de données en passant par la couture : les professions les plus menacées concernent les tâches répétitives ou celles pouvant être résolues par des algorithmes.

Robin Rivaton

Robin Rivaton

Robin Rivaton est chargé de mission d'un groupe dans le domaine des infrastructures. Il a connu plusieurs expériences en conseil financier, juridique et stratégique à Paris et à Londres.

Impliqué dans vie des idées, il écrit régulièrement dans plusieurs journaux et collabore avec des organismes de recherche sur les questions économiques et politiques. Il siège au Conseil scientifique du think-tank Fondapol où il a publié différents travaux sur la compétitivité, l'industrie ou les nouvelles technologies. Il est diplômé de l’ESCP Europe et de Sciences Po.

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Atlantico : Près de la moitié des emplois américains pourraient être informatisés d'ici une ou deux décennies, selon une récente étude (voir ici). Ce graphique, repris par The Economist (voir ici), montre la probabilité pour certains métiers d'être pris en charge par des robots à une échelle de 20 ans. Les professions concernées sont-elles les mêmes en France ?

(Cliquez pour agrandir)

"Probabilité que l'informatisation provoque des pertes d'emploi, par type de profession". Source : The Economist

Robin Rivaton : Ces analyses sont fondées sur des divisions schématiques des professions, il n'est pas possible d'avoir le détail de toutes les professions donc au mieux on arrive à une spectre de 200-300 professions, ce qui conduit à gommer les particularités. Il est donc assez raisonnable de considérer ces analyses valables pour l'ensemble des pays d'Europe de l'Ouest et d'Amérique du Nord.

Concernant les probabilités de substitution de ces emplois par des robots, il y a deux types de frein. Le frein culturel qui ferait que certains peuples soient moins prêts que d'autres à ne plus interagir avec des opérateurs humains. Personnellement je n'y crois pas et la France, du fait d'un coût du travail, est déjà habituée à ne plus avoir de pompistes, portiers ou autres hommes-pancartes qu'on croise partout ailleurs.Le seul frein qui pourrait jouer en France serait que les entreprises aux marges faibles ne puissent investir dans ces robots, comme cela s'est passé avec les robots manufacturiers. Mais dans ce cas, la production "humaine" faite en France ne sera pas en mesure d'être compétitive face aux productions "robotisées" ailleurs et disparaitrait également.

Qu'est-ce qui déclenche cette évolution ?

C'est la rencontre de deux mondes, d'un côté l'ingénierie avec des capteurs de plus en plus performants, des matériaux de plus en plus solides, des processeurs de plus en plus rapide et de l'autre les sciences informatiques avec les progrès spectaculaires en direction de l'intelligence artificielle. Les robots voient leurs "corps" devenir de plus en plus mobile et réactif et leur "cerveau" de plus en plus gros. Ils sont en train de se redresser, d'apprendre à marcher et de voir leur boite crânienne grossir comme les hominidés. Sauf que le changement se compte en dizaine d'années quand il nous a fallu des millions d'années. Si Google a racheté huit sociétés de robotique en décembre et encore une start-up spécialisée dans l'intelligence artificielle hier, DeepMind pour 500 millions de dollars, c'est que la fusion entre le corps et la tête approche. La théorie de Ray Kurzweil, célèbre futurologue en charge de ces sujets chez Google, sur l'avènement de la première intelligence non humaine prend forme.

Les emplois qui vont disparaitre les premiers sont les emplois où la créativité est la plus faible et qui demandent le moins de capacités d'adaptation techniques ou sociales. Par exemple, un traducteur aura moins de chance d'être remplacé qu'un plombier qui devrait intervenir sur des installations à chaque fois différentes.

Quelles sont les différences entre la France et les Etats-Unis qui expliquent ces variations? Quelles autres professions pourraient être touchées chez nous, et pourquoi ?

Il n'est pas tant intéressant de regarder quelques emplois spécifiques mais de prendre en compte la conclusion de l'étude d'Oxford. 47% des emplois américains auraient de fortes chances d'avoir été robotisés d'ici deux décennies. Moshe Vardi, professeur à Rice University, dit même que l'ensemble des emplois humains auraient disparu d'ici 2045. Je suis en train de mener une étude pour transposer à la France les travaux réalisés aux Etats-Unis. Si je considère certaines hypothèses trop "technophiles", les conclusions devraient être toutefois assez similaires. Nous pouvons dire que d'ici 20 ans, un tiers à la moitié des emplois d'aujourd'hui auront disparu du fait de la robotisation croissante.

Mais cela n'a rien de choquant en tant que tel. Sur les 20 dernières années, en neutralisant la hausse de la population active, environ un tiers des emplois a évolué, certains étant détruits, principalement dans le secteur industriel, et d'autres étant créés notamment dans les services.

Quel est le problème alors ?

La grande peur qui traverse la société américaine, la littérature étant particulièrement abondante, est que le remplacement des emplois est terminé. Ce néo-luddisme, du nom de l'ouvrier Ludd qui détruisait les machines textiles dans l'Angleterre de 1811, est incroyablement fort dans une société pourtant très ouverte au progrès technologique. Rapidement, la première révolution industrielle a poussé au remplacement d'artisans très qualifiés par une main d'ouvre non qualifiée. La seconde révolution industrielle a marqué une qualification croissante des ouvriers qui constituaient l'épine dorsale des démocraties. La troisième révolution industrielle a apporté l'informatisation et l'émergence d'un grand nombre d'emplois de services qualifiés mais aussi la robotisation des usines et donc la disparition des ouvriers. La spécialisation de travailleurs qualifiés dans les services permettait d'offrir des emplois de service faiblement qualifiés. Mais les nouvelles avancées technologiques vont supprimer ces emplois ainsi qu'une partie des emplois qualifiés les moins créatifs. La destruction des emplois expliquerait la captation de richesses sans cesse plus importantes par une minorité. La technologie qui a détruit la classe moyenne est en train de grignoter les classes populaires et les classes supérieures.

Et quel est votre avis ?

Je pense que ces chercheurs et intellectuels souffrent d'une vision trop centrée sur leur propre pays. Si la prospérité relative des Etats-Unis peut laisser craindre que tous les besoins humains ne soient étanchés et que la production puisse rester à son niveau actuel, c'est oublier d'une part que les 4/5ème des êtres humains sur Terre aspirent à rejoindre ce niveau de vie et d'autre part nier l'infinité des besoins de l'être humain. Une plus forte productivité signifie des biens et services moins chers et donc un niveau de vie par tête plus important. Nos besoins n'ont jamais cessé de croître et l'offre nouvelle trouvera toujours preneurs. La vraie question est d'assurer que la concentration des richesses ne devienne pas trop forte au point d'empêcher le maintien d'une demande par le plus grand nombre.

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