La France sens dessus dessous : à mort les élites ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Des manifestants des Gilets jaunes tiennent une banderole lors d'une manifestation antigouvernementale le 12 janvier 2019 à Caen.
Des manifestants des Gilets jaunes tiennent une banderole lors d'une manifestation antigouvernementale le 12 janvier 2019 à Caen.
©CHARLY TRIBALLEAU / AFP

Bonnes feuilles

Sophie de Menthon publie « La France sens dessus dessous !» aux éditions Eyrolles. Sophie de Menthon pointe du doigt les blocages de l'Absurdie, pays où vivent nos PME et nos entrepreneurs, et les freins au développement de nos entreprises. Extrait 1/2.

Sophie de Menthon

Sophie de Menthon

Sophie de Menthon est présidente du Mouvement ETHIC (Entreprises de taille Humaine Indépendantes et de Croissance) et chef d’entreprise (SDME).

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À mort les élites ?

Et puis face à ce désarroi coléreux, nous en voulons à nos élites. Des années de socialisme ayant pour objectif l’égalitarisme plus que l’égalité ont fait que nous avons finalement estimé que niveler par le bas était peut-être la solution. Non pas que nous le formulions ainsi, mais, clairement, il faut tout rendre accessible à tout le monde. Le plus simple est évidemment d’écrêter. Qui décide de nos vies dans l’imagination populaire sinon «les meilleurs d’entre nous » et bien sûr les énarques lisses et tièdes qui savent tout mieux que nous et dont la culture apparaît comme méprisante. Puisque le gouvernement ne nous gouverne pas de façon satisfaisante, il s’agit de trouver des coupables. Pourquoi pas ceux qui nous taxent, ceux qui font les lois qui nous déplaisent et ceux qui mettent toutes ces contraintes qui peu à peu nous révoltent ? L’acceptation de l’impôt est avant tout une acceptation de l’État et une adhésion à ce qu’il en fait. Or, ce rejet récent des taxes (parti des Gilets jaunes) s’est presque instantanément transformé en un rejet des élites avec une inquiétante dérive vers l’intolérance.

Bien sûr, la violence est le fait d’éléments incontrôlés (on aimerait bien qu’ils le soient enfin), mais ce qui est aujourd’hui beaucoup plus important est cette ambiance révolutionnaire avec un retour de la lutte des classes, élargie. Méprisables et coupables nos élites ? Non, pas plus que d’autres, pas plus que d’habitude, mais il n’en demeure pas moins que le peuple, au sens large, n’en veut plus… Sachant, cependant, que lesdites élites ne sont pas les mêmes qu’hier mais quand même issues du même moule.

Les nouveaux aristos que l’on voudrait voir à la lanterne sont ces élites, incarnées aussi bien par les élus (petite exception pour les maires qui sont vécus comme des «villageois ») que par les banquiers, et les grands patrons qui « s’en mettent plein les poches » ; les journalistes sans distinction car ils sont le quatrième pouvoir, les forces de l’ordre, sauf quand on a vraiment besoin d’elles, et puis les riches bien sûr : le voisin nanti… On assiste à un véritable racisme de classe et à tous les niveaux. «Vous vous êtes donné la peine de naître » est une accusation quotidienne. Le quartier, l’éducation, les origines, le salaire, tout est prétexte à l’accusation suprême : la discrimination.

Pourquoi en sommes-nous arrivés là ? Nos nouvelles valeurs se sont éloignées de tout ce qui a fait notre histoire et cela explique ces rejets massifs. Nous n’avons plus foi dans le progrès qui faisait partie de la promesse républicaine, trop inquiétant et complexe aujourd’hui pour comprendre ce que nous réservent la révolution et la «menace » de l’intelligence artificielle.

La République elle-même, mise à toutes les sauces, n’enthousiasme plus que les orateurs perdus des discours politiques. La démocratie athénienne qui nous a formatés n’a plus rien à voir avec les nouvelles formes souhaitées de la démocratie d’opinion, sans repères, qui estime avoir la légitimité du pouvoir. Nos valeurs judéo-chrétiennes (espérance, charité, confiance, rapport à l’argent et à l’ambition) ont été dévoyées au nom du politiquement correct et d’une ouverture qui est souvent, en réalité, une forme de régression et d’abandon. Ces valeurs fondamentales sont souvent remplacées par un obscurantisme «d’ouverture ».

La liberté d’expression s’est considérablement réduite malgré la multiplication incontrôlée des médias : tout le monde peut tout dire, mais personne ne peut rien dire, sinon de façon anonyme grâce à la montée en puissance de réseaux sociaux dangereux qui dictent la pseudo bonne conscience de ceux qui nous gouvernent. La liberté elle-même a reculé. Pour notre bien, tout est décidé pour nous, nous sommes exemptés de responsabilité individuelle, en tout cas «responsables mais pas coupables ».

La justice elle-même n’est plus juste, elle semble juste là pour dire le droit, mais se permet de manquer d’objectivité (le «mur des cons » resté impuni demeure une tache indélébile). Une justice trop lente qui n’inspire plus le respect. Les procès sont devenus avant tout médiatiques. Lorsqu’un jugement est rendu quelques années après les faits et qu’il ne correspond pas au jugement médiatique de l’instant passé qui avait monopolisé l’opinion, la rectification et la vérité sont étouffées ou si peu rendues publiques que le mal est fait. Cette justice prend une mauvaise tournure, celle de tribunaux révolutionnaires médiatiques. On s’érige en juge à chaque coin de rue ; le nanti au sens large est forcément coupable : « Si ce n’est lui, c’est donc son frère. » Le voyeurisme a remplacé la transparence. Les partis politiques extrêmes jouent de nos mauvais sentiments et ne cachent plus la haine qui les anime, ils en font des programmes. Médiapart devient le Robespierre des temps modernes, on ne vérifie même pas les documents fournis qui deviennent pièces à conviction et vous expédient en garde à vue. Et comme dans toute révolution, il faut un ennemi de l’intérieur, il faut se le créer. N’est-ce pas une des causes d’un retour de l’antisémitisme, «le juif» a fait ses preuves, hélas ! Et puis une des caractéristiques de la révolution, c’est qu’elle mange ses enfants ; l’évolution des Gilets jaunes en est bien l’illustration, ils ont vite commencé à se déchiqueter entre eux…

(…)

Une solution pour avoir des médecins

On peut saluer la fin du numerus clausus proposé par Emmanuel Macron. Dans le cadre de son plan santé, on a annoncé la fin du numerus clausus qui limite, depuis 1972, le nombre d’étudiants en première année de médecine qui seront admis en seconde année. Il aura fallu quarante-six ans et une cruelle pénurie de médecins pour qu’un gouvernement réagisse. Pourtant, le moins que l’on puisse dire, c’est que nous demeurons dans le flou absolu, au grand désespoir des étudiants et des malades en puissance que nous sommes tous…

D’abord, la fin du numerus clausus ne signifie une augmentation réelle du nombre de médecins que s’il est accompagné par une augmentation des moyens dévolus à l’enseignement, et ce n’est pas prévu… Sinon, nous ne ferons que repousser l’échéance du grand écrémage de deux ans et nous ne verrons donc pas plus de médecins à l’issue des dix ans d’études.

À l’origine de ce numerus clausus un raisonnement économique absurde. Il faut être français et fonctionnaire pour croire qu’en diminuant le nombre de praticiens on va juguler la hausse des dépenses de santé et le fameux «trou de la Sécu»! Ce fut pourtant le cas, résultat prévisible : effondrement de la couverture sanitaire, zones de désertification médicale y compris en région parisienne. Engorgement des services d’urgence qui ne finissent pas d’être envahis aussi par la bobologie, importation croissante de médecins étrangers de tous horizons, déficit désespérant… Sans compter les nouvelles règles actuelles tout aussi absurdes, les services à l’hôpital sont rémunérés à l’acte. Il faut donc pour les médecins multiplier les actes pour que le budget soit maintenu. Chaque service a un objectif de patients à «faire» chaque année et le système est tel que cet objectif est «indispensable » pour garantir le budget de fonctionnement…

Supprimer de la paperasse!

Facile et cela ne coûte pas cher : les médecins passent de plus en plus de temps en papiers inutiles à remplir, et ce au détriment des malades. La logique et le bon sens consisteraient donc à alléger immédiatement cette bureaucratie. Eh bien, non! Arrêtons de penser que le médecin, comme le chef d’entreprise qu’il finit par être, est un fraudeur en puissance qu’il convient d’encadrer et de contrôler. L’administration tentaculaire qui engloutit 57 % de notre richesse nationale justifie son existence par la multiplication des normes et la bureaucratie qui s’ensuit. La masse de formulaires est proportionnelle au nombre de fonctionnaires nécessaires pour la traiter.

Une sélection appropriée

Ravages chez les étudiants : de combien de médecins de talent nous sommes-nous privés en les sélectionnant sur des critères (les maths !) aussi peu en rapport avec leur future profession que les examens de fin de première année de médecine. Il faut raisonner en termes de vocation et de talent… Car ceux qui réussissent ne sont pas assurés de finir médecins pour autant. Selon les promotions, ce sont entre 5 et 15 % des reçus de première année qui abandonnent avant l’internat. En première année, ils bachotent et ne découvrent pas la réalité de la médecine : la maladie, la mort, la souffrance… Ils n’ont absolument pas été préparés à cet univers et arrêtent leurs études en troisième ou quatrième année. Mais si la fin du numerus clausus revient à prolonger de deux ans la première année de PACES (pour avoir une sélection équivalente qui portera bien sûr un autre nom en fin de troisième année), où sera le gain en nombre de médecins ? Sans parler des étudiants qui auront alors dépensé trois ans au lieu d’un.

Comme ailleurs, il serait nécessaire de les sélectionner avant l’entrée en première année, mais ce n’est pas politiquement correct, on repousse la sélection le plus tard possible au nom d’une pseudo-égalité des chances (on retombe sur le bac). Ensuite, hélas, il faut dix ans pour faire un médecin.

Les universités ne sont capables de former qu’un nombre très restreint de médecins. Il faut donc multiplier ces facs. Par ailleurs, si la première année de médecine n’est plus sélective, il faudra accueillir un nombre considérable d’étudiants dans des structures hospitalo-universitaires qui n’y sont pas prêtes. Ils ne connaîtront donc pas plus la médecine que les actuelles premières années.

Citons ici le résumé de Frédéric Bizard, dans son ouvrage Santé : la seule réforme possible : « La triple transition démographique, épidémiologique et technologique impose l’instauration d’un nouveau modèle de santé qui fasse de la France à nouveau une référence mondiale. Ce nouveau modèle comprend une approche holistique de la santé et non plus seulement curative, une politique de la demande et non plus de l’offre, ainsi qu’une démocratisation de la santé qui se substituera à l’étatisme centralisé et vertical actuel. » 

Cette réforme implique une réforme de l’État, une réindustrialisation de notre économie, un renforcement de notre recherche, une réduction des inégalités sociales, une décentralisation de certains services et une reconquête de notre souveraineté nationale au sein d’une Europe mieux armée en santé.»

Alors que la France dispose d’une des meilleures ressources humaines médicales au monde et dépense 11,3 % de son PIB contre 9,9 % dans l’UE en 2018, notre système de santé traverse la crise la plus profonde de son histoire. Si cette crise n’est pas une crise de ressources, c’est une crise d’inadaptation à son environnement. Elle est multidimensionnelle (crise d’efficacité, économique, gouvernance, confiance).

Extrait du livre de Sophie de Menthon, « La France sens dessus dessous !, les caprices de Marianne », publié aux éditions Eyrolles

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