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L'Union européenne survivra-t-elle au Brexit ?
©Jack Hill / POOL / AFP

Disraeli Scanner

Lettre de Londres mise en forme par Edouard Husson. Nous recevons régulièrement des textes rédigés par un certain Benjamin Disraeli, homonyme du grand homme politique britannique du XIXe siècle.

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Benjamin Disraeli (1804-1881), fondateur du parti conservateur britannique moderne, a été Premier Ministre de Sa Majesté en 1868 puis entre 1874 et 1880.  Aussi avons-nous été quelque peu surpris de recevoir, depuis quelques semaines, des "lettres de Londres" signées par un homonyme du grand homme d'Etat.  L'intérêt des informations et des analyses a néanmoins convaincus  l'historien Edouard Husson de publier les textes reçus au moment où se dessine, en France et dans le monde, un nouveau clivage politique, entre "conservateurs" et "libéraux". Peut être suivi aussi sur @Disraeli1874

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Londres, 
Le 28 juillet 2019

Mon cher ami, 

Nous avons suffisamment parlé des qualités et des défauts de Boris avant son élection. A présent il a le rôle de sa vie. Il n'a pas d'autre choix que de l'interpréter magistralement. C'est pourquoi je crois qu'il va réussir. Si vous ajoutez qu'il a été correspondant à Bruxelles pour le Telegraph pendant plusieurs années, la technocratie européenne n'a pas de chance: le nouveau Premier ministre britannique connaît les rouages de la machine. 

Boris Johnson a eu le loisir, en outre, de vérifier ce qu'il en savait tout au long des négociations menées par Theresa May. Et la première caractéristique du comportement de Bruxelles, c'est qu'ils ont amorcé les relations avec un nouveau gouvernement britannique en reproduisant le comportement qu'ils avaient eu avec le précédent. Je suppose d'ailleurs que Michel Barnier est en vacances et qu'il avait programmé un robot pour faire une première réponse au discours de Boris devant la Chambre des Communes. Le calcul est simple: le Premier Ministre n'a qu'une majorité fragile- voire aucune si les Tory Remainers se rebellent- et il suffit d'attendre. S'il fait mine de s'obstiner dans la voie d'un No Deal, il aura droit à un vote de défiance. Et nous aurons un remplaçant enfin accommodant. 

Le raisonnement est plein d'erreurs d'analyse.  Boris sait mieux que d'autres la précarité de la majorité sur laquelle s'appuie son gouvernement. Mais il sait aussi que s'il tient une ligne de fermeté, le parti conservateur va grimper dans les sondages au point d'être annoncé comme le grand vainqueur d'une élection anticipée. Il est donc gagnant dans tous les cas. 

Aveuglement ? Absence d'intérêt pour la politique ? Comment expliquer le raisonnement de Bruxelles ? Il n' y a pas que la Commission à prendre en compte. C'est tout de même le Conseil qui aura le dernier mot et il est composé de chefs d'État ou de gouvernement élus. Ils sont à même de comprendre la stratégie électorale de Boris. Je fais l'hypothèse pour ma part qu'ils la comprennent si bien qu'ils sont paralysés par la peur.  

Cette affaire dure depuis trois ans. Malgré toutes les menaces, un groupe de députés des Communes, composé de Tories et de Labour, a refusé de voter le texte d'accord Robbins-Barnier. Et l'économie britannique ne s'est pas effondrée. Un Premier ministre bien plus intransigeant a été nommé. A Bruxelles et Berlin on comprend bien que si Boris échouait on aurait un véritable chaos : le Brexit Party et les Libéraux-Démocrates venant remplacer Tories et Travaillistes à Westminster. Et qui peut être certain que les Lib-Dems auraient la main? Mais si Boris réussit ? Quel sera l'effet sur la réputation et la cohésion de l'UE? 

Nous commençons à voir que l'Union européenne a fait un mauvais calcul en ne trouvant pas un accommodement avec Theresa May. La Grande-Bretagne aurait subi une semi-défaite diplomatique et Bruxelles aurait pu se prévaloir d'un accord.  A présent, Boris est en position de gagner. Les représentants de l'économie britannique préfèreront un No Deal à une prolongation du calendrier. Or, s'il y a un No Deal, Bruxelles aura le mauvais rôle. Après tout votre Macron avait un bon instinct quand il voulait mettre notre pays rapidement dehors en avril dernier. Le délai souhaité par l'Allemagne a permis à Boris d'être bien élu et de pouvoir préparer une élection générale dans les meilleures conditions. Et si Boris obtenait un accord, il prouverait à tout Etat membre que la fermeté paie dans les relations avec l'UE. 

Mon cher ami, la peur a changé de camp. L'Union européenne s'est coincée elle-même. Elle peut certes continuer à pratiquer la politique du pire. Miser sur le chaos en Grande-Bretagne. Mais je ne pense pas qu'elle y arrivera. Le monde économique britannique va vouloir une solution rapide.  Surtout, le patriotisme britannique a été suffisamment chatouillé pour que Boris dispose d'un confortable soutien dans l'opinion. On va donc vers la conclusion du Brexit.  Quand il sera devenu effectif, c'est une véritable onde de choc qui atteindra le continent. L'autorité de Bruxelles sera amoindrie. Le tandem Paris-Berlin apparaîtra a posteriori comme peu visionnaire et soudé. Les dissensions se multiplieront. L'Irlande en voudra à ses partenaires de l'avoir lâchée. L'Italie et le Groupe de Visegrad se trouveront confortés dans leur ligne conservatrice. L-Europe du Nord voudra à tout prix obtenir un accord commercial avec Londres. Plus le temps passera, plus les désaccords seront profonds. L'euro lui-même sera fragilisé par la confiance renforcée des investisseurs internationaux dans la livre sterling.  

Cela prendra un peu de temps. Mais il n'est pas à exclure que Madame von der Leyen soit le dernier président de la Commission d'une UE à 27. 

Bien fidèlement à vous

Benjamin Disraëli

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